L’AFTES valorise l’espace souterrain dans un monde en pleine transition
L’AFTES, l’Association Française des Tunnels et de l’Espace Souterrain, a fêté en 2022 son 50e anniversaire. Au fil des décennies, l’association s’est imposée comme l’animateur incontournable du secteur des tunnels et des espaces souterrains. Transitions, réchauffement climatique, grands projets, valorisation de l’espace souterrain, communication et visibilité à une échelle nationale et internationale… sont autant de sujets que Michel Deffayet, Président de l’AFTES aborde pour nous dans cet entretien.
Pouvez-vous nous présenter votre association ?
L’AFTES regroupe l’ensemble des acteurs de la profession : les maîtres d’ouvrage, les maîtres d’œuvre, les ingénieries, les bureaux de contrôle, les centres de recherche et de formation, les entrepreneurs, les consultants, les experts, les urbanistes et architectes, les fournisseurs de matériels, les équipementiers…
Sa principale mission est de fédérer et d’animer cette communauté professionnelle autour des tunnels et de l’espace souterrain. À sa création en 1972, l’idée de départ était d’avoir un lieu dédié aux échanges et au partage d’expériences. Dès le départ, l’AFTES s’est ainsi engagée dans un important travail de rédaction de documents, d’articles et de rapports sur les bonnes pratiques ou encore les règles de l’art de la profession. C’est ainsi que l’AFTES publie très régulièrement des recommandations qui ont une valeur de référence importante.
« Aujourd’hui, nous résumons notre mission ainsi : « Partager, Promouvoir, Informer, Apprendre ». »
Aujourd’hui, nous résumons notre mission ainsi : « Partager, Promouvoir, Informer, Apprendre » : partager le savoir-faire et l’expertise, faire progresser les connaissances et les techniques, promouvoir l’espace souterrain, informer par nos publications et favoriser la formation des métiers.
Notre vocation est de contribuer au développement de l’usage de l’espace souterrain, au progrès des méthodes de conception, de construction et de gestion des tunnels, et au développement des matériels et des équipements, applicables à la construction, à l’exploitation et à la maintenance des ouvrages et des espaces souterrains. Notre rôle est aussi d’agir en faveur d’une meilleure coopération entre les donneurs d’ordre publics ou privés et l’ensemble des professionnels concernés par la conception, la construction, la maintenance et l’exploitation de tous ouvrages et espaces en souterrain, toujours dans une optique de partage et en faveur de la progression des compétences dans tous les domaines : scientifiques, techniques, juridiques et administratifs, économiques et sociaux.
Il existe également une déclinaison internationale de notre association à savoir l’AITES ou ITA en anglais, l’Association Internationale des Tunnels et de l’Espace Souterrain, qui regroupe 78 pays, dont la France. Au sein de cette association internationale, l’AFTES apporte une contribution importante, notamment par le nombre très élevé de ses publications chaque année.
L’AFTES s’appuie aussi sur nombreux comités. Pouvez-vous nous présenter les principaux ?
À sa création, l’AFTES s’est dotée d’un comité technique et d’une dizaine de groupes de travail axés sur des sujets techniques. C’était alors l’époque des premiers grands projets souterrains, avec l’apparition des premiers équipements et machines qui permettaient d’avoir de plus grands rendements. Ce comité technique est aujourd’hui chargé de piloter l’ensemble des groupes qui le composent, de les coordonner, d’en définir le fonctionnement, d’assurer le suivi des actions ou encore la validation des textes…
Progressivement d’autres comités ont été mis en place. Le comité de l’espace souterrain est quant à lui mobilisé autour de la valorisation de l’espace souterrain et de son aménagement. L’idée est de faire prendre conscience que l’espace souterrain n’est pas qu’un espace d’enfouissement des câbles, des réseaux, des canalisations ou uniquement destiné à accueillir des bases et des fondations. C’est, en effet, un espace d’aménagement à forte valeur ajoutée qui doit être considéré avec un regard beaucoup plus positif. Très souvent, les aménagements les plus réussis, fonctionnels et opérationnels, allient un aménagement de surface avec certaines parties et fonctions assurées en souterrain.
