Augustin Reboul (X20), polytechnicien et sportif de haut niveau
Habitué des challenges et déjà plusieurs fois médaillé, Augustin Reboul (X20) est un kayakiste de haut niveau dans le sport français également polytechnicien. Après deux ans de pause dus au rythme de la prépa, il a renoué avec le haut niveau à l’X grâce à une adaptation de son emploi du temps, à la présence d’un lac à l’École et au soutien de la communauté polytechnicienne, qui va également lui permettre de commencer sa carrière professionnelle sans renoncer à ses ambitions sportives.
D’où viens-tu ? Quel a été ton parcours avant Polytechnique ?
Je suis né à Paris et j’y ai grandi jusqu’à mes 13–14 ans ; ensuite j’ai fait mon lycée puis ma prépa dans le Val-de-Marne, au lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés, en MPSI-MP. Ce n’était pas une grande prépa, mais on y était très bien et ça m’a permis de rester chez mes parents, ce qui était très commode. Je ne me voyais pas faire une prépa autrement que pour viser les meilleures écoles. Par ma pratique du sport, j’avais acquis un esprit de compétition. La prépa représentait pour moi le prolongement des défis que je me donnais. Quand j’étais au lycée, j’étais déjà un sportif de haut niveau en kayak et je visais les championnats du monde et d’Europe en catégorie juniors. Ça s’est bien passé et, pour moi, ça représentait une première étape franchie dans mes objectifs. L’étape d’après, c’était la prépa dans laquelle je me suis donné à fond.
Comment découvre-t-on le kayak de haut niveau quand on habite Saint-Maur-des-Fossés ?
Mon père vient de Marseille, où il faisait de la planche à voile et un peu de kayak. Comme il n’était pas possible de faire de la planche en région parisienne, j’ai commencé le kayak au club de Joinville-le-Pont, à l’âge de 9 ans. Au sein de ce club, j’ai été mené assez naturellement vers la compétition qui est un moyen de progression, particulièrement dans ce sport. Aller faire des sorties sur les bassins artificiels, comme à Cergy-Pontoise, ou plus petit, à Corbeil-Essonnes, m’a permis de me confronter à des bassins un peu plus techniques que ceux que je connaissais sur la Marne. Participer à des compétitions, c’est aussi être dans un groupe, s’amuser, découvrir de nouvelles rivières, etc. De compétitions en stages, j’ai commencé à m’entraîner davantage et j’ai monté mon niveau.
Qu’est-ce qui t’a plu dans ce sport ?
J’ai trouvé l’ambiance du club très sympa, je m’y suis fait des amis que je vois toujours. Et puis la compétition, c’est-à-dire se donner un objectif et essayer de mettre en œuvre le plus de choses possibles pour performer, ça m’a beaucoup plu. Quand j’avais environ 12 ans mon moniteur m’a dit que, en plus du mercredi et du samedi, il y avait une séance le jeudi soir à laquelle je pouvais participer avec les grands. J’étais ravi de me dépasser physiquement, de me mettre un peu « dans le rouge » et de viser des médailles.
À quel âge es-tu passé au niveau supérieur ?
Ça s’est fait assez progressivement, je commence à m’entraîner trois fois par semaine à 12 ans ; à 14 ans j’étais à cinq entraînements ; et à partir de quinze ans j’étais en liste espoirs par suite d’une sélection par des tests, début du sport de haut niveau. J’ai rejoint le Pôle d’excellence francilien avec d’autres kayakistes espoirs de ma discipline, la descente. Nous avons été coachés, j’y ai rencontré mon entraîneuse actuelle, Julie Fievez qui était mon entraîneuse de club, avec qui ça a très bien fonctionné pour les plans d’entraînement.
À 16 ans, je deviens champion de France des cadets, avec 6–7 entraînements par semaine. Et, l’année d’après, c’est ma première année junior, au cours de laquelle je me qualifie en équipe de France et où je gagne le championnat du monde junior en 2017. À partir de ce moment, j’accède à la liste haut niveau qui s’appelle la liste relèves, attestation officielle de l’État pour le haut niveau.
Le kayak, c’est un peu comme le vélo, il existe beaucoup de disciplines différentes : le kayak sur mer, sur du plat ou en eaux vives. Ma discipline, la descente, se pratique en eaux vives, donc dans les rivières, et en contre-la-montre. Il y a deux distances de compétition : la distance dite classique, qui sont des courses de dix à vingt minutes ; et la descente dite sprint d’une durée d’environ une minute. Il faut dévaler la rivière le plus rapidement possible, il n’y a pas de contrainte de portes à passer, sur des bateaux longs et rapides.
