Fabien Choné (X91), un enthousiasme communicatif
Si l’on osait ce jeu de mots trivial, on dirait de Fabien Choné que ce cofondateur de Direct Energie n’en manque pas (d’énergie !). Car il lui en faut, du dynamisme, pour concrétiser tous les projets que sa curiosité intellectuelle et son enthousiasme font éclore.
L’histoire polytechnicienne de Fabien commençait pourtant assez mal : son père, qui réussit le concours d’entrée en 1958, compte parmi les très rares élèves ayant quitté l’École sans être diplômé – pour des raisons à la fois disciplinaires et liées à une scolarité peut-être trop lointainement suivie. Qu’importe, il se réfugia aux Mines de Nancy et fit une belle carrière d’ingénieur, avant de décéder brutalement, en 1983, alors que Fabien n’avait que douze ans.
Un rattrapage efficace
Mme Choné, professeure de physique-chimie, dut alors élever seule ses cinq enfants à Bagnolet, où Fabien, le plus jeune de la fratrie (ex æquo avec son frère jumeau), fut un collégien un peu désinvolte, dans un établissement où, par exemple, un élève n’avait pas hésité à couper aux ciseaux la barbe du professeur d’anglais. Il réussit néanmoins à intégrer le lycée Charlemagne en classe de seconde, puis, in extremis, le lycée Condorcet en mathématiques supérieures.
« À partir de la classe de seconde, j’ai passé ma vie à rattraper le retard que j’avais accumulé plus jeune, mais j’ai toujours de grosses lacunes », explique-t-il modestement, avec une pointe de regret.
Il intègre l’X en 5⁄2 et part faire son service dans la Marine – sur le porte-avions Foch, qui navigue en Méditerranée. Sa promotion, la 91, est chargée d’animer le plateau à l’occasion du bicentenaire de l’École, et Fabien soumet alors deux idées : d’une part, organiser un match de football entre les élèves et le Variétés Club de France, qui compte dans ses rangs les plus fameux des anciens joueurs français ; d’autre part, installer dans le grand hall un vitrail moderne, dessiné par Hervé Loilier (X67), qui forma aux beaux-arts plusieurs générations de polytechniciens. Résultat : les élèves se firent battre 4 à 0, Michel Platini reçut un « bicorne d’honneur » et le vitrail orne toujours ce qui tient lieu de nef à notre école.
Direct Energie
Attiré par les travaux publics, Fabien Choné fait son application aux Ponts et Chaussées, mais un stage sur le chantier de l’université Léonard-de-Vinci le convainc que son bonheur se trouve ailleurs. Il commence sa carrière chez Deha-com, une petite entreprise qui a mis au point un système révolutionnaire de métrologie des ouvrages d’art, fondé sur des tressages de fibres optiques, puis rejoint, presque par hasard, EDF, d’abord à la direction de la recherche et du développement, puis à la direction de la stratégie, où il s’occupe de préparer l’ouverture du marché à la concurrence. Il soumet alors l’idée, sans doute un peu osée pour l’époque, qu’EDF crée sa propre filiale low-cost ; la suggestion est fraîchement accueillie, mais il la mettra quand même en œuvre de son côté : après avoir quitté l’entreprise nationale, il fonde Direct Energie en 2003, avec deux amis dont un camarade de promotion.
“Énergie, liberté.”
Fabien se retrouve alors confronté aux délicates questions du droit de la concurrence, fonde l’Anode (Association nationale des opérateurs détaillants en énergie) en 2006, propose le complexe (et aujourd’hui controversé) mécanisme de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique), attire sur son entreprise en développement l’attention des investisseurs, et finit par la revendre à Total, en 2018. Quand on lui demande quel est son meilleur souvenir de cette formidable réussite entrepreneuriale, il ne répond pas chiffre d’affaires ou nombre de clients, non, il évoque d’emblée, avec une émotion qui renaît dans toute sa fraîcheur, la victoire de Lilian Calmejane dans la 8e étape du Tour de France 2017 : le cycliste roulait aux couleurs de Direct Energie.
Un musée Guimard ?
Aujourd’hui, Fabien mène une triple vie. Le matin, il travaille, manuellement, sur le chantier de rénovation de la Faisanderie du château d’Arcueil, qu’il a rachetée presque en ruine il y a quinze ans et qu’il souhaite transformer en site de réception pour entreprises. L’après-midi, il développe avec sa holding, Fabelsi, qui regroupe diverses start-up intervenant dans le domaine de la transition énergétique. Sa passion pour le patrimoine l’amène aussi, dès qu’il le peut, à se battre avec ferveur pour la transformation de l’hôtel Mezzara, à Paris, en musée Hector-Guimard, « le Gaudi de notre capitale, pourtant si peu connu ! ». Ouvrons le Larousse : on y apprend que l’architecte de La Belle Époque « mania l’arabesque ornementale avec une énergie et une liberté étonnantes ». Énergie, liberté, on croit déceler dans ces deux termes les raisons pour lesquelles Fabien Choné s’intéresse à lui.
À propos de Fabien Choné : https://www.lajauneetlarouge.com/auteur/fabien-chone-91/