La vraie histoire du gaz. Quand l’énergie devient une arme géopolitique.
Lors de l’invasion de l’Ukraine, les Européens ont découvert effarés à quel point ils dépendaient du gaz russe, certains plus que d’autres. Ils ont vu les prix flamber d’une façon extravagante et ont craint la pénurie. Présenteraient-ils un front uni face à la Russie ou celle-ci allait-elle les curiacer en rationnant ses livraisons aux uns ou aux autres sans se ruiner, compte tenu de la flambée des prix ?
Didier Holleaux décrypte de façon magistrale le « jeu de la stratégie du gaz », encore plus compliqué que celle du jeu de go. Par exemple, fournisseurs et clients sont tenus par des contrats prévoyant de lourdes pénalités s’ils n’honorent pas leurs engagements réciproques, sauf cas de force majeure. Gazprom aurait pu y être contraint après-guerre car il avait réduit ses livraisons, mais des problèmes d’entretien de turbines et des attentats sur Nord Stream étaient peut-être des « raisons majeures » bienvenues. On voit que nombre d’acteurs politiques, mal équipés intellectuellement pour un sujet si complexe, ont manqué de discernement : on aurait pu plafonner sans dommage le prix du gaz importé par gazoduc, menace que les Européens ont affichée sans oser la mettre en œuvre. On découvre aussi l’extraordinaire débrouille des industriels pour faire circuler le gaz par des circuits improvisés.
Si ce livre devient un roman à suspense quand il traite de la crise ukrainienne, c’est aussi un passionnant ouvrage qui fait suivre les quatre révolutions du gaz depuis 1800. Les deux dernières consistent dans la transition vers des gaz décarbonés, qui nous offre la perspective de répondre aux enjeux climatiques tout en gagnant en souveraineté.