« 3 ans pour agir » pour le climat, que peut faire la France ?
Nous avons 3 ans pour agir. Pour commencer à faire baisser les émissions mondiales de carbone, pour limiter à 1,5 °C l’augmentation des températures sur Terre, et pour assurer un avenir vivable à l’humanité. Telle est l’alerte donnée il y a plusieurs semaines par le GIEC. Une alerte qui s’accompagne de recommandations quant aux solutions à mettre en œuvre. Alors, face à ce défi, quelle peut être la place de la France au cours des 3 prochaines années ?
La France est la 7e puissance mondiale. Elle doit exercer sa capacité d’innovation et de leadership. Pour cela, elle dispose d’expertises parmi les meilleures mondiales dans les métiers de l’eau, du recyclage et de l’énergie, qu’elle a contribué à inventer dès les débuts de la révolution industrielle.
Elle dispose aussi de ressources de proximité insoupçonnées. C’est au sein de nos territoires que se niche une part de la solution, avec des professionnels aux compétences variées. Les ressources ne sont plus concentrées en quelques lieux stratégiques, comme au temps des mines : elles sont désormais disséminées un peu partout.
Eaux usées, déchets ou chaleur fatale : ces ressources locales, à portée de main, représentent un grand potentiel pour réduire nos prélèvements sur le milieu naturel, décarboner notre mix énergétique et, en complément de nos efforts de sobriété, contribuer à abaisser significativement nos émissions de gaz à effet de serre. Nous pouvons agir dans le champ industriel. De l’automobile à la chimie, en passant par le luxe et l’agroalimentaire, la France compte une industrie d’une grande diversité.
Elle peut accélérer la réincorporation de matières premières recyclées, y compris de ses propres déchets de production. Par exemple, retraiter ses eaux usées pour les réutiliser comme eaux de process est une façon pérenne de faire face à la tension sur la ressource en eau.
Au regard des prix actuels de l’énergie, il est plus que jamais pertinent de jeter un œil neuf sur la valorisation de la chaleur fatale émise par les procédés de production. D’après l’Ademe, ce gisement équivaut à 36 % des combustibles aujourd’hui consommés par l’industrie.
« La France, qui est la première puissance agricole de l’Union européenne, peut montrer comment il est possible de réduire de 20 % la consommation d’engrais minéraux sans réduire d’autant la production. »
Nous pouvons aussi faire beaucoup en matière agricole. Chaque année, 10 millions de tonnes alimentaires sont perdues partout sur le territoire. Au-delà de la lutte contre le gaspillage, le recyclage « de la nourriture à l’agriculture » est un levier puissant de décarbonation, notamment pour produire des engrais organiques peu consommateurs d’énergie. La France, qui est la première puissance agricole de l’Union européenne, peut montrer comment il est possible de réduire de 20 % la consommation d’engrais minéraux sans réduire d’autant la production, pour rendre concrète la directive “De la ferme à la fourchette”.
Partout où des habitants se séparent de leurs meubles abîmés, on trouve des matériaux réutilisables et de la biomasse. Partout où l’on traite l’eau et les biodéchets, on trouve un gisement potentiel de biométhane. Libéré, c’est un puissant gaz à effet de serre. Capté, transformé, il peut servir d’alternative au gaz fossile importé. Nos territoires peuvent produire en masse du gaz vert, jusqu’à ambitionner, comme la Seine-et-Marne, de produire 75 % de sa consommation d’ici à 2030.
Au-delà de l’impact environnemental, l’exploitation des ressources locales relève d’un enjeu de souveraineté nationale. C’est vrai pour l’énergie, mais aussi pour les métaux. À l’heure du développement des véhicules électriques, c’est la raison pour laquelle nous devons mettre sur pied une véritable métallurgie du déchet. Si la France n’a pas de mine de nickel ou de cobalt, elle peut disposer au fil des ans de quantités considérables de batteries usagées, dont elle pourra extraire ces précieux métaux.
En mobilisant l’excellence de ses ingénieurs et de ses chercheurs, elle peut même aller plus loin et devenir, rapidement, la nation qui mettra au point une pétrochimie du CO2. Le GIEC nous le dit : c’est en associant sobriété, efficacité, nouveau mix énergétique et capture du CO2 que nous avons une chance de relever le défi climatique. Pour accélérer la capture, nous pouvons chercher à recycler localement le carbone. Sur les stations d’épuration du SIAAP en Île de France, le Collège de France et le CEA expérimentent ainsi la transformation du CO2 en méthanol et en acide formique, deux produits aux larges usages. La recherche française en environnement, est parmi les meilleures au monde, elle mérite d’être fortement soutenue.
Le défi lancé par le GIEC est vertigineux. Mais nous avons déjà commencé. Des investissements massifs ont été réalisés depuis des décennies dans les territoires pour éviter les pollutions, il est aujourd’hui possible de capitaliser dessus pour en faire des solutions. La France, en se fixant des obligations toujours plus fortes et en mobilisant ses énergies dans le cadre d’une planification écologique vigoureuse, peut prendre l’initiative et changer la donne.