Accompagner les entreprises en difficulté au cœur des territoires
Laure Warembourg, avocate associée au sein du cabinet Juridis 360, nous explique son positionnement et son rôle actif dans sa région, les Hauts-de-France, afin d’accompagner les entreprises qui font face à des difficultés dans un contexte économique complexe et fortement évolutif. Entretien.
Vous vous positionnez comme une avocate des territoires spécialisée en restructuring. Dites-nous en plus.
En effet, je suis une avocate ancrée dans les Hauts-de-France, et j’accompagne des entreprises en difficulté et/ou des repreneurs à même de redresser ces entreprises et de sauvegarder l’emploi. Ce positionnement est le fruit de mon parcours. J’ai débuté ma vie professionnelle à la Banque de France, d’abord à Paris, puis à Lille où j’occupais le poste de directrice des entreprises en charge des notations.
Pendant la quinzaine d’années que j’ai passée à la Banque de France, je me suis intéressée à la question des entreprises en difficulté, car la Banque centrale intervient à divers titres et dans diverses instances spécialisées dans le traitement des difficultés d’entreprise, notamment aujourd’hui comme médiateur du crédit. Dès le départ, j’ai donc toujours eu une double expertise juridique et financière. Aujourd’hui, avec le soutien de mon équipe, nous traitons l’ensemble des questions relatives aux difficultés des entreprises de la région des Hauts-de-France depuis Lille où je suis basée (procédures collectives, prévention…). Dans cette démarche, je capitalise également sur les expertises de mon cabinet, Juridis 360.
Je suis, par ailleurs, membre de l’ARE et bénéficie du réseau national de l’association. Si le point d’entrée de mes interventions est toujours la région Hauts-de-France, je peux néanmoins accompagner des entrepreneurs ou des repreneurs d’autres régions. De manière générale, je n’interviens pas du côté des banques, mais je peux accompagner certains créanciers et fournisseurs de prestations de services. Alors que les Hauts-de-France sont une terre d’enseigne, je m’appuie, par ailleurs, sur une fine connaissance en bail commercial, une compétence qui s’est avérée stratégique dans le contexte de la pandémie et de la crise de la Covid qui ont entraîné des fermetures d’enseignes, de restaurants, de commerces…
Enfin, les Hauts-de-France sont aussi une région au fort passé industriel et qui est aujourd’hui à la croisée des enjeux de réindustrialisation et de transformation alors que de nombreux grands projets sont en cours de réflexion ou de développement dans le nord du pays. Au-delà du restructuring, je suis également régulièrement sollicitée par des nombreux acteurs dans le cadre de leur transformation.
Quel que soit l’enjeu ou l’objectif, la clé de la réussite d’une restructuration ou d’une transformation reste l’anticipation afin de pouvoir mobiliser tous les outils et les solutions disponibles.
En quoi votre double expertise juridique et financière est-elle particulièrement pertinente dans le monde du restructuring de manière générale ?
À mon sens, cette discipline nécessite une approche pluridisciplinaire. En ma qualité d’avocat, je suis un point d’entrée privilégié pour les chefs d’entreprise. Au-delà, mon expérience au sein de la Banque France me permet de lire et de comprendre très vite les comptes, les prévisions de trésorerie, les business plans… Si je ne réalise pas de diagnostic financier, je suis néanmoins en capacité de poser un pré-diagnostic et d’évaluer le niveau de criticité des difficultés de l’entreprise afin de pouvoir actionner les leviers adéquats et mobiliser les bons outils afin de traiter ces difficultés ou dépasser une crise.
“Quel que soit l’enjeu ou l’objectif, la clé de la réussite d’une restructuration ou d’une transformation reste l’anticipation afin de pouvoir mobiliser tous les outils et les solutions disponibles.”
Comment se porte le tissu industriel et entrepreneurial dans les Hauts-de-France ?
Comme précédemment mentionné, la région est une terre d’enseignes qui a été fortement impactée par la crise de la Covid. J’ai ainsi notamment été l’avocat dans la sauvegarde de la chaîne de restauration Flunch, un dossier d’envergure nationale. Le secteur du prêt-à-porter et de l’habillement a également été fortement touché. Dans le dossier de Camaïeu, j’ai notamment accompagné un client qui portait une offre de reprise.
