Richter

Wolfgang Amadeus Mozart : Sonates K. 282, K. 545, K. 310 / Frédéric Chopin : 12 Études op. 10 et 25

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°792 Février 2024
Par Marc DARMON (83)

Svia­to­slav Rich­ter, pia­no, Bar­bi­can Cen­ter 1989

Voi­ci un enre­gis­tre­ment public incroyable. Détes­tant être fil­mé, le grand Rich­ter avait décou­vert le pro­jet de film quelques ins­tants avant ce concert de 1989, et avait accep­té d’être enre­gis­tré en public au Bar­bi­can Cen­ter de Londres uni­que­ment sous cer­taines condi­tions. La salle et la scène sont tota­le­ment plon­gées dans le noir, seul le cla­vier étant très légè­re­ment éclai­ré. Les spec­ta­teurs n’ont rien dû voir de toute la soi­rée. Mais ils ont enten­du ! Et ce qu’ils ont enten­du est magnifique.

Égoïs­te­ment, nous avons la chance en DVD de pro­fi­ter d’une camé­ra gros plan de pro­fil et d’une camé­ra de des­sus en vue plon­geante, et c’est pour nous par­fait, car nous voyons le pia­niste et ses mains. Le son est éga­le­ment très bon et très bien rendu. 

Rich­ter à 75 ans n’est pas du tout assa­gi, ces pièces sont prises à bras-le-corps et l’auditeur n’en sort relâ­ché qu’à la fin du concert. Ses basses pro­fondes et son jeu lisible, clair, très pho­no­gé­nique main­tiennent en per­ma­nence l’attention de l’auditeur. Rich­ter a une par­ti­tion, et même un tour­neur de pages, mais il ne la regarde pas. Évi­dem­ment on a connu inter­prète plus affable, nous ne ver­rons aucun sou­rire pen­dant près de deux heures, même lors de saluts qui paraissent bien for­cés, ni même pour offrir le bis (une des Études-Tableaux de Rach­ma­ni­nov, magistrale).

En pre­mière par­tie de concert, trois sonates de Mozart dont la mer­veilleuse Sonate de jeu­nesse K. 282 et la célèbre Sonate « facile » K. 545. Le grand pia­niste Artur Schna­bel avait dit que le pia­no de Mozart était trop facile pour les enfants, mais trop dif­fi­cile pour les adultes. Dans la Sonate facile K. 545, qui pour­rait paraître bien sco­laire sous d’autres doigts, on est empor­té par tant de natu­rel et pour­tant tant de varié­té. Et, dans la grande et dra­ma­tique Sonate K. 310, Rich­ter apporte de nom­breuses idées nou­velles d’interprétation. Mozart est ain­si redé­cou­vert et mis à nu par celui qui fut l’un des plus grands pia­nistes de tous les temps.

En seconde par­tie huit Études de Cho­pin du pre­mier livre op. 10 et quatre du second livre op. 25, par­mi les plus connues, dont la grande Étude révo­lu­tion­naire et celle qui sert de base à Gains­bourg dans son duo licen­cieux avec sa fille. Rich­ter y donne toute sa puis­sance, qui n’est pas sim­ple­ment l’usage de la force.

Magni­fique concert !


Un DVD Medi­ci Arts 

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