De l'eau

Ah l’eau

Dossier : Le mot du présidentMagazine N°798 Octobre 2024
Par Loïc ROCARD (X91)

Il fal­lait être bien caché pour ne pas avoir sui­vi les mul­tiples épi­sodes de la saga « bai­gnade à Paris ». Plon­ge­ra quand, plon­ge­ra pas ? Nage­ront, nage­ront pas ? On annule tout et fina­le­ment pas ? Il a eu beau pleu­voir comme jamais, la Seine aus­si a été une fête.

Ce mois-ci dans La Jaune et la Rouge vous appren­drez beau­coup de choses sur la ges­tion des fleuves, des rivières et des nappes, l’articulation entre le cadre euro­péen et l’échelon natio­nal, l’astucieuse orga­ni­sa­tion par bas­sins ver­sants qui fête ses soixante ans.

Les baro­mètres d’opinion – que la Direc­tion de l’eau et de la bio­di­ver­si­té fait faire de proche en proche depuis 2011 – sur la per­cep­tion par le grand public des enjeux rela­tifs à la res­source aqua­tique, par­mi les dif­fé­rentes inquié­tudes envi­ron­ne­men­tales, révèlent que, avant l’émergence du chan­ge­ment cli­ma­tique comme pre­mière d’entre elles, c’était tou­jours l’eau potable qui arri­vait d’abord. Venaient ensuite la pré­ser­va­tion des espèces et la qua­li­té de l’air.

On lit dans le der­nier baro­mètre que l’attention autour de la ques­tion de l’eau, si elle a glis­sé du pre­mier au deuxième rang, est res­tée à un haut niveau d’occurrence, citée constam­ment par plus de 40 % des inter­ro­gés. Avec en sous-thèmes tou­jours la qua­li­té de l’eau potable et, der­rière, des pro­blé­ma­tiques qui ont ten­dance à se faire pro­gres­si­ve­ment plus aiguës, l’accès à la res­source pour tous les usages (besoins indus­triels, agri­coles…) et la pré­ven­tion des inondations.

“C’était toujours l’eau potable qui arrivait en tête des préoccupations.”

Le chan­ge­ment cli­ma­tique étant irré­mé­dia­ble­ment en marche, avec à craindre bien plus que deux degrés sup­plé­men­taires en moyenne dans l’Hexagone dans les décen­nies à venir, exit le ski alpin, mais aus­si bien­ve­nue aux séche­resses de plus en plus aiguës et aux épi­sodes plu­vieux plus sévères (en moyenne s’entend), à la hausse du niveau de la mer et au recul du trait de côte. Autre­ment dit, le pro­blème, ce sera celui de l’eau !

C’est là que sera mis à l’épreuve le sys­tème remar­quable de ges­tion conçu dans les années 1960 en com­plé­ment du mil­le­feuille admi­nis­tra­tif ter­ri­to­rial, auto­fi­nan­cé, doté de la capa­ci­té de diag­nos­tic, d’ingénierie, de finan­ce­ment et de fabri­ca­tion des consen­sus poli­tiques. La France étant une terre de pro­jets de toutes sortes, comme on a pu l’admirer cet été, et d’ingénieurs pour les conduire, soyons opti­mistes pour la rési­lience de notre cycle de l’eau, et réjouis­sons-nous de savoir que les ingé­nieurs auront les rôles impor­tants à jouer pour que nous conti­nuions à l’avoir au robinet.

Et avant cela il faut qu’ils se forment. Bien­ve­nue dans la com­mu­nau­té à la pro­mo­tion X2024 du cycle ingé­nieur, qui vient de ren­trer de La Cour­tine et s’apprête à enta­mer son stage de for­ma­tion humaine et mili­taire. Il est déce­vant de consta­ter qu’en son sein il n’y a que 15 % de femmes, alors qu’on était plus proche des 20 % les der­nières années.

Le col­lec­tif Maths et Sciences s’est atta­ché depuis quelques années à éva­luer à par­tir des don­nées chif­frées les consé­quences de la réforme des filières du secon­daire. Dans une syn­thèse éclai­rante, il attri­bue hélas à celle-ci un plon­geon de la part des filles dans les spé­cia­li­tés scien­ti­fiques, pressent la pour­suite de la baisse du niveau géné­ral en maths, et donc une pro­jec­tion plus dif­fi­cile vers les classes pré­pa­ra­toires. Dans une tri­bune récente cosi­gnée par l’AX, il y voit par conti­nui­té la rai­son de la baisse des effec­tifs dans les écoles d’ingénieurs consta­tée à la ren­trée 2024. Pour four­nir au pays des ingé­nieurs au bon niveau face aux pro­blèmes du siècle, c’est d’abord dans le secon­daire que les choses se joue­ront. Espé­rons que la fra­gi­li­té des équi­libres poli­tiques actuels n’empêchera pas la néces­saire remontada.

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