Une assurance à la croisée d’enjeux et de perspectives nouvelles !
Avec le rapprochement avec Klésia et le déploiement de la PSC, le Groupe AGPM est à la croisée d’évolutions majeures. Olivier Requin (X99), directeur des risques, revient sur les changements que cette situation implique ainsi que les chantiers qui vont mobiliser le Groupe AGPM dans ce cadre. Entretien.
Votre secteur est fortement perturbé par les transitions qui redessinent l’appréhension et la gestion des risques. Qu’observez-vous à votre niveau ?
Tous les métiers de l’assurance sont, en effet, concernés par ce phénomène. Tout d’abord, on observe une multiplication des événements naturels, comme les tempêtes, la grêle, les inondations, ou encore la sécheresse, qui impacte significativement l’IARD, c’est-à-dire l’assurance des biens et des responsabilités.
La récurrence et l’intensité de ces catastrophes naturelles ne cessent de se renforcer depuis 2016 avec des zones qui y sont plus exposées que d’autres. Cette nouvelle situation questionne, d’ailleurs, le modèle mutualiste de l’assurance qui, par définition, permet de couvrir des personnes ou des entreprises contre un aléa grâce à une mutualisation du risque. Or, si certaines régions ou zones sont plus exposées à ces événements climatiques, et deviennent de façon récurrentes sujettes à des épisodes climatiques sévères, il existe un risque de démutualisations pour ces populations avec des conséquences potentielles telles que des hausses fortes de tarif, voire des refus d’assurance.
En France, nous avons la chance de disposer du régime Cat Nat dans le cadre duquel la CCR vient réassurer pour moitié les sinistres qui sont soumis à ce régime. Néanmoins, l’ensemble du secteur doit repenser l’assurance de ces risques qui vont se produire de plus en plus fréquemment à l’avenir, le régime lui-même ne pouvant être pérenne dans les conditions actuelles.
En parallèle, l’inflation, mais aussi la concentration des acteurs, notamment sur le segment de la réparation automobile, et la nécessité de valoriser des pratiques plus durables entraînent une hausse des coûts moyens pour les assureurs.
Avec la pandémie et la crise sanitaire, nous avons également tous pris conscience du risque que représente une épidémie d’envergure mondiale. Un risque qui est, en autres, exacerbé par le réchauffement climatique qui peut faciliter la réapparition de microbes ou de virus existants dans des zones autrefois totalement gelées ou coupées du monde.
En parallèle, la hausse des températures et les échanges internationaux entraînent l’apparition de maladies qui étaient peu ou pas présentes sur le continent européen, sans compter que le réchauffement climatique et ses vagues de chaleur impactent, par ailleurs, l’état de santé des personnes fragiles.
Au-delà des dimensions environnementales et climatiques, l’évolution de nos sociétés a aussi des répercussions sur la santé, notamment mentale, de nos concitoyens. Le nombre d’arrêts de travail est en constante augmentation ces dernières années, ce qui engendre une hausse des charges de prestations pour les contrats de prévoyance.
Au cours de la dernière décennie, nous avons enfin assisté à une véritable explosion du risque cyber dans une société et un monde qui sont de plus en plus digitalisés et interconnectés. C’est un risque auquel les assurances et les mutuelles, en leur qualité d’entreprise détentrices de données, notamment de santé, sont également confrontées et exposées. Pour le Groupe AGPM, qui s’adresse plus particulièrement à la communauté défense et sécurité, c’est un enjeu encore plus critique dans un contexte marqué par la professionnalisation des cyber-attaquants, des tensions géopolitiques exacerbées et une hausse des tentatives de déstabilisation économique et politique des pays.
Dans ce cadre, comment se positionne le Groupe AGPM et comment faites-vous évoluer votre offre ?
Historiquement, le Groupe AGPM est une mutuelle affinitaire qui a un positionnement de leader sur la partie prévoyance militaire. Au cours des dernières décennies, nous avons développé un portefeuille de contrats affinitaires en assurance auto ou habitation qui représente une activité de taille assez modeste sur ces segments fortement exposés à ces risques liés aux transitions.
La recherche toujours plus poussée d’offres adaptées aux clients pour toujours plus de flexibilité, digitale pour plus d’autonomie, est au cœur des préoccupations du Groupe AGPM et peut s’envisager aussi bien en interne que par des partenariats. De par notre ADN mutualiste, le Groupe AGPM dispose d’une certaine marge de manœuvre que les assureurs capitalistiques ne vont pas forcément avoir, car ils doivent, entre autres, rémunérer leurs actionnaires.
Même si une assurance est détenue par ses assurés, afin d’être pérenne dans le temps et pouvoir faire face à ses engagements, elle se doit de maintenir une certaine rentabilité. Elle doit donc trouver les meilleurs équilibres techniques en termes de tarification, mais aussi en termes de recours aux nouvelles technologies pour automatiser et digitaliser ses processus. Cela permet de réduire les charges et gagner en performance sans perdre de vue ses engagements vis-à-vis de ses assurés.
