Un modèle unique au service de l’adaptation au changement climatique
PREDICT Services a vu le jour à une époque où le changement climatique était encore appréhendé comme une menace lointaine. Depuis 17 ans, cette entreprise citoyenne française travaille sur le risque climatique et se mobilise pour en atténuer les effets. Son président, Alix Roumagnac revient sur la création de cette filiale de Météo France, Airbus Defence & Space et BRL, et son positionnement unique dans le monde entier.
Depuis près de 17 ans, vous observez l’évolution du changement climatique et ses impacts. Quel bilan dressez-vous aujourd’hui ?
En effet, l’entreprise PREDICT Services est née suite aux importants événements que le sud de la France a connu à la fin des années 90 et le début des années 2000. Nous avons commencé à travailler sur le concept en 2003 et nous avons créé la société en 2006. Depuis, nous suivons jour et nuit tous les événements climatiques d’abord en France, puis dans le monde entier.
PREDICT Services est une filiale de Météo France qui apporte son expertise dans le domaine météorologique ; Airbus Defence & Space qui nous apporte son expertise dans le domaine spatial ; et BRL, qui est spécialisé en hydraulique. En 2006, nous avons démarré l’aventure avec 3 personnes avec un focus sur 3 communes pilotes. Aujourd’hui, plus de 30 000 communes et collectivités locales françaises bénéficient de nos services. Nous sommes 35 collaborateurs. Nous avons noué des partenariats stratégiques avec les principaux groupes d’assureurs français et internationaux dont Groupama, qui a été notre premier partenaire, GAN, AXA, Generali, Pacifica… Nous disposons des coordonnées de plus de 20 millions de foyers français et 5 000 entreprises que nous pouvons alerter via SMS en cas de risque d’inondation, de tempête, de submersion marine ou d’incendies de forêt…
à l’heure de l’accélération de la survenance des événements climatiques extrêmes, il ne faut plus appréhender le changement climatique comme un événement à venir. Ses conséquences sont une réalité : les inondations de 2018 dans l’Aude, les températures extrêmes dans l’Hérault en 2019, la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes en 2020, ainsi que l’année 2022 qui marque un réel point de rupture, confirmé par de nouveaux tristes records dépassés encore en cette année 2023. Il est dorénavant urgent de s’adapter !
Au cœur de l’entreprise que vous avez créée, on retrouve cette notion de gestion des risques climatiques. Qu’en est-il ?
PREDICT Services conçoit des solutions intégrées pour la gestion des risques majeurs en France et à l’international. Nos services combinent conception d’organisations et consignes préventives à un système d’avertissement et d’aide à la décision pour l’anticipation et la gestion des phénomènes à risques. Notre objectif est ainsi de contribuer à la résilience des territoires, des entreprises et des particuliers face aux risques liés aux phénomènes hydrométéorologiques (inondation, tempêtes, fortes chutes de neige, submersion marine, canicule, grands froids, cyclone).
En parallèle, nous proposons aussi des outils logiciels, des plateformes web de gestion de crise. Dans le cadre de missions d’appuis auprès de services internationaux qui souhaitent renforcer leur dispositif de gestion crise, nous assurons le transfert de méthodologies et de technologies.
Nous nous appuyons sur deux centres de veille qui assurent un suivi 24⁄7 des événements à risques en France avec La Vigie et à l’international avec Le Sémaphore.
Notre ambition est de développer une meilleure connaissance des risques afin de mieux les anticiper. Le monitoring 24⁄7 et en temps réel nous permet via des systèmes de communication partagées avec les élus, les entreprises, les assureurs et les citoyens d’optimiser la prise de décision en situation du risque et de limiter les conséquences des événements extrêmes.
Comment intervenez-vous ?
Nous aidons les communes françaises à élaborer et à mettre au point des plans communaux de sauvegarde. Nous les accompagnons ainsi dans l’organisation d’exercices de simulation, l’activation de ces plans communaux, la mise en place des actions d’alerte précoce via l’envoi de SMS et d’informations localisées avec des recommandations et des consignes afin d’anticiper et de limiter les conséquences d’événements extrêmes.
En parallèle, nous avons construit un modèle économique très vertueux adossé à notre partenariat avec le monde de l’assurance qui finance notre service de monitoring des risques et d’envoi de recommandations que nous mettons gratuitement à la disposition de leurs assurés. En alertant les personnes d’un danger imminent, nous contribuons à sauver des vies, à mettre en sécurité des biens ce qui permet de réduire le coût des sinistres. Les économies générées permettent en retour de financer le système de prévention.
Notre spécificité repose dans notre capacité à délivrer un message progressif afin de disséminer les bonnes informations au bon moment en fonction de l’évolution de la situation et de l’intensité du risque. Ce qui permet d’éviter les fausses alertes.
Vous proposez aussi vos services au-delà des frontières nationales…
PREDICT Services n’a pas d’équivalent ni en France, ni dans le reste du monde. En 2009, nous avons commencé à échanger avec des bailleurs de fonds internationaux, notamment la Banque Interaméricaine de Développement, la Banque Mondiale et les Nations Unies.
