5 notions qui nous renvoient aux mots loi de programmation militaire

Étymologie :
À propos de la loi de programmation militaire

Dossier : Loi de programmation militaireMagazine N°797 Septembre 2024
Par Pierre AVENAS (X65)

Voi­là trois mots indé­pen­dants, loi, pro­gram­ma­tion et mili­taire, qui font l’objet de trois par­ties dis­tinctes du pré­sent ÉtymologiX.

DVRA LEX SED LEX « la loi est dure mais c’est la loi »

Le mot loi, d’abord lei en ancien fran­çais, vient du latin de même sens, lex, legis, par la même évo­lu­tion pho­né­tique que celle abou­tis­sant à roi à par­tir du latin rex, regis. On rap­proche le latin lex, legis du verbe legere, dont le sens a beau­coup évo­lué : d’abord « cueillir », d’où « ras­sem­bler (ce qu’on a cueilli) », puis « choi­sir (ce qu’on cueille) », et aus­si « lire », car on cueille les mots ras­sem­blés en phrases, et de legere vient fina­le­ment lire en fran­çais. Le lin­guiste Ben­ve­niste relie bien lex à legere, mais en rete­nant pour legere le sens de « mettre de côté », lex se com­pre­nant alors comme une « dis­po­si­tion prise pour mettre une chose à part ». C’est bien ce qu’impose la loi en déci­dant de ce qui est licite et de ce qui ne l’est pas.

Il n’y a pas de racine indo-euro­péenne rela­tive à la loi. Ain­si l’anglais law, mal­gré les appa­rences, relève d’une autre ori­gine, la racine nor­roise *lag- (cf. sué­dois lag « loi ») à laquelle se relie aus­si le verbe to lay « poser », le mot lay « dis­po­si­tion ». La loi selon l’anglais law, c’est ce qui est posé, impo­sé, c’est un ensemble de dis­po­si­tions. On a la même idée en alle­mand, Gesetz « loi », for­mé sur set­zen « asseoir, placer ».

Nota : l’anglais est pra­ti­que­ment la seule langue euro­péenne qui emploie le même mot, law, à la fois pour la loi (latin lex) et pour le droit, la jus­tice (latin jus, juris).

Un programme, c’est écrit à l’avance

En grec, on trouve le verbe pro­gra­phein « écrire à l’avance », dont dérive pro­gram­ma, atos tra­duit par « ordre du jour », et emprun­té en latin tar­dif, pro­gram­ma, atis, attes­té dans un codex du VIe siècle, d’où en fran­çais pro­gramme, pro­gram­ma­tique puis, attes­té en 1921, pro­gram­ma­tion.

Le point de départ est le verbe grec gra­phein « écrire », qui a de nom­breuses formes pré­fixées comme pro­gra­phein avec pro « en avant » et dont dérive le nom gram­ma « chose écrite ». En grec en effet, la dési­nence -ma, -matos sert à for­mer à par­tir d’un verbe d’action le mot dési­gnant sa réa­li­sa­tion, comme kli­ma « incli­nai­son » déri­vé de kli­nein « incli­ner » (cf. cli­mat, cli­ma­tique dans l’Éty­mo­lo­giX de déc. 2018). Dans le cas de gra­phein, le déri­vé devrait être *graph-ma, mais la loi pho­né­tique conduit à l’assimilation du /ph/ à /m/, d’où gram­ma.

On trouve un bel exemple d’évolution du concret à l’abstrait avec ce verbe gra­phein dont le sens pri­mi­tif est « égra­ti­gner, écor­cher » (à pro­pos d’une bles­sure dans l’Iliade), d’où les sens « gra­ver (par inci­sion) » puis au figu­ré « tra­cer, des­si­ner, écrire, rédi­ger », sous-jacents dans une mul­ti­tude de mots com­por­tant les élé­ments graph(o)-, -graphe, -gra­phier, -gramme

MANV MILITARI « par la force armée »

Le mot mili­taire n’a de rap­port ni avec arme (cf. Éty­mo­lo­giX d’avril 2018), ni avec sol­dat, mot qui vient de l’italien sol­da­to, lui-même de sol­do « solde ». Du latin soli­dus « plein, mas­sif, solide » vient le bas latin sol­dus dési­gnant une mon­naie solide, d’où la solde et le sou.

En réa­li­té, mili­taire vient du latin mili­ta­ris « rela­tif à la guerre », du latin miles, mili­tis « sol­dat », d’origine incon­nue (peut-être étrusque ?).

Épilogue

Le but de cette loi est de garan­tir le finan­ce­ment de l’effort mili­taire. Cela ne se voit pas dans l’étymologie de son libel­lé, alors que l’origine du mot sol­dat sous-entend que les troupes seront payées, et dans une mon­naie solide !

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