La technologie au service du parasport
Du 28 août au 8 septembre 2024, Paris accueille un des plus grands événements sportifs du monde : les Jeux paralympiques. Comme à chaque édition depuis son lancement à Rome en 1960, cette compétition est l’occasion d’admirer des athlètes de haut niveau, porteurs d’un handicap. L’innovation joue un rôle essentiel dans le parasport. Les athlètes ont besoin d’équipements ultra-personnalisés, capables de compenser des handicaps parfois très importants. Le couple « athlète-équipement » constitue la clé de voûte de leur performance. Les lames de course sont les équipements les plus connus, mais ce ne sont pas les seuls.
Les lames de course en forme de J ont été inventées aux États-Unis dans les années 1970 par un ingénieur en biomécanique, Van Phillips, sportif de haut niveau, amputé à la suite d’un accident. Après son amputation, Van Phillips souhaite reprendre la course, mais les pieds prothétiques en caoutchouc disponibles à l’époque rendent très difficile sa pratique. L’ingénieur conçoit alors une lame en forme de J, inspirée des pattes arrière du guépard.
Le matériau choisi est la fibre de carbone, matériau léger à très haut module d’élasticité qui donne à la lame un effet ressort. À chaque impact avec le sol, les fibres de carbone emmagasinent de l’énergie, puis se détendent d’un seul coup, restituant de l’énergie au coureur et lui permettant de se propulser. Un demi-siècle plus tard, ces lames dites « guépard » sont toujours le design dominant des lames de course. Neuf athlètes amputés sur dix les ont utilisées aux derniers Jeux paralympiques de Tokyo en 2021, dans les disciplines telles que le sprint, la course de fond ou encore le saut en longueur.
L’évolution des lames de sport
Si elles ont conservé leur forme en J, les lames de Van Phillips n’ont cessé d’être améliorées au fil des années. D’une part, de nouveaux modèles accessoirisés sont apparus ; par exemple des lames avec semelles et pointes d’athlétisme intégrées, ou encore un modèle plus long spécialement conçu pour la pratique du saut en longueur. Ces adaptations ont été possibles grâce à l’étroite collaboration entre les industriels de l’orthopédie, les sportifs de haut niveau et leurs équipes techniques.
D’autre part, l’évolution des systèmes d’analyse biomécanique a permis d’étudier finement la cinématique (le mouvement) des athlètes et d’adapter les équipements. Les lames de sport utilisées dans le sport de haut niveau sont ultra-personnalisées en fonction du poids, de la longueur du membre résiduel de l’athlète et de l’alignement du pied par rapport au sport pratiqué. Au fil des années, cette recherche et développement a été utilisée également pour la conception de produits de série destinés au « grand public ».
Le secteur de l’orthopédie a aussi su s’appuyer sur des collaborations pluridisciplinaires pour améliorer ses produits de série. Par exemple la start-up française Hopper, dans l’écosystème de Proteor, a mis au point une lame sportive développée avec Airbus (carbone recyclé de l’aéronautique) et avec l’équipementier de sport Salomon pour la semelle. La pratique de sports comme le trail running ou la randonnée en sentier est possible avec cette lame ultra-légère et tout terrain.
Vers une démocratisation des lames de sport ?
Les Jeux paralympiques jouent un rôle majeur dans la mise en lumière de la pratique sportive des personnes amputées. Les bénéfices du sport dans leur processus de rééducation ont été largement étudiés et validés. La course à pied est un des sports le plus plébiscités après amputation. Pourtant, la diffusion des lames de course est encore limitée au sein de la population des amputés de membres inférieurs. Le taux d’équipement en prothèses classiques est de 70 % de la population amputée dans les pays développés.
“Les patients amputés espèrent une évolution de la prise en charge des lames de sport.”
Le taux d’équipement en lames de sport est estimé à seulement 10 % des amputés pratiquant une activité physique. Cette situation s’explique notamment par le fait que les lames de course restent à la charge financière du patient, contrairement aux prothèses classiques qui, elles, sont remboursées. On peut estimer le prix d’une lame à 2 000 euros. Avec l’emboîture et l’intervention de l’orthoprothésiste, on atteint rapidement 7 000 euros. Il y a donc une difficulté d’accès financier à ces équipements. Les patients amputés espèrent une évolution de la prise en charge des lames de sport, portée par la volonté politique affirmée de rendre la pratique sportive plus accessible aux personnes handicapées.
Le savoir-faire unique des orthoprothésistes
Si l’équipement prothétique joue un rôle important dans l’atteinte de la performance sportive, c’est plus largement le couple athlète-équipement qui en est la clé de voûte. Dans le cas des prothèses, ce couple est mis en œuvre grâce au savoir-faire des orthoprothésistes, seuls professionnels de santé habilités à équiper un patient amputé avec une prothèse. Au-delà du choix des composants qui vont équiper la prothèse (genoux, pieds ou lames), l’orthoprothésiste va réaliser une emboîture, qui va faire le lien entre le membre résiduel et la prothèse.
L’emboîture est la pièce maîtresse de la prothèse. Elle permet de transmettre les efforts entre le corps et le reste de la prothèse : précision, résistance, mais aussi confort et légèreté, sont les qualités qu’elle doit avoir. L’emboîture est réalisée sur mesure pour apporter un maximum de confort et permettre un contrôle précis de la prothèse. Elle doit aussi permettre d’absorber chocs et transpiration pendant plusieurs heures d’effort.