Comment as-tu réussi à concilier prépa et entraînement ?
Je n’ai pas concilié ! En sortant de la catégorie juniors, plusieurs choix s’offraient à moi : la filière Staps ou les Insa qui proposent des études aménagées pour les sportifs de haut niveau, ce en quoi ils sont pionniers. Mais je voulais me mettre un challenge supplémentaire en partant en prépa et en laissant un peu de côté le sport pendant deux ans.
“Dans les pôles espoirs, il nous est dit d’avoir toujours un double projet, de ne pas tout miser sur le sport.”
Dans les pôles espoirs, il nous est dit d’avoir toujours un double projet, de ne pas se contenter de tout miser sur le sport. Peu de kayakistes gagnent leur vie par le kayak. Aller en prépa m’a laissé sur ma faim en sport ; je gardais au moins une séance par semaine pour me vider la tête ; la salle de muscu du lycée était tout près de ma salle de classe de prépa, donc j’ai pu en profiter aussi. Une fois les concours passés, je suis retourné à fond dans le kayak, car ça me manquait.
Que se passe-t-il quand tu intègres Polytechnique ?
J’ai été surpris, j’ai très bien marché au concours, c’était l’année de la Covid donc on a eu plus de temps pour réviser, temps que j’ai su bien mettre à profit. J’étais très heureux d’avoir eu le concours et de pouvoir bientôt poser mon bateau au bord du lac, et j’ai aussitôt contacté le responsable du BFS de l’époque (bureau de la formation sportive), le commandant Mander, pour faire état de ma situation à l’École. La Fédération française m’a fait confiance à ce moment-là, alors que je n’étais plus sportif de haut niveau à la suite de la prépa, en me mettant sur une liste de collectifs nationaux, ce qui me permettait d’avoir des aménagements pour m’entraîner. J’ai ainsi bénéficié de dérogations pour aller m’entraîner lors des couvre-feux.
Peux-tu nous décrire une semaine d’entraînement à Polytechnique ?
J’ai un cursus aménagé, c’est-à-dire que j’ai la moitié des cours, ce qui me permet d’avoir des moitiés de semaine réservées pour l’entraînement soit à mon club, soit en stage en eaux vives. Dans une semaine type, le lundi je commence mon entraînement à 8 h 30 sur l’eau pendant une heure, une heure et demie ; le lac est à cinq minutes de mon casert, ce qui est très pratique !
Avant les concours, j’avais regardé quelles étaient les écoles où il y avait de l’eau, et Polytechnique remplissait mes critères ; puis j’ai cours de 10 h 30 à 16 heures, à la suite desquels j’ai une séance de musculation et parfois un court entraînement sur le lac appelé transfert.
Le mardi, comme je n’ai pas cours cette année, je m’entraîne le matin lors d’une grande session et, l’après-midi, je vais faire de la musculation. Le mercredi, j’ai cours tout l’après-midi, donc je pratique la musculation et le transfert le matin. Le jeudi, je retourne en club où je me concentre sur la pratique du kayak avec une longue séance matin et après-midi, et je fais de la course à pied. Le programme de vendredi est à peu près le même. Les week-ends sont occupés en fonction des sélections, des possibilités d’aller en eaux vives ou des compétitions.
Comment s’est passé l’aménagement de ton emploi du temps à Polytechnique ?
J’ai commencé par choisir de faire un stage civil et non militaire, pour avoir le maximum de temps pour m’entraîner. J’ai donc été professeur de mathématiques dans un lycée à Montceau-les-Mines. À mon arrivée sur le platâl en avril 2021, j’ai passé les sélections pour être en équipe de France, ce qui m’a permis d’obtenir une médaille et ainsi de devenir à nouveau sportif de haut niveau et de commencer les démarches pour l’aménagement de ma scolarité. Il se trouve que ça n’a pas été nécessaire pour la 2A, j’ai juste moins vécu de vie associative que mes camarades ! En 2022, nous avons convenu que ma 3A serait séparée en deux ans : j’ai eu les deux tiers des cours en 2022–2023 ; et je viens de finir mon dernier tiers de cours en 2023–2024.
Envisages-tu de faire une 4A ?
J’ai été admis à l’EPFL où il est possible de réaliser un master sur plus de deux ans, il s’agit d’un master de Mechanical Engineering.
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N’est-ce pas un peu dur de s’entraîner sur le lac à 8 h 30 l’hiver ?
Eh bien, parfois il faut enfiler des sortes de manchon pour supporter et, parfois, le lac était gelé donc je ne pouvais pas m’entraîner. Pour éviter les aléas de l’hiver, nous partons nous entraîner en Espagne. L’année dernière, je suis parti deux semaines à Séville et cette année j’ai passé dix jours à Empuriabrava sur la Costa Brava. Et, dès le retour du printemps, je suis davantage en kayak, tandis que je fais plus de muscu l’hiver.
