« La démocratisation de l’IA ouvre le champ des possibles »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°795 Mai 2024Par John WHITBECK (X04)

Depuis 2013, la socié­té Lif­toff a inté­gré le machine lear­ning dans l’ensemble de ses pro­ces­sus et orga­ni­sa­tions. John Whit­beck (X04), direc­teur de la pla­te­forme de machine lear­ning de l’entreprise, nous démontre l’apport et le poten­tiel de l’IA pour l’économie numérique.

Comment avez-vous intégré l’intelligence artificielle ?

Nous tra­vaillons sur la part invi­sible de l’IA. Lorsque les uti­li­sa­teurs mobiles reçoivent des ban­nières publi­ci­taires sur leurs appli­ca­tions, ils ne soup­çonnent pas que ces envois ont été géné­rés par une IA. Notre rôle est d’identifier, via le machine lear­ning, la meilleure publi­ci­té à affi­cher à un moment clé pour opti­mi­ser le chiffre d’affaires de nos clients. C’est une néces­si­té pour nous, dans notre éco­sys­tème, d’être les plus rapides et les agiles pour inté­grer les der­nières tech­no­lo­gies et les tra­duire en amé­lio­ra­tions appor­tées aux pro­duits. Lif­toff effec­tue plus d’un mil­liard de pré­dic­tions à la seconde ! La puis­sance de cal­cul de l’intelligence arti­fi­cielle nous per­met aujourd’hui de tra­vailler sur des jeux de don­nées immenses, à l’échelle mon­diale, sur des logi­ciels et des ser­veurs suf­fi­sam­ment robustes pour que les don­nées soient ana­ly­sées de façon fluide et fiable. Au sein de Lif­toff nous avons réa­li­sé un immense effort tech­no­lo­gique pour uti­li­ser l’IA à tous les niveaux. En tant que direc­teur de notre pla­te­forme de machine lear­ning, mon rôle est d’équiper nos ingé­nieurs, par­tout dans le monde, avec les meilleurs outils, infra­struc­tures et méthodes de modé­li­sa­tion, en lien avec l’IA.

Quels sont les principaux défis de l’IA ?

La vitesse ! Tout change à la vitesse de l’éclair avec l’IA. Notre entre­prise a été construite avec et autour du machine lear­ning. Nous avons pris le train en marche, il y a dix ans, avant l’explosion des réseaux de neu­rones. Depuis, ces tech­no­lo­gies ont beau­coup évo­lué, tant en termes d’état-de‑l’art scien­ti­fique que de puis­sance des outils. Aujourd’hui il est pos­sible de déve­lop­per en quelques semaines des sys­tèmes d’IA qui auraient pris des mois ou des années aupa­ra­vant. De plus, la démo­cra­ti­sa­tion de l’IA a ouvert un champ des pos­sibles en ren­dant acces­sibles à tous des outils autre­fois réser­vés aux spé­cia­listes. ChatGPT, notam­ment, a de bluf­fant qu’il donne l’impression – pour ne pas dire l’illusion – de dia­lo­guer avec une intel­li­gence humaine. C’est la pre­mière fois que le grand public peut inter­agir avec des sys­tèmes d’intelligence arti­fi­cielle, de façon aus­si simple. Ain­si, ces nou­veaux outils accroissent la pro­duc­ti­vi­té de l’ensemble de nos équipes, y com­pris celles qui ne tra­vaillent pas avec les sys­tèmes d’informations, en les libé­rant des tâches longues et répé­ti­tives. Grâce à des outils comme DALL‑E, nos desi­gners peuvent, par exemple, pro­duire des visuels de pré­sen­ta­tion à nos clients, et ce, en seule­ment quelques minutes. C’est un gain de temps pour tous. Les ingé­nieurs peuvent plus faci­le­ment incor­po­rer des briques d’IA aux solu­tions qu’ils déve­loppent, sans être experts du domaine, et les non-ingé­nieurs, uti­li­ser des pro­grammes d’IA grand public tels que ChatGPT ou Mid­jour­ney. Les deux niveaux créant de la valeur.

Quels sont les apports de l’IA ?

Nous aidons les édi­teurs et les concep­teurs d’applications mobiles à déve­lop­per leurs reve­nus. Pour cela, nous uti­li­sons deux leviers. Le pre­mier est d’ordre mar­ke­ting, des­ti­né à déve­lop­per la base d’utilisateurs de l’application. L’acquisition et la réten­tion de nou­veaux clients sont, en effet, des briques essen­tielles à la sur­vie éco­no­mique d’une appli­ca­tion mobile. Le second repose sur la moné­ti­sa­tion de ces appli­ca­tions, sou­vent gra­tuites mais où la publi­ci­té va deve­nir une source de reve­nus. Nos prin­ci­paux clients sont les grands édi­teurs de jeux, pré­cur­seurs de la net-éco­no­mie, mais éga­le­ment des acteurs de la finance, du tou­risme ou du loi­sir. Nous sommes rému­né­rés à la per­for­mance de nos cam­pagnes publi­ci­taires. Un mau­vais choix de ciblage ou de prix aux enchères nous sanc­tionne immé­dia­te­ment. C’est en cela que l’IA est un outil incon­tour­nable pour opti­mi­ser les per­for­mances com­mer­ciales de nos clients en fonc­tion d’une mul­ti­tude de para­mètres en temps réel. En outre, cet envi­ron­ne­ment tou­jours en mou­ve­ment et en per­pé­tuelle évo­lu­tion est vrai­ment stimulant.