Comment capitalisez-vous sur les nouvelles technologies pour faire face à ce contexte et faire évoluer vos métiers et votre offre ?
Dans le monde de l’assurance, la data est devenue incontournable. Aujourd’hui, nous travaillons à l’amélioration de la collecte, de l’analyse et de la valorisation de nos données. L’enjeu est, en effet, d’exploiter cette donnée au mieux afin d’aller vers plus de prévention et d’anticipation des risques.
Dans cette démarche, le Groupe AGPM a la chance de pouvoir s’appuyer sur une fine connaissance et compréhension de ses clients, les militaires, qui ont un mode de vie et des besoins très spécifiques et reliés à leur métier.
Cette synergie entre la data, le digital et nos expertises nous permet aujourd’hui de leur proposer des offres adaptées à leur réalité.
Votre actualité est marquée par le rapprochement avec Klésia. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous collaborons avec Klésia depuis 2017 dans le cadre du référencement auprès du ministère des Armées avec l’offre commune Fortégo avec Klésia qui couvre la partie civile et le Groupe AGPM son pendant militaire.
Forts de cette première collaboration fructueuse avec Klésia, nous avons décidé en 2022 de créer une association Loi 1901 afin de faciliter la mise en place de nouveaux partenariats et de synergies opérationnelles.
Plus récemment, lors des votes aux assemblées générales qui se sont tenues en juin 2023, aussi bien Klésia que le Groupe AGPM ont voté en faveur de la construction d’un groupe prudentiel avec des liens de solidarité financière et des engagements communs et respectifs plus forts que le cadre initialement mis en place par l’association.
L’idée est ainsi de construire un groupe solide doté de près de 2 milliards de fonds propres avec un chiffre d’affaires de l’ordre de 3 milliards d’euros et un positionnement sur les segments IARD, santé, prévoyance, épargne et retraite, donc l’ensemble des métiers de l’assurance, sur le collectif comme sur l’individuel, du fait de la complémentarité de Klésia et le Groupe AGPM.
Comment imaginez-vous votre métier demain ? Quels sont vos principaux enjeux et perspectives dans ce cadre ?
Aujourd’hui, en ma qualité de directeur des risques, aussi bien côté Groupe AGPM que Klésia, je joue un rôle actif dans la construction de ce futur grand groupe. Pour ce faire, une de mes missions est de m’assurer que les risques sont bien maîtrisés et encadrés, notamment d’un point de vue réglementaire.
De manière très didactique, quand un de nos commerciaux signe un contrat, il ne vend pas quelque chose de spécifique, mais achète du risque pour le compte de l’assureur.
Pour être en capacité d’assumer nos engagements en cas de sinistre, il est critique de sécuriser tous les maillons de la chaîne de valeur, de la souscription à l’indemnisation, mais également de s’assurer que l’ensemble des activités, y compris au niveau des sous-traitants, s’opèrent dans un environnement de maîtrise du risque total (règlementaire, opérationnel, cybersécurité…).
Le directeur des risques doit donc avoir via ses équipes une capacité d’analyse et de compréhension pour pouvoir anticiper les crises, mais également être en capacité de les gérer quand elles se produisent. Il partage sa vision du risque avec les dirigeants afin d’éclairer et d’objectiver leurs choix stratégiques. Dans un monde de plus en plus volatil et incertain, cette vision du risque, avec la protection de la solvabilité du groupe, donc la protection de ses engagements envers les assurés, est centrale et est au cœur de toutes les réflexions stratégiques.
Patrice Paulet, Président Directeur Général du Groupe AGPM revient sur l’imapct de la réforme de la Protection Sociale Complémentaire, la PSC, sur son groupe.
« Parce que le cœur de métier et d’expertise du Groupe AGPM sont la prévoyance des militaires, nous souhaitons bien évidemment être acteur du déploiement de la PSC, la réforme de la Protection Sociale Complémentaire des fonctionnaires.
Dans ce cadre, nous participons aux appels d’offres lancés par l’ensemble des ministères en lien avec la communauté défense et sécurité : les militaires, les policiers, les pompiers, les agents de sécurité…
Dans cette démarche, nous avançons avec Klésia, qui est un des leaders sur le segment de la santé pour le personnel civil du monde de la défense et acteur majeur des contrats collectifs.
Ainsi, avec Klésia, nous sommes à même de couvrir aussi bien la partie civile que militaire de ce secteur, avec l’expertise de la gestion du collectif, dans le respect des exigences techniques, notamment IT compte tenu de la spécificité des données militaires.
En parallèle, notre enjeu est aussi d’anticiper les impacts et les évolutions nécessaires sur un plan organisationnel et opérationnel, car la PSC introduit une logique de contrat collectif qui n’existait pas auparavant dans le monde de la fonction publique d’État.
Plus que jamais, les synergies et la complémentarité de positionnement de Klésia et du Groupe AGPM vont nous permettre d’adresser l’ensemble des cibles sur tous les métiers de l’assurance ».