B.connect : la start-up qui s’attaque à la sécurité et à la fluidité des connexions sur internet, sans mot de passe
Créée courant de l’été 2024, la société b.connect a vu le jour dans une logique de capitalisation sur les infrastructures d’authentification forte déployées par les banques, afin de sécuriser non plus uniquement les transactions de paiement par carte, mais toutes les connexions d’accès aux sites marchands sans plus jamais avoir à saisir le moindre mot de passe. Pierre Chassigneux, CEO de b.connect, revient sur la genèse de la société, son positionnement et les chantiers qui vont mobiliser sur le court terme la jeune start-up. Rencontre.
Vous avez rejoint en 2001 le GIE Cartes Bancaires CB et vous êtes aujourd’hui le CEO de la Société b.connect. Quelles ont les grandes étapes de votre parcours ?
J’ai d’abord commencé ma carrière professionnelle en tant qu’ingénieur civil à la Délégation Générale pour l’Armement, puis en tant qu’ingénieur cryptologue au sein de la Direction Centrale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI aujourd’hui). J’ai à la fin des années 90 rejoint la Société Gemplus en tant que Directeur de l’activité Signature électronique, et enfin le Groupement des Cartes Bancaires CB, où j’ai occupé successivement le poste de directeur des risques et de l’audit, et le poste de directeur des projets et d’expertise.
À titre d’information, le Groupement des Cartes Bancaires compte aujourd’hui 75 millions de cartes, plus de 15 milliards de transactions pour un montant total de plus de 600 milliards d’euros, soit environ les deux tiers de la dépense courante des ménages français. C’est un Groupement d’intérêt économique qui définit les modalités de fonctionnement du schéma de paiement par carte CB (physique ou dématérialisée dans une application mobile). Créé en 1984, le système CB n’a cessé de se développer en intégrant les dernières évolutions technologiques et sécuritaires pour le rendre toujours plus ergonomique, performant et sécurisé.
Aujourd’hui, vous êtes CEO de la société b.connect. Pouvez-vous nous présenter cette start-up et le contexte autour de sa création.
Après de nombreuses études techniques, de marché, et une phase pilote menée en 2023, les Directions Générales des 5 plus grands groupes bancaires français (BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Société Générale) ont décidé en décembre dernier de créer la Société b.connect chargée de commercialiser le service d’authentification forte mass market dénommé
b.connect. Notre ambition est de devenir, à côté du service FranceConnect dédié principalement au secteur public, le bouton de connexion préféré des Français pour tous les sites et App Mobile du secteur privé. Le service b.connect sera gratuit pour les utilisateurs et payant pour les enseignes qui intégreront le bouton b.connect sur leur site et application mobile.
Aujourd’hui, personne ne peut se satisfaire de l’utilisation quasi généralisée des logins/passwords ; en effet, au-delà de son manque de fluidité, l’authentification en ligne via de simples logins/passwords offre un très faible niveau de sécurité, vulnérable aux attaques en phishing, et aux keyloggers.
Le point de départ de la création de la start-up b.connect est très simple : il y a plusieurs années, l’augmentation considérable de la fraude des paiements par carte sur internet a poussé le régulateur européen à réagir via l’adoption d’une nouvelle Directive, la Directive sur les services de paiement n° 2. Un des objectifs de cette réglementation était de réduire significativement la fraude des paiements sur internet. Concrètement cela s’est traduit par la généralisation de solutions d’authentification basées sur le protocole 3D Secure. CB a piloté un projet dénommé Fast’r by CB qui a consisté à déployer une infrastructure d’authentification intégrée aux applications de banque en ligne, d’un Directory Server, c’est-à-dire d’une plateforme technologique mettant en relation les clients des e‑commerçants avec leur Banque à des fins d’authentification forte. Chaque e‑commerçant via son prestataire de service de paiement doit activer ce mécanisme d’authentification à chaque transaction de paiement afin de respecter cette directive.
Cette infrastructure d’authentification traite aujourd’hui près de 2 milliards de transactions CB par an, la généralisation de l’authentification pour les paiements par carte CB en ligne a permis en 5 ans de diviser par 3 le taux de fraude.
L’origine du service b.connect est liée à l’idée de réutiliser tout ou partie de cette infrastructure d’authentification pour sécuriser les accès aux services en ligne (check in), en complément de la sécurisation des paiements sur internet (check out). Le service b.connect aura de plus recours à l’intelligence artificielle qui permettra un parcours d’authentification d’une extrême fluidité puisque dans 80 % des cas, l’accès aux services en ligne se fera en un seul clic sur le bouton b.connect.
Quels sont les chantiers et les sujets qui vont vous mobiliser sur le court et moyen termes ?
