Musique classique et Cinéma
La musique classique s’est liée assez tôt au cinéma. Il faut comprendre qu’à ses débuts le cinéma est en mal de reconnaissance, car considéré comme une distraction foraine. En 1908, afin d’attirer le public du théâtre et de l’opéra, la société du Film d’Art commande à Camille Saint-Saëns une des premières musiques originales, pour L’Assassinat du duc de Guise. Si le film devient un grand succès international, une telle pratique ne se généralisa qu’à partir du milieu des années 20.
En attendant, les musiciens de salle puisaient très couramment dans l’œuvre de Bach, Beethoven et Debussy. Chaplin, qui composait ses musiques lui-même, proposa même aux salles la 6e Symphonie de Tchaïkovski pour Le Kid.
L’émergence de la musique de film
L’arrivée du cinéma parlant voit émerger la musique de film créée pour soutenir l’image. Pour autant la musique classique va subsister à l’écran. Déjà Chostakovitch et Prokofiev (Alexandre Nevski, Ivan le Terrible, Kijé…) composent dans les années 30 spécialement pour le cinéma. Ensuite, les réalisateurs vont régulièrement recourir au répertoire classique.
C’est logique pour accompagner la vie portée à l’écran des grands compositeurs comme Schumann (Song of love), Liszt (Lisztomania), Mahler (Mort à Venise), Beethoven (Ludwig van B.) et bien sûr Mozart (Amadeus – 8 Oscars). De même, Disney organisa Fantasia autour de huit morceaux classiques célèbres.
La musique diégétique
Logique également quand la musique s’avère diégétique (intégrée à la narration), comme dans L’Homme qui en savait trop d’Hitchcock (8 minutes de concert sans dialogue), Les évadés (Les Noces de Figaro diffusées aux prisonniers) et Le Parrain (la sanglante scène finale du baptême avec la Passacaille de Bach).
En revanche, c’est plus étonnant pour accompagner le pilotage d’une machine à prédire le futur (Schubert dans Minority Report), la mort d’un GI au Viêtnam (Barber dans Platoon) ou encore une course d’aviron (Grieg dans Social Network). Certaines musiques sont désormais étroitement liées à une scène : La chevauchée des Walkyries ne se conçoit plus sans les hélicoptères d’Apocalypse Now. De même Ainsi parlait Zarathoustra de Strauss avec le lever de soleil du générique de 2001, l’Odyssée de l’espace (alors que ce ne devait être initialement qu’une musique de travail pour le montage !), d’ailleurs réutilisé en hommage dans le récent Barbie.
Kubrick se fit d’ailleurs une spécialité de recourir aux compositeurs classiques pour ses films : Orange mécanique, Barry Lyndon, Eyes Wide Shut et même Shining.
Des tubes de cinéma
Certains morceaux sont devenus de véritables tubes de cinéma. On ne compte plus les utilisations de la Toccata et fugue en ré mineur de Bach, du Docteur Jekyll de 1931 au récent Docteur Strange 2 en passant par Le sens de la vie des Monty Python. L’Adagio de Barber peut illustrer aussi bien Elephant Man et Platoon que Rollerball et le dessin animé Miraculous. Et nous avons déjà décrit dans cette rubrique (octobre 2017) comment certains compositeurs les plus célèbres de musique de film (John Williams, Howard Shore…) se sont inspirés des orchestrations et techniques de Wagner et de Dvořák notamment.
Notre moment mélomane préféré au cinéma ? Lorsque surgissent les notes de l’adagio du 23e Concerto de Mozart dans L’Incompris de Comencini. Difficile alors de retenir les larmes. Essayez pour cet adagio, si ce n’est pas déjà fait, le concert filmé d’un Menahem Pressler de 92 ans commenté ici en décembre 2015.
Retrouvez d’autres analyses de Laurent Darmon sur le cinéma sur www.zecinema.net