Quel est ton palmarès jusqu’à présent ?
Dans les années U16 et U18, j’ai été dix fois champion de France dans différentes catégories comme le sprint, la course longue, en kayak monoplace et en canoë biplace avec mon équipier. En effet, pendant mes années catégorie juniors, j’ai fait du canoë biplace avec Gaël de Brye (X20) qui est lui aussi à l’École polytechnique et nous avons gagné des médailles.
Aux mondiaux juniors en 2017, je suis champion du monde en course longue en individuel ; en biplace, nous gagnons le long et le court et nous remportons aussi des épreuves par équipe. En 2018 aux championnats d’Europe, je gagne à peu près toutes les courses : biplace, monoplace, la course longue, la course courte, en individuel, en équipe, sauf une course, l’équipe bateau monoplace course longue. Ensuite je suis parti en prépa.
« Lors de championnats du monde moins de 23 ans, je remporte la médaille d’or du sprint et de la classique. »
En 2021, je retrouve l’équipe de France des moins de 23 ans et je finis 3e de la course longue en individuel aux championnats d’Europe – et nous gagnons le sprint par équipe. Puis je suis 3e lors de l’une des coupes du monde séniors.
En 2022, j’intègre l’équipe de France sénior et de moins de 23 ans. Lors des championnats du monde séniors, je finis 4e en individuel en sprint, ma meilleure performance pour l’instant. Lors de championnats du monde moins de 23 ans, je remporte la médaille d’or du sprint et de la classique.
En 2023, je ne me qualifie pas en équipe de France sénior, mais je reste dans l’équipe des moins de 23 ans et je joue le circuit de coupe du monde, c’est-à-dire un classement des 4 meilleures courses réalisées par chaque kayakiste lors d’un circuit de 6 courses pour l’année 2023. Je me classe 3e de la coupe du monde sénior. Et, lors des championnats du monde des moins de 23 ans, je finis 2e de la course longue.
Quelle est la philosophie du kayak selon toi ?
Ce que je trouve intéressant dans le kayak, c’est qu’il y a de l’endurance donc du dépassement de soi, mais il y a aussi de la compétition, le côté nature dans les rivières. J’aime beaucoup me dépasser physiquement pendant les courses, j’aime beaucoup m’entraîner, suivre mon programme. Je suis aussi très attaché au fait de descendre des rivières, découvrir le chemin le plus rapide pour descendre la rivière, ce qu’on appelle la trace. Le kayak est un complet plaisir pour moi, et faire le choix d’une grande école me laisse serein pour la suite. J’ai déjà des entreprises qui sont prêtes à m’embaucher en me proposant d’aménager mon emploi du temps.
Comment imagines-tu la suite de ta carrière sportive ?
Sur le plan sportif, lorsque j’aurai atteint mon objectif d’être champion du monde de descente, je souhaite basculer sur une discipline olympique. Actuellement, je suis des plans d’entraînement très proches de ceux qui font de la course en ligne (eau calme, musculation…). Depuis plus d’un an, je m’entraîne sur un bateau de vitesse pour commencer cette transition vers la discipline olympique de course en ligne. C’est assez courant de passer de la descente à la course en ligne. C’est le cas pour 4 des 6 athlètes de l’équipe de France féminine actuelle de course en ligne.
As-tu des sponsors pour t’aider à financer ton parcours de sportif de haut niveau ?
La communauté polytechnicienne m’a beaucoup aidé. Grâce à l’AX et notamment l’intervention d’Yves Demay (X77) et de Jean-Baptiste Voisin (X88), j’ai pu entrer en contact avec le groupe LVMH qui a décidé de m’aider financièrement pour la saison 2023–2024. C’est très important pour un sportif de trouver du soutien financier car, dans mon sport comme dans beaucoup d’autres, le matériel utilisé, ainsi que les déplacements inhérents aux entraînements et aux compétitions, nécessite un investissement financier qui peut rapidement être lourd. Et ce n’est pas la seule aide que je reçois des anciens.
Quelle est l’entreprise qui te soutient, comment l’as-tu trouvée ?
Actuellement, avec l’aide de Pierre-Olav, je suis en train de mettre en place un programme aménagé chez Vinci Énergies, c’est-à-dire travailler dans un domaine qui me plaît et en parallèle pouvoir continuer ma carrière de sportif de haut niveau. J’ai pu discuter avec Thomas Baroukh, un centralien avironneur médaillé de bronze aux Jeux de Rio, originaire de Versailles, qui a bénéficié d’un début de carrière aménagé chez Enedis.
