Un métier sérieux / Le gang des bois du temple / Les feuilles mortes / Le procès Goldman / Le règne animal
Il y a eu quelques bons produits, au marché des salles obscures, mais on va en parler ensuite. Dès l’abord, au rayon des survols un peu cruels, on rangera Bernadette (réalisatrice : Léa Domenach – 1 h 32) qui n’a que le tort d’arriver sixième dans la dure sélection des cinq sorties du mois, en dépit de ses acteurs convaincants, dans une version agréablement fictionnée des informations du documentaire sur le même sujet de France 5 diffusé le 8 octobre – et disponible en replay jusqu’au 15 février. Cruauté aussi pour la performance de Caleb Landry Jones dans le malheureusement regrettable en tout point par ailleurs Dogman (réalisateur : Luc Besson – 1 h 54). Simple lucidité, pour la sortie ratée – puisqu’il s’agirait de son opus ultime – de Woody Allen avec un Coup de chance (1 h 33) qu’il vaut mieux oublier (la formule de Françoise Giroud s’applique : on ne tire pas sur une ambulance). Enfin que proférer d’autre sur Le livre des solutions (réalisateur : Michel Gondry – 1 h 42), malgré quelques rires nerveux, que cet emprunt au parler djeune : n’importe nawak ? Que reste-t-il alors, le ménage fait ?
Un métier sérieux
Réalisateur : Thomas Lilti – 1 h 41
Un film modeste dans son propos et parfaitement réussi, maîtrisé, attachant, sur la vie d’un établissement scolaire côté équipe pédagogique. C’est globalement très équilibré, juste, bien observé, complet… et un peu optimiste. On aime cette équipe d’acteurs dans des personnages bien incarnés, bien assumés, humains, fragiles, qui ont à peine, mais réelle, bien croquée, une vie hors du collège, avec au premier rang, par son emballant et empathique investissement tous azimuts, Adèle Exarchopoulos, formidable d’intensité présente. Mais tous sont excellents, Louise Bourgoin, Vincent Lacoste, William Lebghil, François Cluzet et tous les autres ! Un spectacle qui ne résoudra aucun problème mais qu’on remerciera pour son regard compréhensif et attendri sur le métier. Thomas Lilti sait décidément y faire !
Le gang des bois du temple
Réalisateur : Rabah Ameur-Zaïmèche – 1 h 54
C’est un « polar » exceptionnel ! Après un prologue magnifique de densité qui culmine dans un chant d’une boule-versante beauté, la narration s’ouvre, tendue, riche dans sa mise en contexte, minimaliste dans ses effets, à l’écart de toute esbroufe, narration d’un braquage commis par une petite bande de banlieue qui a choisi un objectif hors de sa zone de confort et narration de ses dramatiques conséquences. Dans la tragédie qui s’ensuit, haute figure mutique, bienveillante et impliquée, un retraité de l’action va sobrement tirer de son fourreau le glaive impitoyable de la justice. Excellents acteurs. Puissant et profond !
Les feuilles mortes
Réalisateur : Aki Kaurismäki – 1 h 21
Le milieu ouvrier d’une Finlande universelle et désespérante, des êtres frustes chez qui l’aspiration au bonheur par l’autre se heurte à l’incapacité de formuler et s’accroche à des schémas comportementaux simplistes mais forts et au tâtonnement muet, aveugle et obstiné des sentiments… Il tient debout mais noyé d’alcool, elle vit humblement un désert affectif et leurs regards se croisent un soir. Cette émergence factuelle, sans verbalisation, d’un couple confronté à la dureté de son environnement, à la mauvaise volonté du hasard et à l’obstacle de ses handicaps propres fait un film lent, assez touchant, traversé de traits d’humour inattendus, où l’existence individuelle est un pitoyable naufrage et l’autre une espérée et nécessaire planche de salut.
Le Procès Goldman
Réalisateur : Cédric Kahn – 1 h 55
Précis, structuré, sans fioriture, quasi documentaire, un film rigoureux, complet et prenant sur le procès en appel de Pierre Goldman à la fin des années 1970. Excellents acteurs. Concentré, violent, intelligent, avec le sens de la répartie, le Goldman d’Arieh Worthalter touche juste sans parvenir, face à la convergence à charge de témoignages pourtant souvent fluctuants et ambigus, à nous imposer absolument son innocence. Très instructif.
Le règne animal
Réalisateur : Thomas Cailley – 2 h 08
Une sorte de pandémie mutagène qui fait basculer l’humain vers l’animal s’amorce et a touché la mère. Romain Duris et Paul Kircher portent for-midable-ment et très haut la relation père-fils, dans une dramaturgie aux frontières de laquelle s’impose la présence étonnamment dense de brutalité attentive d’Adèle Exarchopoulos, empathique agent extérieur. On hésite d’abord un peu à suivre la proposition et puis soudain on se retrouve embarqué, la tension monte, on croit à l’incroyable et on se désole de la pitoyable incompréhension des hommes. Et, quand on est un bon client pour l’amour paternel, la fin est bouleversante.