Le premier chantier est le recrutement des premières grandes enseignes qui intégreront le bouton b.connect sur leurs sites et App Mobile. Le second chantier est la finalisation de la construction de la plateforme digitale b.connect, nous avons fait le choix de partenaires industriels reconnus dans ce domaine (Accenture, Thales, S3NS, et Memority). La plateforme b.connect sera probablement la 1re plateforme B2C à être hébergée sur le Cloud de la société S3NS qui vise dès 2025 la certification Cloud de confiance par l’ANSSI. Enfin, le 3e chantier est celui du Go to Market, avec la préparation, tant sur le plan marketing que communication, du lancement du service dans le courant du 1er trimestre 2025. La création des comptes b.connect des utilisateurs se fera de manière très simple depuis les Applications de Banque en ligne, sans avoir aucune application à télécharger sur son smartphone. Ce seront plus de 40 millions de Français qui pourront ainsi bénéficier du service b.connect dès l’an prochain.
Témoignage : 3 questions à Jean-Luc Thérond, Président du conseil d’administration et DGA de Crédit Agricole Payment Services.
Pouvez-vous nous partager le rationnel stratégique des actionnaires de la société b.connect dont vous êtes le Président du conseil d’administration, ainsi que les principales conditions de succès ?
Comme l’a très bien expliqué Pierre, la démarche a consisté à capitaliser sur les infrastructures de confiance que les banques ont développées dans le cadre de la directive des services de paiement.
Ainsi, pour le titulaire d’un compte b.connect, il s’agira d’un cas d’usage supplémentaire à un geste dont il a désormais l’habitude pour s’authentifier sur sa banque en ligne, authentifier un paiement sur internet ou un virement de compte à compte.
Le modèle économique de b.connect est relativement simple, basé sur la création du cercle vertueux de confiance dans le commerce en ligne, dans un contexte de lutte contre la fraude, avec notamment deux facteurs :
- L’augmentation du taux de transformation grâce à un parcours d’achat plus fluide ;
- L’augmentation du taux d’acquisition de nouveaux clients pour les e‑commerçants grâce à la possibilité de créer en un seul clic un compte client sur n’importe quel site web.
Dans nos premières simulations, ces revenus supplémentaires permettront de compenser le coût du service b.connect qui sera à la charge du commerçant, la création d’un compte b.connect étant par ailleurs gratuit pour les utilisateurs.
Notre objectif est d’intégrer dans les 2 prochaines années le bouton b.connect sur des milliers, voire des dizaines de milliers de sites et applications Mobile. Tous les e‑commerçants quelle que soit leur taille pourront bénéficier de ce nouveau service.
Nous avons prévu dans le business plan de la société la gratuité du service pour les commerçants sur l’année 2025, afin de faciliter l’enrôlement et de confirmer par les chiffres la vertu du modèle.
L’activité de la société b.connect est à la croisée d’enjeux stratégiques : le développement de l’économie numérique, la cybersécurité, la lutte contre la fraude et la confiance numérique. Qu’en est-il concrètement ?
Jamais l’enjeu de souveraineté dans tous les domaines économiques, et en particulier dans le numérique, n’a été aussi fort et mis en avant par tous les acteurs économiques. L’offre de service b.connect s’inscrit parfaitement dans cette impérieuse nécessité de souveraineté numérique et d’indépendance technologique. b.connect est une réponse à l’usurpation d’identité, mais également aux utilisateurs qui sont de plus en plus sensibles à la protection de leurs données personnelles, et enfin à la nécessité de concilier sécurité, fluidité de parcours et simplicité d’usage. C’est en effet à ces seules conditions qu’un nouveau service de ce type pourra rapidement atteindre la taille critique et s’inscrire dans le quotidien des Français. Il est intéressant de noter que d’autres communautés bancaires ont déjà déployé avec succès des solutions d’authentification équivalentes, notamment en Scandinavie.
Vous évoluez dans le secteur des paiements depuis de nombreuses années et aujourd’hui aussi dans le monde de l’identité numérique. Quelles opportunités de carrière ces secteurs peuvent-il offrir à des jeunes ingénieurs ?
Le secteur des paiements et de l’identité numérique sont des domaines passionnants et complexes qui requièrent de fortes compétences, techniques bien sûr, mais aussi dans les domaines marketing, communication, juridique, ainsi qu’une ouverture à l’international.
La digitalisation en cours des systèmes de paiement nécessite des ingénieurs spécialistes en technologies web et mobile, en data analytics, cybersécurité, cryptographie, IA, systèmes d’information. Autant de domaines passionnants pour de jeunes ingénieurs curieux, ayant le goût de l’effort et du travail en équipe.
À ce titre, la France a été précurseur depuis l’invention de la carte à puce.
Ce sont ainsi des dizaines de milliers d’emplois qui gravitent autour de cet écosystème, qui concernent aussi bien le monde industriel (dont la France compte des leaders mondiaux), que les banques, les commerçants, les SSII ainsi que le système CB, qui à lui seul représente près du quart des transactions carte en Europe.