Guillaume Hoddé (X03) : la tête dans les nuages, les pieds sur terre
« Quel spectacle ! quelle admiration ! quelle extase ! un rêve dans un hamac ! », s’exclame l’un des héros de Cinq semaines en ballon lorsque l’aérostat dans lequel il se trouve survole la côte est de l’Afrique. Eh bien, ce « rêve dans un hamac » sera sûrement possible dans quelques années, grâce à l’enthousiasme de Guillaume Hoddé.
Mêlant sa passion pour l’aviation à l’expérience qu’il avait acquise dans le domaine du luxe, Guillaume Hoddé a en effet imaginé un projet fou : concevoir une somptueuse cabine à l’image d’un yacht qui, fixée sous un gigantesque dirigeable, offrira des croisières aériennes au-dessus des plus magnifiques panoramas du globe.
Une vocation précoce
Aîné d’une fratrie de quatre enfants, Guillaume grandit dans l’Ouest parisien. Ses parents sont ingénieurs agronomes – et son père, en outre, se passionne pour l’aviation. Il transmet cet engouement à ses fils, les emmenant tantôt au salon du Bourget, tantôt à bord des petits monomoteurs qu’il pilote durant ses loisirs. Pour Guillaume, cet enthousiasme est contagieux ; il se remémore notamment les rêveries que suscitait, durant son adolescence, la lecture d’un livre qu’un ami de la famille, ingénieur à l’Onera, lui avait offert – il s’intitulait Comment volent les hélicoptères.
Une expérience réussie
Après des classes préparatoires au lycée Chaptal, il redouble sa maths spé à Louis-le-Grand, sur l’insistance bienveillante de ses professeurs, convaincus qu’un surcroît de rigueur lui serait bénéfique. L’avenir leur donna raison. De sa scolarité à Palaiseau, Guillaume retient qu’elle lui insuffla une confiance certaine en ses aptitudes à appréhender des mécanismes complexes. Par exemple, membre du binet Éco-Marathon, il conçut, avec d’autres, le véhicule qui représenta les couleurs de l’École au marathon Shell, alla l’usiner chez Peugeot et en repartit avec le sentiment que ce qui lui était apparu comme un petit bricolage d’étudiants n’était pas si éloigné que cela de la réalité industrielle.
De l’horlogerie à l’aérostation
Quittant le plateau, il hésite entre une carrière « dans le pétrole » et un engagement comme pilote d’hélicoptères de combat, passe finalement une année à HEC et découvre le petit monde du luxe, à l’occasion d’un stage chez Cartier. Établi près de Lausanne pour y suivre son épouse, il parvient ensuite à se faire embaucher chez Piaget, où il s’occupe, entre autres, de la réorganisation de la chaîne de production. Cela nous vaut cette confidence inattendue : « Plus une montre vaut cher, plus il y a de risques qu’elle tombe en panne rapidement – mais ce n’est pas pour sa fiabilité que les gens l’achètent ! »
Au bout de dix ans, un peu lassé des soirées paillettes où il a pu croiser Monica Bellucci ou Zinédine Zidane, il trouve dans l’aérostation une autre source de rêves. « J’avais appris, explique-t-il, que les dirigeables suscitaient un regain d’intérêt pour le transport de marchandises. Me souvenant de quelques films qui ont marqué ma génération – Le Cinquième Élément par exemple, dont l’action se déroule en partie à bord du paquebot spatial Fhloston Paradise – j’ai eu envie de concevoir un dirigeable de croisière. » Et c’est ainsi que la start-up AirYacht voit le jour, en 2020.
Se battre contre le scepticisme
Depuis cette date, l’essentiel de son travail consiste à se battre « contre le scepticisme », comme le lui avait prédit Patrick Lahey, président de Triton Submarines – une entreprise qui fabrique de magnifiques sous-marins pour millionnaires. Trop polluant, l’AirYacht ? « Nullement ! Pour le vol, nous utiliserons de l’hélium ; pour l’énergie nécessaire à la vie à bord, de l’hydrogène ; et nous étudions des douches novatrices permettant de réduire la consommation en eau. » Trop cher ? « Une croisière ne devrait pas coûter beaucoup plus qu’un aller-retour en Concorde, et bien des gens qui n’étaient pas millionnaires ont pu à l’époque concrétiser ce rêve. » Trop mal perçu par les pays qui seraient survolés ? « Au contraire, nous avons déjà des contacts avec des pays d’Afrique qui rencontrent des difficultés à maintenir les routes menant à certains parcs naturels ; y accéder en dirigeable constituerait une alternative intéressante. »
Un rêve qui se concrétise
On le voit, en adepte du speed-riding – cette discipline qui mêle joies du ski et ivresse du parapente –, Guillaume a certes la tête dans les nuages, mais aussi les pieds sur terre. Petit à petit, son rêve prend donc forme et, si tout se passe bien, les premiers croisiéristes-aérostatiers pourront embarquer avant la fin de la décennie.
Ils donneront alors raison à l’écrivain Norbert Lallié (1860−1948), qui annonçait, en 1908 : « On ne voit pas encore les paquebots maritimes remplacés par d’immenses dirigeables transportant, accrochés sous leurs flancs, des milliers de voyageurs, mais le dirigeable est appelé à prendre sa place comme nouveau moyen de tourisme. Les sportsmen fortunés ne tarderont pas à s’offrir le luxe d’un dirigeable. On le construira bientôt de petite dimension, coûtant un prix moins élevé qu’un beau yacht de plaisance ou qu’une automobile un peu confortable. Les personnes avides de sensations éthérées vogueront à loisir dans les hautes régions de l’atmosphère, là où l’air est pur, loin des pâles humains. » En attendant, allez voir le site AirYacht.ch, cela vaut tous les films d’aventure du moment.