Quels sont vos chantiers en matière de R&D ?

Les sys­tèmes d’intelligence arti­fi­cielle deve­nant de plus en plus faciles à déployer, nous cen­trons nos efforts sur l’optimisation et l’amélioration constante de nos outils, grâce au machine lear­ning. Nous n’en sommes qu’au début ! Nous pour­sui­vons l’objectif que la tota­li­té de nos pro­duits et ser­vices béné­fi­cient de l’IA, jusqu’à la créa­tion gra­phique de ban­nières publi­ci­taires et de vidéos. Sur le plan opé­ra­tion­nel, les récentes évo­lu­tions de l’IA viennent éga­le­ment bous­cu­ler nos orga­ni­sa­tions. Ces outils deve­nant plus simples à prendre en main par qui­conque pos­sède des notions de codage et de pro­gram­ma­tion, il n’est plus néces­saire de scin­der les équipes entre les experts de l’IA et les autres. Nous tra­vaillons sur le déve­lop­pe­ment d’une pla­te­forme IA interne que toutes nos équipes pour­raient uti­li­ser. Il y a, der­rière ces tech­no­lo­gies, un véri­table enjeu éco­no­mique. L’IA ne sert à rien sans un bon pro­duit, une équipe com­mer­ciale, mar­ke­ting et un ser­vice finan­cier pour por­ter les inves­tis­se­ments que requièrent ces déve­lop­pe­ments coû­teux. L’IA coûte cher – en témoignent les 100 mil­lions de dol­lars dépen­sés par Ope­nAI pour lan­cer ChatGPT‑4 – et doit repo­ser sur un modèle éco­no­mique solide, déga­geant des marges sur le long terme, et un éco­sys­tème capable de por­ter ce type de projets.

Comment l’IA impacte l’économique numérique ?

L’économie numé­rique connaît aujourd’hui une phase dyna­mique. Grâce à l’IA, l’on peut géné­rer des vidéos, créer de la musique, écrire des romans : c’est tout à fait remar­quable. Néan­moins, ces appli­ca­tions sou­lèvent de nou­velles pro­blé­ma­tiques : sécu­ri­té, fia­bi­li­té, confi­den­tia­li­té, mono­poles, mani­pu­la­tions, droit d’auteur, etc. Par exemple, les conte­nus visuels ou édi­to­riaux géné­rés par l’IA sont le fruit d’entraînement de la machine à par­tir de créa­tions exis­tantes, pui­sées dans les banques de don­nées numé­riques. Mais qu’en est-il des droits d’auteurs pour ces images pro­duites « dans le style de » ou ces textes repre­nant tout ou par­tie d’articles de presse ou d’œuvres ori­gi­nales ? La ques­tion com­mence à être sérieu­se­ment abor­dée aux États-Unis et com­mence à don­ner lieu à des actions en jus­tice. Cette appro­pria­tion des conte­nus risque d’entraîner un mou­ve­ment de fer­me­ture et de res­tric­tions d’accès à des don­nées pro­prié­taires. Le site com­mu­nau­taire Red­dit négo­cie l’accès des géants de l’IA à ses don­nées, en mena­çant de le cou­per. Or, en dimi­nuant l’accès aux infor­ma­tions, l’on réduit d’autant la capa­ci­té d’entraînement du machine lear­ning. Par ailleurs, à l’image de l’AI Act actuel­le­ment en dis­cus­sion au par­le­ment euro­péen, les états vont pro­gres­si­ve­ment régu­ler les usages les plus nocifs. L’IA détient ain­si en elle-même ses propres excès et limites. Il sera inté­res­sant de voir où la dyna­mique actuelle se sta­bi­li­se­ra. Pour les entre­prises, l’IA doit res­ter un outil de per­for­mance et non un effet de mode ou un argu­ment pure­ment mar­ke­ting. En tous cas, il s’agit d’un enjeu concur­ren­tiel pour les entre­prises car aucun acteur de l’économie numé­rique, s’il veut res­ter com­pé­ti­tif, ne peut se pas­ser de ces outils.

Quels sont les projets de Liftoff ?

Nous recru­tons des ingé­nieurs spé­cia­li­sés dans le machine lear­ning. D’ailleurs, si par­mi les lec­teurs de La Jaune et La Rouge, cer­tains sou­haitent entrer en contact avec nous, qu’ils n’hésitent pas à me contac­ter direc­te­ment en ligne ou à pos­tu­ler sur le site inter­net de l’entreprise. Lif­toff est un excellent employeur, qui offre des rému­né­ra­tions très inté­res­santes et une qua­li­té de vie au tra­vail excep­tion­nelle. Sur­tout, la matière sur laquelle nous tra­vaillons est pas­sion­nante. Il est rare pour une entre­prise à taille humaine comme la nôtre de déployer des solu­tions d’IA à si grande échelle et de dis­po­ser d’un tel jeu de don­nées. Cha­cun de nos ingé­nieurs, basés aux États-Unis, en France, ou au Royaume-Uni, à un impact signi­fi­ca­tif sur notre pro­duit et la tra­jec­toire de notre entreprise.

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