Francis GermaiN (X41) ancien résistant et spécialiste du BTP devant le barrage de Pannessières

Francis Germain (X41) ancien résistant et spécialiste du BTP

Dossier : TrajectoiresMagazine N°798 Octobre 2024Par Suzanne BOGEAT

Décé­dé le 26 mai 2024, Fran­cis Ger­main a consa­cré toute sa car­rière aux grands tra­vaux d’équipement, d’abord au sein de l’Administration, puis en jouant un rôle clé dans la créa­tion d’un des grands bureaux d’ingénierie en BTP.

Fran­cis Ger­main est né à Mar­seille, en 1922, dans un foyer mar­qué par la Pre­mière Guerre mon­diale : son père, seul sur­vi­vant de quatre frères sol­dats, a épou­sé sa mar­raine de guerre. Reçu à l’X et à Ulm en 1941, il choi­sit l’X car il se juge trop peu créa­tif pour envi­sa­ger une car­rière pure­ment scien­ti­fique. Il sort en 1943 dans le corps des Ponts et Chaussées. 

Pour échap­per au STO, il part à Gar­danne dans une mine où il occupe pen­dant six mois tous les postes, de mineur de fond à ingé­nieur adjoint, puis aux bar­rages de l’Aigle et de Bort. La Résis­tance est pour lui une évi­dence : il rejoint le maquis de Haute-Cor­rèze, puis par­ti­cipe à la cam­pagne d’Allemagne avec la 1re DB. Fier d’avoir été deux fois enga­gé volon­taire, il garde le sou­ve­nir d’un proche cama­rade (Alain Thi­bierge) tué à ses côtés et n’évoque cette période que rarement.

Démo­bi­li­sé en octobre 1945, il accepte un poste dont per­sonne ne vou­lait, la super­vi­sion des inves­tis­se­ments pour la région pari­sienne de la future EDF, dont le direc­teur le condamne alors à absor­ber en un an les deux années de Supé­lec. Fran­cis contri­bue au déve­lop­pe­ment des pre­miers groupes de pro­duc­tion d’électricité et de chauf­fage urbain pour la région pari­sienne, tout en par­ti­ci­pant à la mise en place d’EDF. En même temps, il pro­longe ses études mathé­ma­tiques à l’Institut Poin­ca­ré, com­mence même une thèse d’analyse.

Lutter contre les inondations

En 1952, nou­veau com­bat, cette fois-ci contre l’eau : l’inondation ruine les exis­tences, autant qu’une guerre. Les grandes crues de 1910 et de 1924 sont encore dans les esprits. Nom­mé ingé­nieur en chef des bar­rages-réser­voirs de la Seine, il achève la réa­li­sa­tion du bar­rage à voûtes mul­tiples de Pan­nes­sières, puis éta­blit les pro­jets des réser­voirs Seine, Marne et Aube, qui comptent par­mi les plus impor­tants ouvrages en terre réa­li­sés en France.

Ils com­portent des organes très par­ti­cu­liers, de sa concep­tion per­son­nelle, uniques au monde. Ils ont depuis fait l’objet d’études et d’applications éten­dues. Le seul regret du Conseil géné­ral des Ponts est de ne pas les avoir bre­ve­tés. En outre, Fran­cis Ger­main mène à bien tout le tra­vail de convic­tion des auto­ri­tés locales et des habi­tants. Ces bar­rages-réser­voirs, tous réa­li­sés, ont depuis lors pro­té­gé Paris des grandes inon­da­tions, tout en régu­lant l’étiage en période chaude.

Une nouvelle épopée

En 1958, se sen­tant prêt pour des responsa­bilités d’entreprise, Fran­cis Ger­main entame une nou­velle épo­pée, la créa­tion d’un bureau d’études dédié à tous les domaines de l’ingénierie de la construc­tion, au sein du groupe GTM. Ce bureau d’études, tout en se bat­tant farou­che­ment pour défendre son indé­pen­dance vis-à-vis de sa mai­son mère, acquiert rapi­de­ment une répu­ta­tion d’excel­lence en ouvrages d’art, puis l’étend à l’industrie, même dans des spé­cia­li­tés aus­si exi­geantes que le nucléaire ou la chi­mie, et à l’international.

Ce bureau d’études, aujourd’hui Ingé­rop, fort de 3 000 sala­riés, est l’une des socié­tés d’ingé­nierie majeures d’Europe. Pour Fran­cis, ce suc­cès est dû aux cir­cons­tances de l’époque et aus­si à une cause plus sub­tile : l’humilité en face des clients et des pro­blèmes, le cou­rage d’affronter ces pro­blèmes en les met­tant sur la table, une affec­tion réelle et sans pater­nalisme pour le per­son­nel, la com­pré­hen­sion de ses dif­fi­cul­tés per­son­nelles, finan­cières, tech­niques ou de car­rière, l’audace confiante de délé­guer aux meilleurs que soi-même pour les pous­ser à l’ambition des res­pon­sa­bi­li­tés. Après 1990, il retourne aux sciences, avec T. Damour en rela­ti­vi­té géné­rale, puis avec C. Aslan­gul en méca­nique quan­tique, et col­la­bore à l’ouvrage de ce der­nier ­Mathé­matiques pour les sciences. 

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