Du Fleuve Rouge à la Seine
Phong Tuan Nghiem est né à Hai-Duong, Viêtnam, en 1936. Ses parents l’ont envoyé en France en 1952. Sous le pseudo de Tây Hà, il nous raconte avec précision et poésie sa jeunesse. Quel bonheur d’accompagner ce gamin dans sa petite enfance et son adolescence dans « l’Indochine » !
L’époque y est pleine de tempêtes, de conflits politiques, de sang. Notre auteur nous fournit des précisions chronologiques en fin de livre. Mais nous vivons avec l’enfant ce que lui voit dans ce tumulte : des émeutes violentes, des expéditions punitives sans concession, des enlèvements, des emprisonnements sous la menace d’une justice populaire. L’enfant les vit avec attention, et aussi une sorte d’innocence, mais l’octogénaire qu’il est devenu sait relater la mort de ses proches. Il le fait sans porter de jugement, sans distribuer de bons ou mauvais points. Il sait simplement regretter que le nationalisme francophile de sa famille de mandarins lettrés ait été balayé par le colonisateur français, comme par les communistes arrivés au pouvoir.
Avec la parution de cet ouvrage, écrit dans une langue française de grande qualité, il témoigne qu’il se refuse, cependant, à oublier son passé ou à renier le passé des siens ; bien au contraire, il le revoit, il le revit. À son arrivée en France, celle-ci lui avait alors offert en cadeau une belle neige de novembre, puis des occasions éducatives et professionnelles qu’il sut saisir avec succès. Par exemple pour devenir un polytechnicien de grande valeur, écrire ce livre sur son enfance, élégant mélange de matière et de mémoire, et y insérer cette belle affirmation : « Je suis français à 100 % et vietnamien à 100 %. »