Blue chips pour Noël
« Tant crie l’on Noël qu’il vient »
Ballades des proverbes, François Villon
Bartók
1er décembre 1944. L’Orchestre symphonique de Boston crée le Concerto pour orchestre que son directeur, Serge Koussevitzky, a commandé en mai à Béla Bartók pour mille dollars. Bartók est gravement malade et à court d’argent. Avec ce Concerto, il va donner au monde son testament musical, qui va se révéler être l’une des œuvres majeures du XXe siècle. Richesse des thèmes, des timbres et des rythmes, orchestration qui dépasse encore ce que Bartók, grand orchestrateur, a fait de mieux, ce sommet de la musique tonale laisse encore pantois aujourd’hui.
Après ce Concerto, Bartók emploie ses ‑dernières forces dans la composition (sur commande de l’altiste William Primrose) d’un Concerto pour alto, qui restera inachevé (il manque le scherzo) et dont un de ses disciples achèvera la mise au point. Œuvre largement inspirée du folklore hongrois dont on ne peut écouter le mouvement central, adagio religioso, les yeux secs. Bartók mourra en septembre 1945 sans avoir entendu son Concerto pour alto.
Ces deux œuvres ont été superbement enregistrées par l’Orchestre national de Lille, une des formations principales de la scène musicale française, dirigée par Alexandre Bloch, avec en soliste Amihai Grosz, premier alto du Philharmonique de Berlin. Un grand disque.
1 CD ALPHA
Bach – Suites et Concertos brandebourgeois
L’universalité de la musique de Bach fait qu’elle se prête à toutes les interprétations. Les 6 Concertos brandebourgeois et les 4 Suites (« ouvertures »), sommet de la musique instrumentale de Bach, peuvent être joués par une formation moderne de musique de chambre avec piano, flûte traversière, vibrato des cordes, aussi bien que par un ensemble de musique baroque avec clavecin, flûte à bec, instruments anciens, absence de vibrato, ce qui est le cas de l’ensemble Zefiro, dirigé par Alfredo ‑Bernardini. L’interprétation Zefiro est sans doute la plus authentique, la plus proche de ce que Bach a voulu. On retrouve ainsi des pages célèbres, presque populaires : la badinerie de la Suite en si, l’aria de la Suite en ré, le 1er mouvement du 5e Brandebourgeois (qu’esquisse a capella la bande de copains dans Vincent, François, Paul et les autres, le film de Claude Sautet). Mais on redécouvre aussi les moins connus de ces chefs‑d’œuvre de Bach, composés à Cothen pendant la période sans doute la plus
heureuse de sa vie, qui irradient la joie de vivre.
3 CD ARCANA
Brecht et Kurt Weill, L’Opéra de quat’sous
En juillet 2023, au Festival d’Aix, la Comédie-Française et l’ensemble Le Balcon ont présenté une version française du Drei-groschen-oper. C’est l’enregistrement de cette production qui fait l’objet d’un CD tout récent. En France, nous connaissons en général L’Opéra de quat’sous par le film de Pabst (1931), version allemande avec Lotte Lenya, et, éventuellement, par sa version française avec Margo Lion. Ici, c’est une nouvelle traduction et une nouvelle adaptation qui président à cette version, brillante, enlevée. La voix rocailleuse et inoubliable de Lotte Lenya nous manque ; mais nous pouvons enfin comprendre le texte de Bertolt Brecht et les comédiens français sont comme toujours impeccables.
La version française du film de Pabst, tournée en même temps que la version allemande, mettait en scène des acteurs français et un texte infidèle au texte de Brecht, avec, par exemple, le poème « En ce bordeau où tenons nostre état », Ballade de la grosse Margot de François Villon.
1 CD ALPHA