Plusieurs athlètes amputés sont appareillés par des orthoprothésistes de notre entreprise. C’est le cas de Typhaine Soldé, 21 ans, espoir français du 200 mètres et du saut en longueur en para-athlétisme, amputée tibiale de la jambe droite à la suite d’un ostéosarcome. Proteor lui fabrique des emboîtures toujours plus légères et résistantes à base de matériaux composites.
Le lien entre orthoprothésiste et patient est tellement fort que les collaborations techniques peuvent durer plusieurs décennies. Marie-Amélie Le Fur, actuelle présidente du Comité paralympique et sportif français, neuf fois médaillée aux Jeux paralympiques, est équipée depuis son adolescence par une orthoprothésiste de chez nous.
La numérisation de l’orthopédie : les jumeaux numériques
La conception de l’emboîture a longtemps été artisanale, à partir d’un moulage en plâtre du membre résiduel. La qualité grandissante des scans 3D permet désormais aux orthoprothésistes de numériser la prise d’empreinte et de constituer un jumeau numérique du patient, rapidement et de manière non intrusive.
De nombreuses solutions de scan 3D apparaissent sur le marché. Elles sont souvent généralistes et peu de solutions sont parfaitement adaptées à l’orthopédie. C’est pourquoi nous avons développé une suite de services numériques pour les orthoprothésistes. Réalisée en s’appuyant sur l’expertise des 250 orthoprothésistes du groupe en France, cette solution est aujourd’hui utilisée par des orthoprothésistes dans plus de 60 pays.
La numérisation de la prise d’empreinte (c’est-à-dire l’acquisition du jumeau numérique du patient) et de la rectification (c’est-à-dire la modélisation numérique du dispositif sur mesure) a ouvert la voie à l’impression 3D. Plusieurs technologies d’impression sont utilisées dans l’orthopédie.
L’impression 3D
Les technologies d’impression 3D par fusion sur lit de poudre (PBF) composée du frittage sélectif par laser (SLS) ou de la technique de fusion multijet développée par Hewlett Packard (HP-MJF) sont répandues. Le support en poudre permet une très grande liberté de conception et une très bonne qualité de production. L’impression 3D par extrusion de matière fondue (FDM) est de plus en plus utilisée. Elle peut être réalisée à partir d’un filament fondu (FFF) ou de granulés fondus (FGF).
Les forces de l’impression 3D FFF résident dans la très grande diversité des matériaux disponibles et dans la maîtrise des coûts de production. Les équipements sont moins onéreux que la fusion PBF. Actuellement, il y a peu de cas d’utilisation de la stéréolithographie (SLA) pour la réalisation de dispositifs orthopédiques. L’amélioration des résines et du processus permettront certainement d’imprimer des dispositifs via cette technologie. Le sport de haut niveau a été précurseur de cette révolution, puisque déjà en 2016, aux Jeux paralympiques de Rio de Janeiro, des athlètes portaient des emboîtures imprimées en 3D.
D’autres équipements sur mesure
Les fauteuils roulants sont probablement les dispositifs les plus visibles du parasport. Aux Jeux paralympiques de Paris en 2024, plus de 10 disciplines seront pratiquées avec ces équipements manuels. Comme pour la lame de course, le fauteuil a connu des évolutions et des adaptations à chaque sport pour optimiser les performances des athlètes. Le modèle de fauteuil unique utilisé pour chaque sport lors des premiers Jeux paralympiques de 1960 semble bien loin !
Quelques exemples d’axe de recherche et développement sont la stabilité pour les sports de précision comme le paratir à l’arc, la maniabilité pour les sports collectifs, ou encore la réduction de la résistance au roulement pour l’athlétisme. Les sièges sur mesure sont un autre exemple d’équipement nécessitant un travail itératif entre l’orthoprothésiste et le sportif. En travaillant sur les matières et sur les formes, les orthoprothésistes arrivent à concevoir des modèles de siège résistants, légers, pour transmettre au mieux les efforts et améliorer le pilotage du sportif.
Ainsi le sportif Andy Birée dispose d’une assise sur mesure en carbone adaptée sur son handbike. Ce dispositif compense sa déformation du rachis (cyphoscoliose importante) et son trouble de la marche, tout en lui permettant de déployer une force égale dans son bras droit et dans son bras gauche dans la position allongée.
Le programme de mécénat sportif de Proteor
Le groupe est engagé, au travers de son programme de mécénat d’athlètes de haut niveau, dans des sports aussi variés que l’athlétisme, le paracanoë ou le paracyclisme. Ce programme a été mis en place en 2011. Il consiste en un soutien financier et une intégration des athlètes au programme de R & D du groupe pour concevoir leurs équipements. Parmi nos champions en herbe, Edgar Empis, un des grands espoirs du paratennis de table français. Hémiplégique gauche à la suite d’un AVC à la naissance, Edgar est aujourd’hui dans le top 10 mondial des moins de 23 ans. Afin d’améliorer ses performances, l’équipe Proteor – orthoprothésiste et ingénieurs – a mis au point un releveur en fibre de carbone qui apporte le soutien et le dynamisme nécessaires à son pied gauche.
Une dizaine d’athlètes de haut niveau sont actuellement sponsorisés par le groupe.