Accompagner, promouvoir et faciliter l’innovation dans le secteur financier
Depuis 2016 et la création du pôle Fintech Innovation, l’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, accompagne le développement de l’écosystème des fintechs en se positionnant comme un facilitateur et un promoteur de l’innovation dans le secteur de la finance. Le directeur du pôle, Olivier Fliche (X89) nous en dit plus dans cette interview.
Quel est le périmètre d’action de l’ACPR ?
L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est l’autorité en charge de contrôler la solvabilité et de s’assurer de la stabilité financière des établissements du secteur bancaire et de l’assurance, et de protéger leurs clients. En ce sens, elle assure donc un contrôle dit prudentiel, qui est un contrôle financier de la solidité des banques et des assurances, ainsi qu’un contrôle des pratiques commerciales de tous les professionnels de l’assurance et de la banque en France. Cela représente près de 660 établissements bancaires, 660 assureurs et près de 65 000 intermédiaires. En parallèle, l’ACPR est aussi en charge du contrôle des règles de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
L’ACPR s’est dotée d’un pôle Fintech Innovation pour accompagner le développement de la fintech et les innovations dans le monde de la finance et des services financiers. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Créé en 2016, le pôle Fintech Innovation de l’ACPR a été pensé comme un point d’entrée privilégié et dédié aux fintechs et à l’innovation. Très souvent, ces fintechs, qui n’ont pas les mêmes codes que les acteurs traditionnels de la finance avec qui nous échangeons régulièrement, ne savent pas comment entrer en contact avec l’ACPR. Ainsi, une des missions principales du pôle Fintech Innovation est justement de faciliter la mise en relation entre ces acteurs et l’ACPR. En relation avec cet écosystème, le pôle opère aussi comme un observatoire de l’innovation dans une logique d’anticipation des prochaines tendances, des transformations des métiers de la banque et de l’assurance, mais aussi des éventuels impacts sur l’activité de contrôle de l’ACPR.
“Créé en 2016, le pôle Fintech Innovation de l’ACPR a été pensé comme un point d’entrée privilégié et dédié aux fintechs et à l’innovation”
Le pôle Fintech Innovation a aussi la mission de s’intégrer et de contribuer à cet écosystème innovant afin que l’ACPR ne soit pas perçue comme un frein à l’innovation, mais comme une autorité qui accompagne la diffusion de l’innovation dans le secteur financier. Dans cette continuité, depuis 2018, le pôle a la mission de promouvoir l’innovation au sein de l’APCR et au service des métiers du contrôle.
Chaque année, ce sont ainsi plus de 150 nouveaux interlocuteurs qui s’adressent à notre pôle essentiellement afin de déterminer s’ils ont besoin d’une autorisation pour exercer leur activité.
Comment se concrétise l’accompagnement de l’ACPR et de son pôle Fintech Innovation ?
Nous recevons sans distinction tous les porteurs de projets. Nous accueillons aussi bien des jeunes étudiants que des professionnels qui ont une expérience significative dans le secteur de la finance. Dans le cadre de nos échanges avec ces entrepreneurs, nous allons réaliser un premier diagnostic afin de déterminer si leur activité entre dans un champ réglementé ou non. Si cela est le cas, nous leur expliquons les prochaines étapes, les contraintes réglementaires et nous leur donnons l’ensemble des informations juridiques et techniques dont ils ont besoin pour entamer leur parcours afin de constituer leur dossier qui sera instruit par la direction des autorisations de l’ACPR.
Pour une meilleure lisibilité et compréhension du parcours jusqu’à l’obtention de l’autorisation d’exercice, nous avons formalisé les différents processus dans une charte fintech qui est accessible à tous sur le site Internet de l’ACPR. En outre, toujours sur le site de l’ACPR, nous avons créé une rubrique dédiée à ce public, « Mon parcours Fintech », qui regroupe du contenu pédagogique afin de permettre aux porteurs de projet de se préparer en amont des échanges avec l’ACPR, de mieux maîtriser le volet réglementaire…
Quelles sont les tendances qui se dessinent actuellement dans ce secteur ?
Depuis déjà plusieurs années, le secteur du paiement reste le segment le plus porteur en termes de création de start-ups. En effet, le paiement offre de nombreuses pistes et se prête particulièrement bien à l’innovation et à la créativité : paiement entre particuliers, transfrontaliers… Il y a également de plus en plus de projets relatifs aux crypto-actifs. C’est, d’ailleurs, une activité pour laquelle nous partageons la responsabilité avec l’AMF, l’Autorité des marchés financiers. Enfin, de manière assez marginale, nous sommes aussi ponctuellement consultés pour des projets en assurance, autour du crédit…
“Cet écosystème continue à gagner en maturité avec des acteurs dont la taille s’est considérablement développée et qui ont démontré l’intérêt de leur business model. ”
Depuis deux ans, nous observons une baisse du nombre de nouveaux acteurs, un phénomène qui s’explique, entre autres, par un retournement du marché et un resserrement des financements. En 2023, nous avons ainsi assisté à une baisse significative du nombre de projets de start-up. En 2024, la situation semble se stabiliser avec un léger redémarrage à la mi-année.
