Maurice Bernard (X48) pionnier de l’optoélectronique et homme de culture
Décédé le 3 mars 2024, Maurice Bernard fut une figure majeure de la physique des semi-conducteurs et de la microélectronique. Visionnaire et homme de culture, il a eu un parcours exceptionnel, très lié à l’École, et un engagement constant dans la communauté polytechnicienne.
Maurice Bernard naît à Montpellier en 1928. Son père, Antonin, est X de la promotion 1919 S. Après des études secondaires à Alger, une prépa au lycée Saint-Louis, Maurice sort de l’X comme ingénieur des télécommunications et poursuit sa formation à l’ENST. Sa rencontre avec Pierre Aigrain, physicien qui donna son essor en France à la physique des semi-conducteurs, sera déterminante : celui-ci l’incite à préparer une thèse de doctorat puis le guide dans ses travaux. En 1958, Maurice soutient sa thèse de doctorat d’État ès sciences, sur les phénomènes de génération et de recombinaison de porteurs dans le germanium, qui était à cette époque le matériau privilégié pour le développement des composants électroniques.
Un chercheur au rayonnement international
Sa plus célèbre contribution scientifique est la condition d’inversion de population dans les semi-conducteurs qu’il publie avec son élève en thèse, Georges Durrafourg (X52), en 1961. Ce résultat majeur, universellement connu aujourd’hui sous le nom de « condition de Bernard et Durrafourg », ouvrit la voie à la conception des lasers à semi-conducteurs. Dès l’année suivante, l’émission laser fut annoncée, pratiquement simultanément, par trois laboratoires américains qui travaillaient sur des jonctions à base d’arséniure de gallium, devenu aujourd’hui matériau clé de l’optoélectronique.
« Son implication dans l’enseignement de la physique à l’École a été de tout premier plan : il fut nommé maître de conférences en 1956, puis professeur en 1973. »
Maurice fut à l’origine d’autres percées dans le domaine de la physique des défauts et des phénomènes optiques non linéaires. Arrivé en 1953 au Centre national d’études des télécommunications (CNET) à Bagneux, il y fonde un laboratoire dédié à la physique des semi-conducteurs. Il devient plus tard responsable de l’orientation et du suivi des études menées au CNET et dans des laboratoires industriels, jouant un rôle essentiel dans la mise en place du plan circuits intégrés français, de la création du CNET Meylan et du développement des télécommunications par fibres optiques. Devenu directeur du CNET en 1978, il s’attache à y attirer des chercheurs du plus haut niveau, mène une politique d’ouverture nationale et internationale.
De 1983 à 1990, il est directeur de l’enseignement et de la recherche de l’X, années marquées par l’arrivée de Bernard Esambert (X54) à la présidence du conseil de l’X, lequel lancera de grandes réformes qui ont marqué la fin du siècle. En 1990, Maurice prend la direction du Laboratoire de recherche des musées de France, mettant la science au service de l’art. Il a été un enseignant passionné, dans de grandes écoles d’ingénieurs françaises et des universités. Son implication dans l’enseignement de la physique à l’École a été de tout premier plan : il fut nommé maître de conférences en 1956, puis professeur en 1973. Il assura la présidence du département de physique de 1975 à 1977.
Un attachement profond à la communauté polytechnicienne
En 1987, avec Emmanuel Grison (X37), il créa la Société amicale de la bibliothèque de l’X (Sabix) pour valoriser le patrimoine scientifique de l’École. Il en assumera la présidence en 1992 et poursuivra l’œuvre de mise en valeur des archives et d’acquisition. Passionné d’histoire, il présidera le groupe X‑Histoire et Archéologie. Homme de lettres, Maurice Bernard écrivit divers ouvrages traitant de la formation des élites, sujet qui lui tenait à cœur, ainsi qu’une autobiographie. Il fut président du comité éditorial de La Jaune et la Rouge. J’ai eu la chance de travailler avec lui. Maurice m’accorda très tôt sa confiance et ce fut le début d’interactions aussi fructueuses qu’amicales. C’est avec émotion que j’écris cet hommage.
En savoir plus
On découvrira la créativité bouillonnante qui régnait alors dans ce nouveau laboratoire dans l’article de Pierre Baruch et Ludivine Bantigny, Pierre Aigrain et le Laboratoire de physique des solides de l’École normale supérieure Genèse et développements des semi-conducteurs : 1948–1965. Bulletin de la Société Française de Physique, 136, 4 (2002) ; https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/2002/05/refdp_bsfp-136.pdf .
Étude des phénomènes de recombinaison et de génération dans les jonctions de germanium p0-n0, Maurice G. A. Bernard, Annales des Télécommunications, 15, 2 (1960) ; https://link.springer.com/article/10.1007/BF03021150 .
Georges Durrafourg (X52), précurseur des lasers à semi-conducteurs, Maurice Bernard, La Jaune et la Rouge, 728, 39 (2017) ; https://www.lajauneetlarouge.com/wp-content/uploads/2017/09/728-page-039.pdf .
Laser conditions in semiconductors, Maurice, G. A. Bernard and Georges Durrafourg, Phys. Status Solidi 1, 699 (1961) ; https://doi.org/10.1002/pssb.19610010703 .
The history of laser conditions in Semiconductors, Maurice Bernard, Semicond. Sci. Technol. 27, 090201 (2012) ; https://iopscience.iop.org/article/10.1088/0268–1242/27/9/090201/pdf .
Connaître l’Histoire pour éclairer l’action, La Jaune et la Rouge, décembre 2007 ; https://www.lajauneetlarouge.com/wp-content/uploads/2012/07/630-page-074–075.pdf .