La start-up technologique qui révolutionne le recyclage et la valorisation des modules photovoltaïques
Yun Luo (X97), CEO de Rosi, s’est attaquée à une problématique critique de la filière photovoltaïque : obtenir, grâce au recyclage, des matières premières de haute pureté qui peuvent être réutilisées et réinjectées dans différentes filières de haute valeur. Après trois ans de R&D, la jeune pousse française a développé une série des technologies brevetées qui lui permet de relever ce défi. Avec un premier site industriel et démonstrateur récemment lancé à La Mure, Rosi affiche déjà des ambitions de développement en Europe, notamment en Allemagne et en Espagne.
Quels sont votre modèle et votre positionnement ?
Le photovoltaïque est devenu, au cours des dernières années, un des principales énergies renouvelables. Si la génération de cette énergie est très propre et n’implique pas de CO2, la fabrication des matières premières pour produire les modules photovoltaïques est très intensive en énergie et en CO2. Parmi ces matières critiques, on retrouve le silicium pur qui permet de transformer la lumière en électricité. Pour fabriquer une portion de silicium, il faut trois îlots de quartz de bonne qualité, deux portions de bois et une portion de charbon, des ressources naturelles non-renouvelables.
Une fois obtenu, ces blocs de silicium ultra pur sont découpés en wafers de silicium pour fabriquer les cellules et les modules ce qui entraîne généralement une perte de 40 à 50 % de silicium ultra pur. Au-delà, ces cellules et modules peuvent facilement être endommagés et cassés durant le transport ou l’installation. Et au bout de 10 à 20 ans, ils perdent jusqu’à 20 % de leur efficacité et doivent être remplacés.
Tous ces modules solaires sont collectés dans le cadre de la directive européenne DEEE. Dans le cadre du recyclage et de la revalorisation, ces modules, et donc la matière première qu’ils contiennent, sont broyés ce qui entraîne un mélange de tous les composants : silicium, argent, cuivre, verre, polymère… À partir de là, il est impossible d’extraire des matières de haute pureté réutilisables.
Fort de ce constat, j’ai co-créé Rosi, il y a plus que 5 ans, pour justement extraire ces matières issues du recyclage des déchets photovoltaïques et les réinjecter dans les filières industrielles. Pour ce faire, nous avons développé des procédés et des équipements à la pointe de l’innovation et de la technologie. Enfin, nous répondons aussi, dans cette démarche, aux principaux défis du recyclage et de la revalorisation des déchets : la pureté des matières et l’intégration de ces matières premières recyclées dans l’industrie.
Aujourd’hui, comment se positionne votre entreprise ?
Rosi est une start-up DeepTech. Notre cœur de métier est le développement de procédés et d’équipements pour proposer ce service de recyclage dans la chaîne de valeur photovoltaïque afin de valoriser les modules solaires collectés par les éco-organismes.
Notre premier site de recyclage, Rosi Alpes, a été lancé il y a quelques mois. Nous avons vingtaine de collaborateurs aujourd’hui à Rosi Alpes. Rosi est adossée à une maison-mère qui est, par ailleurs, en charge de notre activité de R&D. Aujourd’hui, nous sommes une vingtaine de personnes au sein de la maison-mère.
Notre site, Rosi Alpes, est détenu à 100 % par Rosi. Sur site, nous pouvons recycler jusqu’à 3 000 tonnes de modules solaires en fin de vie issus du marché français, mais également des pays voisins.
Comment fonctionnent la technologie et les procédés que vous avez développés ?
Le premier enjeu est d’arriver à séparer les matières premières encapsulées dans les modules. Dans ce cadre, nous nous intéressons essentiellement au silicium et à l’argent qui représentent plus de 60 % de la valeur économique des modules solaires.