La pandémie est venue révéler et amplifier des difficultés jusque-là sous-jacentes, alors que l’évolution et la transformation des modes de consommation pendant la crise sanitaire ont porté à mal le secteur de la distribution et du retail de manière générale. À cela s’est ajoutée la question des baux commerciaux, du paiement des loyers, des fermetures des commerces. Dans le cadre des négociations avec les bailleurs, j’ai pu avoir recours aux outils de la prévention, mandat ad hoc et conciliation. Par ailleurs, j’ai capitalisé sur la compétence historique du cabinet Juridis 360 en la matière et ma propre expertise en matière de bail en procédure collective. Avec les arrêts de la Cour de Cassation du 30 juin 2022 en faveur des bailleurs, toutes les entreprises qui n’avaient pas réussi à négocier un accord avec leurs bailleurs avant cette date se sont retrouvées en difficulté. En effet, ces dettes de loyer se sont ajoutées aux dettes relatives au PGE. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises sont fortement fragilisées et l’enjeu est de les aider à obtenir des négociations à l’amiable pour faire face à leurs difficultés.
Les entreprises industrielles, au-delà de la baisse de la consommation, ont, quant à elles, dû faire face à des problématiques de pénurie et de rupture de leur chaîne d’approvisionnement. En parallèle, dans de nombreux secteurs, comme l’automobile, elles doivent totalement repenser leur business model et se réinventer dans un contexte qui est également marqué par l’accélération des transitions (digitale, technologique, énergétique, écologique, environnementale). Plus récemment, la guerre en Ukraine, l’inflation, la hausse des coûts et la remontée des taux ont accéléré la dégradation d’un contexte économique déjà très complexe.
Cette situation économique qui n’est pas le propre de ma région, mais est la réalité de l’ensemble des territoires, impacte également la qualité des négociations qui sont plus longues, dures et difficiles pour l’ensemble des parties prenantes.
“Nous voyons de plus en plus de sociétés positionnées sur des marchés porteurs et profitables qui n’arrivent pas à se développer pleinement. ”
Qu’attendent les chefs d’entreprise de leur conseil dans un contexte aussi dégradé, incertain et complexe ?
Je pense qu’ils ont, tout d’abord, besoin d’être écoutés et d’avoir un interlocuteur qui a une réelle capacité à comprendre la crise qu’ils traversent. Dans ces phases difficiles de la vie d’un entrepreneur, d’un dirigeant et d’un chef d’entreprise, il est important qu’ils puissent nouer une relation de confiance et transparente avec leur avocat, qui, je le rappelle, est tenu au secret professionnel.
À partir de là, mon rôle est de m’assurer que mon interlocuteur comprenne que son entreprise est en difficulté ou en crise selon la situation. En effet, dans cette discipline, il y a une forte dimension psychologique, car certains chefs d’entreprise ont du mal à entendre et assimiler que leur entreprise fait face à des difficultés. Ils ont besoin de soutien face à cette situation qui est souvent vécue comme un échec personnel.
Sur un plan plus opérationnel, les besoins et les attentes des clients diffèrent en fonction de la situation : une crise à dépasser, des difficultés à traiter ou une transformation à réussir. Quel que soit l’enjeu, nous devons pouvoir mobiliser et travailler avec les autres acteurs de l’écosystème afin de mobiliser avec efficacité tous les outils et solutions existants. Au-delà, dans le restructuring, les avocats sont ce que j’appelle « des urgentistes du droit », car nous devons travailler très vite et dans des délais extrêmement serrés, mais aussi avoir recours à des traitements de choc !
Et pour conclure ?
Aujourd’hui, les entreprises qui font face à des difficultés ne sont pas uniquement des entreprises qui ont des problématiques financières. Nous voyons de plus en plus de sociétés positionnées sur des marchés porteurs et profitables qui n’arrivent pas à se développer pleinement, car elles peinent à recruter dans un monde du travail post-Covid où les rapports de force entre les entreprises, les collaborateurs et les candidats à l’emploi ont changé.