Notre première mission à l’international s’est déroulée en Haïti en 2009. Ont suivi plusieurs autres et notamment pendant les Jeux Olympiques de Rio de Janeiro afin d’assurer le suivi et le monitoring des risques pendant cet événement sportif. Depuis nous sommes régulièrement sollicités par des pays et des États du monde entier demandent que nous leur transférions notre savoir-faire, nos méthodologies…
Notre action à l’international s’inscrit en réponse à l’appel à projet de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation Mondiale de la Météo en faveur de la mise en place d’un système d’alerte précoce mondial. Avec Météo France International, nous sommes mobilisés pour proposer un appui adapté aux différents pays au travers du transfert de méthodologies, de technologies et de formations. Nous travaillons, par exemple, avec le Maroc sur le déploiement de Vigirisque, un système de gestion du risque d’inondation au sein du ministère de l’Intérieur marocain en collaboration avec la Direction Générale de la Météo marocaine. En Haïti, nous sommes mobilisés sur le projet Gade Lapli labellisé par le SCO (Space Climate Observatory), visant à assister la Direction Générale de la Protection Civile Haïtienne dans la gestion des risques hydrométéorologiques extrêmes.
« Notre action à l’international s’inscrit en réponse à l’appel à projet de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation Mondiale de la Météo en faveur de la mise en place d’un système d’alerte précoce mondial. »
Dans la continuité des objectifs stratégiques du projet CREWS-SWIO (Soutien à la coopération régionale pour renforcer les systèmes de prévision opérationnelle continue et d’alerte précoce multirisque au niveau national dans le Sud-Ouest de l’Océan indien), nous apportons aussi un appui aux Comores. En Angola, nous participons au projet de modernisation des services de la météorologie nationale. Nous intervenons sur la partie hydrologique avec un focus sur la gestion du risque d’inondation afin de faire un diagnostic complet de la gestion du risque d’inondation en Angola. En collaboration avec Météo France International qui porte le projet depuis 2019, nous avons participé à la mise en place d’une préalerte hydrologique à l’échelle nationale.
En parallèle, pour répondre à la demande de nos partenaires assureurs, nous avons aussi un système d’alerte qui nous permet d’alerter et d’informer leurs clients industriels français qui ont des implantations et des sites dans le monde entier.
Dans votre modèle, l’innovation et la R&D jouent un rôle stratégique. Comment cela se traduit-il ?
Il y a deux décennies, quand nous avons lancé PREDICT Services, les smartphones n’existaient pas encore ! Aujourd’hui, le volet relatif à la dissémination et le monitoring des alertes est au cœur de nos enjeux technologiques. Avec le BRGM, ARMINES et l’Université Paris-Dauphine, nous travaillons ainsi sur le projet RESOCIO (Réseaux Sociaux en Situation de Catastrophe naturelle, Interprétation Opérationnelle) dont l’objectif est de démontrer l’intérêt et la faisabilité de l’exploitation automatisée des données issues des réseaux sociaux en contexte de crise liée à une catastrophe naturelle à cinétique rapide, comme les crues éclair ou les séismes, pour confirmer rapidement l’intensité et l’ampleur d’une catastrophe naturelle, afin d’apporter une réponse adéquate rapidement.
Nous nous intéressons aussi à l’IA pour pré-qualifier une situation à risque et établir différents niveaux de risques que nos ingénieurs vont analyser afin de déterminer les informations nécessaires et arbitrer si l’envoi de messages d’avertissement aux usagers est requis. Si le diagnostic humain reste essentiel, ces préqualifications à expertiser basées sur l’analyse d’importants volumes de données issues du monde entier permettent à nos équipes de mieux identifier les situations qui nécessitent une attention ou une action particulière et contribuent donc à optimiser le processus de prise de décision.
Enfin, nous avons aussi recours aux jumeaux numériques et aux données spatiales qui nous permettent d’avoir une meilleure visualisation et compréhension du risque.
Chaque année, nous organisons une journée dédiée à l’innovation, PREDICT INNOVE. La 6e édition s’est tenue le 27 juin. Plus de 150 membres de la communauté des acteurs de la gestion des risques y ont participé.
Pour relever ces défis, quels profils recherchez-vous ?
Nous sommes en recherche permanente de talents. Notre métier est très particulier. Au-delà des compétences techniques, c’est aussi un métier qui nécessite des convictions et un engagement. Nos équipes ont la mission de suivre 24⁄7 des événements climatiques. Dans un contexte où on parle beaucoup de la quête de sens au travail, notre métier fait particulièrement sens et est très satisfaisant malgré ses nombreuses contraintes !
Et pour conclure ?
Dans les années 70, l’économiste et philosophe américain, Kenneth Boulding disait : « celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». C’est aujourd’hui une réalité. Il me semble nécessaire de diffuser plus largement les notions de raison d’être et de sobriété à tous les niveaux de la société. L’adaptation ne suffira pas à inverser les courbes, il nous faut aussi nous inscrire dans une démarche d’atténuation.