Jusqu’à quel âge penses-tu continuer le sport de haut niveau ?
En ce moment, dans la course en ligne, les « vieux » font de la résistance. Un des meilleurs actuellement est Maxime Beaumont qui a plus de 40 ans. Je ne sais pas si je continuerai aussi longtemps, mais la retraite sportive n’est pas forcément précoce dans la course en ligne !
Pierre-Olav Lego (X86), Vinci Énergies, sponsor d’Augustin Reboul (X20)
À l’École, j’étais dans la section pentathlon moderne. Ma matière forte, c’était plus l’escrime que les distributions ou la mécanique quantique ! J’ai repris contact avec l’École il y a quelques années, constatant le manque de solutions offertes en France à des jeunes souhaitant mener de front des études exigeantes et un parcours de sportif de haut niveau. J’avais l’intuition que l’X et son statut d’école militaire pouvaient offrir des solutions. Un peu plus tard, j’ai dans le cadre de mes activités professionnelles pris la responsabilité des relations entre l’X et Vinci Énergies.
Accompagner les élèves sportifs de haut niveau
Les relations que j’ai établies avec le bureau de la formation sportive de l’École m’ont permis d’identifier des possibilités et de réaliser un certain nombre de projets. Il s’agissait tout d’abord d’accompagner des élèves ayant un projet de sportif de haut niveau dans leur parcours académique adapté et le démarrage de leur carrière professionnelle ; ensuite, être partenaire de l’École dans le financement et l’animation d’événements à caractère sportif ; et, enfin, offrir aux élèves un accès à des installations sportives de qualité, complémentaires de celles de l’École.
Ainsi, j’ai été sollicité par le chef du bureau de la formation sportive de l’École pour monter un stage à l’étranger sur mesure pour Augustin Reboul. À l’issue d’un premier échange, nous avons trouvé intéressant de développer un schéma d’accompagnement plus large, englobant le parcours universitaire d’Augustin et le démarrage de son parcours professionnel. Reconnaissant la part d’aléas inhérente à un projet sportif, l’état d’esprit est de travailler en confiance, étape par étape sur un schéma flexible et évolutif.
Le rôle de Vinci Énergies
La taille, la structure et l’organisation de Vinci Énergies sont propices au développement de tels projets. En effet, nous sommes un groupe fortement internationalisé, ce qui répond bien au besoin immédiat d’Augustin. De plus, nous disposons d’organisations transverses, nos quatre marques, coordonnant les activités marketing amont et innovation de nos filiales. Ces réseaux, regroupant chacun plusieurs centaines d’entreprises, représentent des points d’atterrissage privilégiés pour une première expérience professionnelle mixant un agenda professionnel et un agenda sportif. Elles offrent d’autre part une vue d’ensemble sur la totalité du groupe, permettant d’identifier la suite de son parcours professionnel en prenant à terme des responsabilités dans un business opérationnel.
Sponsor de la Coupe de l’X
Aujourd’hui, Vinci Énergies est le sponsor principal de la Coupe de l’X. C’est un événement organisé tous les ans par le BDS (bureau des sports). Il rassemble 2 000 étudiants venus de 22 écoles d’ingénieurs et de commerce, qui s’affrontent dans 17 disciplines sportives. Au-delà du soutien financier, nous sommes présents sur l’événement et animons une action autour d’un projet sportif et solidaire qui consiste à sauver, aux côtés de l’association Mécénat Chirurgie cardiaque, des enfants atteints de malformations cardiaques. La participation du bateau Initiatives Cœur, dont Vinci Énergies est sponsor-mécène depuis 2017, à des courses de grande renommée comme le Vendée Globe, associée à l’engagement financier des deux autres sponsors et partenaires, offre à Mécénat Chirurgie cardiaque une très forte couverture médiatique et permet de sensibiliser le grand public à cette cause. Avec la Coupe de l’X, nous sensibilisons ainsi chaque année les étudiants.
Renforcer l’accès aux infrastructures sportives
Enfin, concernant l’accès à des infrastructures sportives, nous avons constaté que, avec la montée en puissance de l’Institut Polytechnique de Paris, les installations sportives de l’École sont soumises à une pression croissante. L’idée développée ici est de s’appuyer sur l’implication de la communauté polytechnicienne dans le milieu associatif pour faire profiter nos jeunes camarades d’infrastructures sportives de qualité, complémentaires à celles de l’École. Avec mes collègues du Cercle nautique de Versailles, nous avons proposé d’accueillir la section Aviron, qui rame depuis cette année de manière régulière sur le Grand Canal du château de Versailles.