« Le comité de l’espace souterrain est quant à lui mobilisé autour de la valorisation de l’espace souterrain et de son aménagement. »
Nous sommes convaincus que c’est cet ensemble qui permettra de donner plus de sens à nos politiques d’aménagement dans un contexte où la dimension environnementale est de plus en plus prégnante.
Nous avons également un comité dédié à l’éducation dont une des principales missions est de promouvoir notre secteur et nos métiers dans un contexte où il y a de fortes pénuries de compétences et de ressources.
Le monde du souterrain n’est pas assez connu du grand public. Au-delà, il jouit parfois d’une image calquée sur le passé et fausse alors qu’il s’agit d’un monde extrêmement technique, robotisé dans ses applications, à la pointe de la technologie et de l’innovation. C’est aussi cette image que nous cherchons à valoriser au travers de nos différentes actions. Dans cette continuité, nous avons aussi mis en place un comité des jeunes afin de les intéresser à nos métiers et d’apporter de nouvelles pratiques dans l’animation de notre communauté professionnelle.
Enfin, notre comité « Matériels, Équipements, Produits » couvre toute la dimension des fournisseurs. La réalisation d’un ouvrage souterrain ou d’un tunnel nécessite la mobilisation de nombreux matériels et équipements et produits très spécifiques. C’est une activité qui est généralement assurée par des PME locales et nationales qui ont des compétences et des expertises avérées et qui pour la plupart rayonnent à l’international.
Quelques mots sur vos délégations régionales ?
Les délégations régionales ont été mises en place pour coordonner les actions de l’AFTES dans certaines régions riches de projets souterrains. Il y en a trois : la délégation Île-de-France, la délégation Sud-Est, et la délégation Sud-Ouest. Elles permettent de créer des liens entre nos différents membres, notamment au travers des réunions d’information, des visites de chantier et d’entreprises, des journées techniques, des conférences ou encore des soirées thématiques qui sont régulièrement organisées. Elles entretiennent aussi des relations avec l’ensemble de nos parties prenantes : les représentants des institutions, des collectivités locales et de la société civile.
Nous organisons, d’ailleurs, des événements à intervalles réguliers partout en France. Ainsi nos dernières journées techniques de l’AFTES se sont tenues en octobre dernier, sur deux jours, à Chambéry, autour du projet Lyon-Turin.
Quelques mots sur votre congrès annuel. Quelle sera la thématique de la prochaine édition ?
La thématique de notre prochain congrès sera « Le souterrain au cœur des transitions ». Les transitions sont un concept dont nous entendons beaucoup parler et qui recouvre différentes définitions et dimensions. Aujourd’hui, aussi bien en Europe que dans le reste du monde, la principale préoccupation des professionnels est d’arriver à réaliser des chantiers durables avec un focus sur la question du développement durable, de la lutte contre le réchauffement climatique, de la protection de l’environnement et de la biodiversité, ainsi que sur la maîtrise des ressources…
Notre ambition est d’apporter notre contribution à ce sujet essentiel en mettant en avant comment notre profession se mobilise autour de ces enjeux. L’idée est aussi de démontrer que l’espace souterrain est une alternative d’avenir très intéressante et respectueuse de l’environnement pour beaucoup de problèmes de transport ou d’aménagement.
Au-delà, il s’agit aussi d’adresser les autres transitions qui redessinent le contour de nos métiers et de notre secteur : la digitalisation, la robotisation, l’automatisation, l’IoT, le BIM, le jumeau numérique permettent d’optimiser la conception, la réalisation et le suivi de chantiers et des ouvrages.
Le Congrès se tiendra la première semaine d’octobre 2023 à la Porte-Maillot à Paris. Il sera précédé d’une journée de formation à destination des jeunes professionnels.
