Construire des infrastructures durables grâce à la digitalisation et à une meilleure connaissance des matériaux
Dans un projet d’infrastructure, le choix des matériaux n’impacte pas seulement le coût. C’est aussi un élément décisif en matière de durabilité, d’empreinte carbone et d’économie circulaire. Dans un secteur très consommateur en matériaux, ORIS Materials Intelligence a développé une plateforme digitale qui permet à tous les acteurs du monde de l’infrastructure d’avoir accès à une large base de données et de nouvelles capacités de simulation pour optimiser leurs projets. Explications de Nicolas Miravalls, CEO d’ORIS Materials Intelligence.
Comment est née la plateforme ORIS ?
ORIS est née d’un constat très simple : dans les projets d’infrastructure, la consommation des matériaux n’est pas optimale à cause de la forte déconnexion qui existe entre les acteurs de cette chaîne et d’une méconnaissance du rôle de ces matériaux. Pour appréhender cette problématique, ORIS se positionne à la croisée de trois expertises : les matériaux de construction, l’ingénierie environnementale et de l’infrastructure, et les technologies numériques avancées (en particulier, l’intelligence artificielle). Combinées, ces expertises permettent d’établir des connexions et des synergies à forte valeur ajoutée au service d’une meilleure prise de décision.
Au départ, la plateforme a été développée dans le cadre d’une initiative intrapreneuriale au sein du département de R&D de HOLCIM, un major des matériaux de construction. Après des années d’incubation qui ont permis de développer la plateforme et sa base de données, ORIS Materials Intelligence est devenue une entreprise indépendante en 2021. Aujourd’hui, cette indépendance nous permet d’avoir plus de légitimité et de pertinence vis-à-vis de l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur que nous adressons.
Notre ambition est de révolutionner le secteur de la construction des infrastructures en donnant accès, de manière transparente, à la connaissance des matériaux, un sujet qui doit être pris en compte dès les phases amont d’un projet d’infrastructure. Les diverses fonctionnalités d’ORIS permettent ainsi aux différentes parties prenantes de faire des choix éclairés à toutes les étapes de leur projet, depuis les phases de préconception jusqu’à l’exécution.
À qui s’adresse-t-elle et à quels besoins répond-elle ?
ORIS s’adresse à tous les acteurs de la construction : les maîtres d’ouvrage, qui sont généralement les autorités publiques et les décideurs ; les designers ; les ingénieurs de projet ; les maîtres d’œuvre ; les constructeurs et les fournisseurs de matériaux. Nous couvrons véritablement tous les acteurs de cette chaîne de valeur, de l’amont à l’aval. En parallèle, ORIS référence l’ensemble des matériaux de construction disponibles pour chaque typologie de projet.
Concrètement, pour un projet donné, comme une route, il va être possible de réaliser des simulations sur ORIS et de créer des scénarios pour identifier la solution la plus pertinente en fonction de différents critères (localisation, contexte, enjeux, disponibilité, propriétés mécaniques et environnementales…). Alors que les matériaux impactent pour 60 % le coût des infrastructures et 85 % l’empreinte carbone, disposer des bonnes informations et de données transparentes pour objectiver les choix est plus que jamais stratégique !
Concrètement, comment fonctionne votre plateforme et que permet-elle de faire ?
La plateforme référence des milliers de données sur des matériaux de construction, ainsi que des informations contextuelles sur les projets (terrain, relief, climat, sols…). À partir de cette base de données, elle offre différents services liés à la visibilité des matériaux, leur référencement, le calcul de l’empreinte carbone, le coût de transport, l’optimisation des trajets, l’édition de documents nécessaires à la gestion des déchets comme la déclaration d’acceptation préalable…
Elle offre aussi des services d’ingénierie de pointe afin de calculer les impacts concrets des matériaux, d’identifier des solutions alternatives pour obtenir plus de circularité, moins d’impact carbone, une meilleure résilience au changement climatique, aux exigences en matière de sécurité routière…
nos équipes peuvent accompagner nos clients dans leurs projets les plus complexes sur des sujets d’analyse d’impact, de projets… Sur ce volet, récemment, pour un projet de lien ferroviaire d’une centaine de kilomètres comportant 250 typologies d’ouvrage, grâce à notre plateforme, nous avons pu obtenir une optimisation de l’empreinte carbone de plus de 20 % et une identification des potentiels de réutilisation des matériaux sur site pour réduire l’impact sur les ressources naturelles.