En parallèle, on observe également que cet écosystème continue à gagner en maturité avec des acteurs dont la taille s’est considérablement développée et qui ont démontré l’intérêt de leur business model.
Réglementation, financement, technologies, usages… sont autant d’enjeux qui mobilisent le secteur de la fintech. Qu’en est-il concrètement ?
Sur le plan réglementaire, nous avons connu une séquence très riche avec la feuille de route Finance Numérique de la Commission européenne et des textes particulièrement structurants pour le secteur financier, et par conséquent l’écosystème des fintechs. Parmi les éléments les plus marquants, on peut notamment citer l’augmentation de l’empreinte technologique dans les services financiers dans un contexte marqué par l’explosion du risque cyber et informatique. La prochaine entrée en vigueur du règlement sur la résilience opérationnelle numérique (DORA) a ainsi vocation à fortement impacter l’ensemble du secteur financier.
En parallèle, nous entendons de plus en plus parler de la tokenisation de la finance, qui consiste à passer les actifs financiers et leurs négociations sur la blockchain pour être rapide, ce qui, bien évidemment, pose des questions juridiques et techniques assez importantes. Cela a fait l’objet de premières réglementations de la Commission européenne avec, notamment, le régime pilote pour tester la tokenisation des actifs. Il faut mentionner aussi le règlement Markets in crypto-assets (MiCA) sur les crypto-actifs et les services associés, qui estle premier corpus réglementaire au monde à encadrer l’émission des crypto-actifs, et plus particulièrement des stablecoins.
À cela s’ajoute l’intelligence artificielle (IA), dont les dernières évolutions technologiques sont particulièrement « transformantes » pour le secteur financier. Là aussi, la Commission européenne a été pionnière en matière de réglementation afin d’encadrer l’usage de l’IA. Pour l’application sectorielle de ce règlement, l’ACPR est bien évidemment en première ligne, d’autant plus que le secteur financier est un des secteurs qui a le plus recours à cette technologie. Enfin, le secteur a également vocation à évoluer encore avec le déploiement de l’open banking et prochainement de l’open finance qui est un axe très fort porté par la Commission européenne.
Vous contribuez également à l’animation de cet écosystème. Comment cela se traduit-il ? Quelles sont les initiatives auxquelles l’ACPR prend part ?
Il est important pour l’ACPR de promouvoir le dialogue et les échanges avec les porteurs de projets qui nous remontent des informations sur l’écosystème, les projets, les innovations, les dernières tendances. Dans cette logique, avec l’AMF, nous avons créé et nous organisons le Forum Fintech, un lieu d’échange et de dialogue ouvert sur l’écosystème fintech qui prend la forme d’un événement annuel, rassemblant en moyenne 400 à 500 personnes.
“Avec l’AMF, nous avons créé et nous organisons le Forum Fintech, un lieu d’échange et de dialogue ouvert sur l’écosystème fintech qui prend la forme d’un événement annuel, rassemblant en moyenne 400 à 500 personnes.”
Le Forum Fintech est l’occasion de partager la vision des autorités sur les grandes tendances de l’innovation, de discuter des projets réglementaires européens… en présence d’un certain nombre d’acteurs de premier plan. Le Forum Fintech a également une finalité pédagogique sur l’application de la réglementation à des entités qui utilisent les nouvelles technologies pour proposer des services financiers. Enfin, tout au long de l’année, nous prenons également part à des événements organisés par des organismes professionnels ou de place, à des séminaires de recherche ou webinaires sur l’ensemble de ces sujets et enjeux.
Avez-vous des pistes de réflexion à partager avec nos lecteurs ?
En notre qualité d’observatoire de l’innovation, il nous semble évident que la révolution technologique que représente l’IA va profondément impacter les banques, les assurances, leurs clients, mais aussi l’APCR dans son rôle et sa mission de contrôle. Fort de ce constat, il me semble très important d’accorder une attention toute particulière à la relation entre l’humain et la machine. Si traditionnellement, l’acte commercial, de contrôle et plus généralement la réglementation renvoient à une relation entre deux personnes physiques, nous nous dirigeons vers des schémas nouveaux où la relation va dorénavant s’établir entre l’homme et la machine. Cette réalité soulève de nombreuses questions en matière de transparence, de fiabilité et d’éthique. L’enjeu est ainsi de garder une bonne maîtrise et compréhension de la technologie afin de pouvoir encadrer son action sur le plan réglementaire.