Boléro / Il reste encore demain / Pas de vagues / Inchallah un fils / Quitter la nuit
Il est des films intéressants (La nouvelle femme : Léa Todorov – 1 h 39), divertissants (Quelques jours pas plus : Julie Navarro – 1 h 43), pénibles (La flamme verte : Mohammad Reza Aslani – 1 h 50), transparents (Sidonie au Japon : Élise Girard – 1 h 35), superflus (Bis Repetita : Émilie Noblet – 1 h 31), égocentrés (Une famille : Christine Angot – 1 h 21), autosatisfaits (Le monde est à eux : Jérémie Fontanieu – 1 h 15) et d’autres, qui attachent et font réfléchir.
Boléro
Réalisatrice : Anne Fontaine – 2 h 00
Raphaël Personnaz est un Maurice Ravel subtil et touchant dans cette recréation de la genèse de son Boléro. Le vernis d’académisme un peu guindé des débuts s’oublie ensuite, tant l’acteur est convaincant. Très bien accompagné (Emmanuelle Devos en Marguerite Long, Doria Tillier en Misia Sert, Jeanne Balibar en Ida Rubinstein), avec Anne Alvaro pour mère, dans une logique qui sert le film mais prend de grandes libertés avec ce que fut le réel de ces diverses relations, ce Ravel introverti, émasculé dans son rapport aux femmes dont seule compte pour lui la dimension rêvée (étonnante poésie décalée des scènes de bordel), avance, habité de musique, vers l’accouchement (finement mis en valeur) de son « tube » et le triste et douloureux affaissement neurologique de son génie, que l’on partage. Une reconstruction riche même de ses rajouts. Très attachant.
Il reste encore demain
Réalisatrice : Paola Cortellesi – 1 h 58
Indispensable et terrible. S’il n’y avait pas le tout petit bémol d’une roublardise du scénario – qui aime être berné ? – lequel nous entraîne dans le dernier quart du film, avant que nos yeux ne se dessillent, sur une fausse piste, on ne trouverait que des louanges à tresser, tant tout, la mise en contexte, les acteurs (Paola Cortellesi, formidable réalisatrice et rôle principal), l’image, l’inventivité dans le mélange shakespearien du plus désespérant et de la comédie, la photographie, la richesse et la force des situations, la justesse sans faille du propos, l’acuité de l’observation, la peinture psychologique et de genre, tout, pour le redire, émerveille. Un film à voir absolument.
Pas de vagues
Réalisateur : Teddy Lussi-Modeste – 1 h 32
Nécessaire et écrasant. C’est la peinture d’un vécu effectif (l’histoire du réalisateur, récente : 2020) mettant parfaitement en lumière l’écrasante situation qu’est l’hostilité d’une classe (d’aujourd’hui ! il ne s’agit pas du chahut fût-il ignoble d’hier – lire l’extraordinaire roman de Louis Guilloux, Le sang noir) qui a désigné un enseignant comme sa victime. La descente aux enfers du héros (impeccable François Civil) témoigne de ce que peut atteindre en bassesse le glissement de la pédagogie, par l’inexistence de la notion d’équipe et la lâcheté des responsables. Glaciale mise en valeur de la capacité de nuisance d’un élève puis d’une classe dans le climat dévastateur entretenu par les réseaux sociaux et l’incapacité des adultes (voire l’impossibilité) à faire face. Notre école est-elle en train de perdre la bataille de l’éducation ? L’a‑t-elle déjà perdue ? Pas de vagues nous pose la question.
Inchallah un fils
Réalisateur : Amjad Al Rasheed – 1 h 53
Émouvante, solaire, tonique Mouna Hawa en jeune mère confrontée, dans une Jordanie gan-grenée de règles réduisant à rien la femme, au décès d’un mari qui n’a laissé aucune trace écrite de sa participation aux « acquêts » positifs du ménage. Un frère passif, un beau-frère hostile qui exploite au maximum la législation, une fillette chérie dont on veut la priver, un emploi réducteur de soignante au domicile de grands bourgeois dont la fille, mal mariée, victime du carcan social et de l’infidélité sans vergogne du conjoint, veut avorter, un collègue trop pressant… Elle résiste, lutte, garde la tête haute. Beau portrait de femme et riche description d’une société aux us et coutumes aberrants. Sa force de caractère ouvre malgré tout une lueur d’espoir face à ce « Haram » généralisé que dénonce un des personnages.
Quitter la nuit
Réalisatrice : Delphine Girard – 1 h 48
Très convaincant ! Entre un prologue tendu – impressionnant – et un épilogue plus ouvert, une fine étude psychologique, originale et complète, autour d’un « rapport sexuel non consenti », c’est-à-dire d’un viol, mais si « ordinaire », si « banal », qu’on en trébucherait sur le mot. Les zones d’ombre, non dissipées, sont mises en place avec une crédibilité qui permet à la complexité des non-dits de trouver une vraie forme d’expression. Le dialogue impossible des deux sexes est souligné ici, dans une société où s’efface la valeur « couple ». Les solidarités féminines qu’on nous offre in fine peuvent-elles servir de complicité de substitution ?