Notre manière d’appréhender l’impact des matériaux de construction, dès la phase de conception, en identifiant des solutions alternatives ou bien en réalisant des simulations dans le contexte réel du projet permet d’obtenir des optimisations significatives. Par exemple, sur des projets de chaussées, nous avons enregistré 15 à 30 % d’optimisation des coûts. En matière d’empreinte carbone et d’utilisation des ressources naturelles, nous avons des taux d’optimisation qui peuvent aller respectivement jusqu’à 50 et 80 % selon les solutions choisies.
Cette démarche inclut aussi la question de la maintenance des infrastructures et permet d’analyser le projet sur le cycle de vie de l’ouvrage.
Au cœur de son modèle, on retrouve une démarche innovante qui se base sur des algorithmes uniques, de la data science et de l’intelligence artificielle. Pouvez-vous nous en dire plus ?
ORIS Materials Intelligence est une DeepTech. Ou nous qualifie aussi de ConstructionTech d’InfraTech en fonction de nos interlocuteurs. Dans le cœur technologique de notre plateforme, on retrouve plusieurs expertises et disciplines : la data science, l’ingénierie des matériaux, l’intelligence artificielle, le machine learning… Nos équipes ont aussi des compétences avancées en calcul, en simulation, en statistiques, en visualisation des données, en exploitation et valorisation de la data… Nous déployons des algorithmes très avancés adossés à des techniques d’apprentissage automatique afin de faire de meilleures projections et recommandations.
Au-delà de la transparence et de la lisibilité de notre base de données et des informations que nous mettons à disposition des utilisateurs, nos recommandations sont totalement neutres. Nous nous appuyons sur l’ensemble des normes internationalement reconnues pour effectuer les analyses. Par exemple, nos modèles de calcul de carbone sont basés sur les normes européennes et ISO reconnues en la matière. Dans ce cadre, nos modèles ont d’ailleurs été vérifiés par Intertek. Les évaluations de sécurité routière sont, quant à elles, réalisées en partenariat avec l’International Road Assessment Program (iRAP), une référence internationalement reconnue, notamment par les Nations Unis. Et enfin, sur les aspects climatiques, nous utilisons les données et les projections du GIEC qui sont nos références en termes d’exposition climatique aux différents risques (chaleur, gel, inondation…).
En matière d’économie circulaire, quelle est votre position de valeur ?
L’économie des ressources primaires est intimement liée à la maîtrise de notre empreinte carbone. Ces deux dimensions sont au cœur même du modèle et de l’approche d’ORIS Materials Intelligence. Nous développons toutes les fonctionnalités qui permettent d’identifier la disponibilité et l’impact potentiel de l’économie circulaire dans le monde de l’infrastructure, qui consomme énormément de matériaux naturels. Pour un projet donné, nous allons pouvoir calculer automatiquement des schémas alternatifs en nous basant sur des indicateurs de circularité et d’économie circulaire. Les utilisateurs vont aussi pouvoir identifier à travers ORIS la disponibilité des matériaux recyclés ou issus de la démolition pour leur projet. Dans ce cadre, sur un projet ferroviaire, nous avons été en mesure de simuler la réutilisation et le réemploi de matériaux issus de tunnels pour des ouvrages, des bétons, des fondations…
Aujourd’hui, comment vous projetez-vous sur le marché ? Quels sont vos enjeux et perspectives ?
Nous sommes dans une phase de développement très dynamique. Actuellement, nous travaillons avec de grands acteurs du secteur de l’infrastructure à une échelle internationale : AECOM, EGIS, Eiffage, Autobahn GmbH,…, mais aussi des investisseurs institutionnels comme la Banque Asiatique de Développement. Au-delà des services rendus au travers de notre plateforme, nous pouvons aussi les accompagner dans leur projet dans le monde entier grâce à notre offre de conseil.
En parallèle, nous travaillons sur l’amélioration de notre plateforme pour la rendre plus accessible et permettre à tous les acteurs du marché de l’utiliser de manière toujours plus autonome.
Aujourd’hui, nous ciblons en priorité l’Europe avec la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les pays nordiques. Nous nous développons aussi rapidement en Asie Centrale et en Afrique. Nous envisageons de nous développer prochainement en Amérique du Nord.
Les enjeux du secteur du transport en matière de mesure, maîtrise et optimisation de l’impact des infrastructures nous ouvrent, par ailleurs, de belles perspectives de développement. Plus particulièrement, en France, avec l’intégralité de nos offres, nous sommes en mesure de répondre aux besoins de toute la chaîne de commande de l’investissement public en matière d’infrastructures de transport, depuis la maîtrise d’ouvrage, avec les donneurs d’ordre – municipalités, conseil départemental, DREAL ou réseau national – jusqu’à l’exécution en passant par les fournisseurs de matériaux !