Hors du temps / Horizon – Une saga américaine – Chapitre I / Les Fantômes / Santosh / Highway 65

Hors du temps / Horizon – Une saga américaine – Chapitre I / Les Fantômes / Santosh / Highway 65

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°797 Septembre 2024
Par Christian JEANBRAU (63)

La mois­son de la pre­mière moi­tié des grandes vacances a été bien médiocre. Au jeu de l’ultra-synthèse dépi­tée, on va citer : Love lies blee­ding, entre saphisme et body­buil­ding ; Glo­ria ou l’invention de la musique pop à Venise au XVIIIe siècle ; The bike­ri­ders, gang de motards (pas si mal quand même) ; Le comte de Monte-Cris­to, très en des­sous des Trois mous­que­taires (II) ; Dîner à l’anglaise, théâtre fil­mé sur­fait ; Sons, qui aurait pu « le faire » pour cause de réa­li­sa­teur (on lui doit le for­mi­dable The Guil­ty), mais fina­le­ment non ; Only the river flows, qui nous embarque… puis fait déra­per vers l’onirisme ;
et To the moon, amé­ri­cain à vous en dégoû­ter. Et puis on a quand même retenu :

Hors du temps Hors du temps

Réa­li­sa­teur : Oli­vier Assayas – 1 h 45

Beau­coup de charme. Et d’excellents acteurs. De la nos­tal­gie, de l’autodérision, le sen­ti­ment d’une réelle sin­cé­ri­té, d’une obser­va­tion fidèle, sans for­cer le trait. Le temps déroule sa pelote, des sou­ve­nirs reviennent, un atten­dris­se­ment dif­fus devant les mal­adresses, les manies, les névroses accep­tables se met en place. Outre qu’on les connaît et qu’on les recon­naît plus ou moins, les Assayas, Mich­ka qu’on entend sur France Inter, Oli­vier d’Irma Vep, n’eût-on pas vu le film, on est en pays de connais­sance, tout sur­pris d’entrer dans leur inti­mi­té plus ou moins fic­tion­née où des réfé­rences nous parlent. Au fond, le contrat est rem­pli, un moment Hors du temps.

HorizonHorizon- – Une saga américaine – Chapitre I

Réa­li­sa­teur : Kevin Cost­ner – 3 h 01

Trois longues heures médio­cre­ment lisibles. Il va fal­loir attendre la suite. On veut y croire ! La carte pos­tale « wes­tern » est là, on aime, mais le pro­pos ouvre des pistes dans tous les sens et on peine à s’y retrou­ver. Ça se passe autour de 1860 avec Indiens, cara­vanes de pion­niers, cava­le­rie, guerre civile, marche vers l’Ouest, his­toires de ven­geance bru­tale et d’amours esquis­sées, et au milieu Cost­ner qui tombe de la lune… C’est vrai, ça démarre dans le too much. On devine l’ambition. On s’ennuie un peu. Mais on a la foi du char­bon­nier. L’ensemble, dans sa pers­pec­tive à venir, construi­ra une cohé­rence positive.

Les FantômesLes Fantômes

Réa­li­sa­teur : Jona­than Millet – 1 h 46

Sur les ex-tor­tion­naires du régime syrien pas­sés en Europe. Adam Bes­sa dans le rôle prin­ci­pal impres­sionne par sa concen­tra­tion. On croit à l’histoire dans son dérou­le­ment sans fio­ri­ture, séche­resse lisible, dans la pré­sen­ta­tion tech­nique de la traque, l’installation de la cer­ti­tude, la pour­suite du bour­reau par la vic­time, la ter­ri­fiante prise de conscience de l’écart incom­pré­hen­sible entre la mons­truo­si­té du crime et l’apparente nor­ma­li­té, bana­li­té du cri­mi­nel. La ten­sion dra­ma­tique est constante. L’aspect fic­tion­nel le cède au docu­men­taire. Le héros touche juste dans son hon­nê­te­té humaine, lucide et obs­ti­née, à l’écart du fana­tisme. La para­bole accom­plit plei­ne­ment son néces­saire par­cours vers la jus­tice et la lumière.

Santosh Santosh

Réa­li­sa­trice : Sand­hya Suri – 2 h 08

Un beau film, qui com­mence en docu­men­taire avant de se pour­suivre et de se tendre dra­ma­ti­que­ment en polar à l’impeccable et intense dimen­sion psy­cho­lo­gique. Sha­ha­na Gos­wa­ni donne une éton­nante den­si­té à son per­son­nage, tra­ver­sée d’inquiétude, de cha­grin, de ques­tions, de révolte. Très belle figure de femme au sein d’une enquête biai­sée aux consé­quences insup­por­tables, porte ouverte sur une Inde de castes, de com­pro­mis, d’injustice et de vio­lence. Épais­seur et com­plexi­té aus­si de son chef de ser­vice, l’inspectrice ambi­guë et mani­pu­la­trice qui fait contre­point avec elle et qu’incarne Suni­ta Raj­war. Ample et lente et très effi­cace mise en scène.

Highway 65 Highway 65

Réa­li­sa­trice : Maya Drei­fuss – 1 h 48

Un bon thril­ler. Une dis­pa­ri­tion, des notables. Ori­gi­nal d’abord, tout à fait ori­gi­nal. Solide et neuf. Et dans son dérou­le­ment réa­liste, son « temps réel », très effi­cace. En refus des armes de la fémi­ni­té, calée sur ses propres valeurs et sa volon­té d’aboutir, Daph­na (Tali Sha­ron) impres­sionne. Le tis­su enche­vê­tré de l’intrigue se déplie pro­gres­si­ve­ment pour une fin qui entrouvre la porte sur des variantes d’interprétation inté­res­santes. Il fait très chaud en Israël et la langue y a des sono­ri­tés râpeuses, tan­dis que les rap­ports humains y connaissent l’universel de leur com­plexi­té où la rec­ti­tude de l’héroïne s’obstine à tra­cer son sillon risqué. 

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