Nous avons développé une séquence de procédés composée de trois étapes :
- une délamination par traitement thermique, c’est-à-dire, une pyrolyse contrôlée qui dégrade les polymères qui relient toutes les couches dans le module. À partir de là, on obtient du verre, des plaquettes de silicium, de rubans de cuivre… et on réalise un tri mécanique pour séparer ces composants ;
- une séparation physique et chimique dans un milieu aqueux pour séparer des fils d’argent depuis la surface des cellules : via une attaque chimique très douce, nous séparons sélectivement ces fils d’argent et les cellules. Dans ce cadre, on obtient un mélange de silicium et des fils d’argent après le séchage ;
- Une séparation mécanique finale pour séparer les fils d’argent et le silicium.
À l’issue de ces étapes, nous obtenons du verre, des rubans en cuivre, du silicium et des fils d’argent. Sur cette séquence de procédés, nous avons, d’ailleurs, déposé 5 brevets.
Aujourd’hui, notre activité s’articule autour de deux axes et génèrent deux revenus : les frais de traitement payés directement ou indirectement par les éco-organismes, comme Soren, en charge du recyclage et de la valorisation de cette filière et la revente des matières premières pures, qui représente la plus importante de notre chiffre d’affaires.
Pourquoi est-il stratégique de développer une filière de revalorisation de ces matières premières en Europe ?
Dans un contexte marqué par des crises géopolitiques et un enjeu de souveraineté économique et énergétique, il est essentiel de redémarrer une activité industrielle autour des énergies solaires en Europe. Pour ce faire et pour répondre à une demande croissante, il faut sécuriser l’accès aux matières premières. À côté de l’extraction minière qui est très énergivore et émettrice de CO2, le recyclage et la revalorisation s’imposent de plus en plus comme une alternative à forte valeur ajoutée. Et avec notre premier démonstrateur, notre ambition est de démontrer la pertinence, mais aussi la performance de cette filière.
Dans ce cadre, notre enjeu est de conserver et de renforcer notre leadership sur cette activité.
Enfin, il s’agit aussi de sensibiliser les investisseurs et l’ensemble de nos parties prenantes sur le fait que le recyclage est une activité différente de la production. Les marges ne sont pas les mêmes et le retour sur investissement s’inscrit dans le temps. Pour développer ces filières qui sont un vecteur de réindustrialisation pour la France et l’Europe, il est essentiel de mobiliser l’ensemble des parties prenantes pour créer des synergies à forte valeur ajoutée.
Quelles sont les prochaines étapes pour Rosi ?
Durant les trois premières années, nous nous sommes concentrés sur le développement technologique de notre solution avec le soutien et l’aide de la Bpi France et de l’Ademe. Nous avons alors pu mettre en place un prototype industriel ainsi que les principaux équipements industriels.
En 2021, avec notre partenaire Envie, nous avons été sélectionnés et retenus par l’éco-organisme Soren pour le recyclage et la valorisation des panneaux solaires en fin de vie en France. Nous sommes très reconnaissants à Soren d’avoir fait confiance à notre start-up !
Avec l’aide de la Commission européenne, nous avons clôturé une levée de fonds en 2022 et lancé la construction du site dans la région grenobloise. Nous avons récemment finalisé la construction de ce démonstrateur de 3500 m2 dans la région grenobloise pour le recyclage des modules solaires en fin de vie en Europe. En parallèle, nous avons commencé notre développement en Europe, notamment en Espagne et en Allemagne avec nos différents partenaires.
Enfin, aujourd’hui, Rosi est une entreprise technologique. Nous ne nous positionnons donc pas comme un recycleur, mais plutôt comme un fournisseur de matières premières par la voie de recyclage. Notre mission est donc de recycler ces matières premières, de les reconditionner pour les réinjecter dans l’industrie de photovoltaïque en Europe.
Pour poursuivre votre développement, quels sont les talents que vous recrutez ?
Nous sommes une jeune équipe. Nous recherchons des talents qui ont une appétence pour les sujets technologiques, industriels et environnementaux et qui souhaitent, à leur niveau, contribuer au développement d’une activité vertueuse.