Avez-vous d’autres événements qui sont prévus cette année ?
Nous réfléchissons à l’organisation d’une journée dédiée aux espaces souterrains autour du projet national de recherche « Ville 10D – Ville d’idées » qui vise à mettre en évidence la contribution du sous-sol au développement urbain durable, mais aussi à lever les freins à une utilisation plus répandue. Ce projet avait été lancé par l’AFTES il y a déjà une décennie et a donné lieu à la production de nombreux documents et rapports. Actuellement, un important travail de synthèse est réalisé afin de pouvoir publier un livre sur l’espace souterrain. Nous espérons, d’ailleurs, que cet ouvrage sera prêt pour notre Congrès !
Au cours des dernières décennies, notamment sous l’impulsion du Grand Paris, les travaux souterrains et les tunnels ont connu un nouvel essor. Qu’avez-vous pu observer dans ce cadre à votre niveau ?
Le chantier du Grand Paris est un chantier tout à fait exceptionnel à une échelle mondiale. Nous avons notamment pu voir plus de 20 tunneliers en action sur Paris. Le projet a vocation à construire un réseau de 200 kilomètres, ce qui va permettre de doubler la taille et la capacité du réseau historique. Il aura également des impacts considérables sur la ville en matière d’aménagement, de logements, de bâtis et de développement urbain.
« Le projet du Grand Paris a véritablement donné de l’énergie aux travaux souterrains et aux tunnels. »
Le projet du Grand Paris a véritablement donné de l’énergie aux travaux souterrains et aux tunnels. L’activité annuelle de nos entreprises de travaux souterrains, en France, a été multipliée par 4 depuis le début du projet. Les chantiers et les opérations sont encore en cours, mais le pic pour ce qui concerne le creusement est maintenant passé même s’il reste des tunneliers en action et d’autres à venir encore.
Nos entreprises françaises ont fait face avec brio à ce défi technique et humain. Le Grand Paris est une référence emblématique pour toutes les entreprises qui y ont contribué. Le projet leur a permis de développer leur résilience, leur capacité d’innovation afin de réaliser ce chantier d’une envergure hors du commun au cœur même de la ville. Il est important, de souligner cette prouesse technique !
Aujourd’hui, alors que le Grand Paris se poursuit, d’autres chantiers prennent le relais et vont mobiliser nos entreprises. On peut notamment citer le projet Lyon-Turin qui inclut un très long tunnel transfrontalier, ou encore le chantier de métro à Toulouse…
Comment voyez-vous le secteur évoluer ? Quels sont les principaux enjeux auxquels le monde des tunnels et des souterrains est confronté ?
Il y a, tout d’abord, cette question des transitions que nous devons appréhender avec justesse afin d’intégrer tous les enjeux et les opportunités qu’elles vont apporter à nos métiers. Dans ce cadre, notre défi est d’arriver à démontrer et à convaincre nos parties prenantes que ces infrastructures souterraines peuvent apporter des solutions pertinentes pour développer la mobilité de demain. Dans le monde entier, la démographie explose, les grandes villes et métropoles continuent de se développer. Les espaces souterrains ont plus que jamais vocation à devenir un levier incontournable de la politique d’aménagement et de la stratégie de transport de ces villes.
En parallèle, se pose aussi la question de l’utilisation de l’espace souterrain pour le stockage et la préservation de la ressource (énergie, eau, géothermie…). De nombreuses réflexions sont menées autour de ce sujet. Il y a un réel travail de pédagogie et de sensibilisation à mener auprès des décideurs publics afin qu’ils prennent conscience de la place des espaces souterrains dans ce cadre.
Et pour conclure ?
Dans ce contexte marqué par de fortes transitions et la nécessité de repenser l’aménagement de nos villes et de notre mobilité, il est important de casser tous les stéréotypes négatifs qui persistent sur l’espace souterrain.