Jacques Leclercq (X63) l’homme de l’ère nucléaire

Jacques Leclercq (X63), l’homme de l’ère nucléaire

Dossier : TrajectoiresMagazine N°799 Novembre 2024Par Alain GENEL (X62)

Décé­dé le 17 juin 2024 à l’âge de 81 ans, Jacques Leclercq a connu une réus­site pro­fes­sion­nelle remar­quable dans l’industrie du nucléaire et de l’énergie.

Né à Ligny-en-Bar­rois, Jacques passe son ado­les­cence à Bar-le-Duc où ses parents étaient ins­ti­tu­teurs. Il excelle dans tous les domaines, en mathé­ma­tiques comme en lit­té­ra­ture, en des­sin comme en sports, pra­ti­quant le judo dont il devient cein­ture noire. Jacques Leclercq suit les classes pré­pa­ra­toires au lycée Hen­ri-Poin­ca­ré de Nan­cy et entre à l’X en 1963. Il en sor­ti­ra dans le corps des Ponts et Chaus­sées. Diplô­mé de l’École des langues orien­tales, il par­lait russe cou­ram­ment. Marié à Jea­nine, il aura 3 enfants, Éric, Alexandre dont le décès acci­den­tel à 3 ans fut une ter­rible épreuve, et Aurore.

Il tra­vaille d’abord dans les cabi­nets minis­té­riels entre 1968 et 1974, au minis­tère de la San­té, auprès de Robert Bou­lin dont il était très proche – sa dis­pa­ri­tion tra­gique l’avait beau­coup mar­qué –, au minis­tère des Affaires sociales auprès d’Edgar Faure et au minis­tère des Trans­ports auprès d’Yves Guéna.

Au cœur de l’aventure nucléaire

Ayant par­ti­ci­pé au Comi­té inter­mi­nis­té­riel du 6 mars 1974 où la France déci­da d’engager le pro­gramme nucléaire, il rejoint EDF et dirige la construc­tion des cen­trales nucléaires du Blayais et de Gra­ve­lines, puis devient le patron de l’ensemble du parc nucléaire. C’est l’époque de la grande aven­ture indus­trielle, de l’Ère nucléaire, titre d’un magni­fique ouvrage qu’il rédige avec ses équipes, dif­fu­sé à plus de 50 000 exem­plaires et tra­duit dans plu­sieurs langues.

Après EDF, il rejoint en 1988 le Groupe Bouygues comme direc­teur géné­ral « Éner­gie et Acti­vi­tés nou­velles », puis la CGE, deve­nue Alca­tel-Alsthom : il devient alors PDG de la Com­pa­gnie euro­péenne d’accumulateurs, où il pro­cède à une large restruc­tu­ra­tion de l’activité de bat­te­ries indus­trielles. En 1996, il est nom­mé PDG d’Alcatel Sub­ma­rine Net­works et pré­sident de la divi­sion éner­gie et câbles sous-marins d’Alcatel-Alsthom. En 1997, il est PDG de la socié­té Saft. Il devient ain­si un expert des accu­mu­la­teurs et des câbles sous-marins.

Jacques crée en 2007 le groupe X Nucléaire dont il prend la pré­si­dence, au moment le plus oppor­tun, celui où les pro­grammes ont redé­mar­ré après une longue période de latence. Ce groupe qui a eu beau­coup de suc­cès a orga­ni­sé des débats sur le nucléaire avec tous les acteurs impor­tants de la filière venus du monde entier. Il a éga­le­ment appor­té sa contri­bu­tion à La Jaune et la Rouge en pilo­tant le dos­sier nucléaire paru en mars 2009.

Consultant international

Ayant quit­té l’industrie, il était deve­nu consul­tant inter­na­tio­nal pour les ques­tions de pro­duc­tion et de trans­port d’électricité. Jacques Leclercq était un homme en colère depuis l’abandon de l’ambition nucléaire de la France. Un peu ras­sé­ré­né par l’annonce récente de la relance d’un pro­gramme, il avait encore quelques doutes et deman­dait à voir…

Il par­ti­ci­pait régu­liè­re­ment aux dîners du Siècle, ce lieu de socia­bi­li­té des élites parisiennes.

Ces der­nières années, il a consa­cré beau­coup de temps à ses petits-enfants dont il sui­vait les études et à qui il trans­met­tait son amour du des­sin et de la pein­ture. Pas­sion­né depuis tou­jours d’art et d’architecture, il avait fré­quen­té les Beaux-Arts pen­dant son pas­sage à l’École des ponts et chaus­sées. Par la suite, il s’était éga­le­ment beau­coup impli­qué dans les ques­tions de patri­moine. À ce titre il avait assu­ré la pré­si­dence de la Ligue urbaine et rurale, deve­nue depuis « Patri­moine et Envi­ron­ne­ment ». Plus récem­ment, il s’était lan­cé dans l’écriture d’icônes.

Jacques était un sur­doué, un lea­der qui savait com­bi­ner charme et auto­ri­té pour asseoir son lea­der­ship, un homme de convic­tion dont la réus­site témoigne du bon fonc­tion­ne­ment de l’ascenseur social répu­bli­cain, un homme géné­reux, fidèle en ami­tié, dont la dis­pa­ri­tion laisse à tous une immense tristesse.

Commentaire

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DOMINIQUE VIGNONrépondre
18 novembre 2024 à 19 h 09 min

Que Jacques fût un lea­der, qu’il ait com­bi­né charme et auto­ri­té, c’est indé­niable. Sur­doué, peut-être. Mais il a été extrê­me­ment cli­vant ; je le dis d’au­tant plus aisé­ment que je n’en fus pas la vic­time ; je fais réfé­rence à bien des per­sonnes pleines de qua­li­tés, qui ne sont plus là pour le dire. L’ère nucléaire est un très bel ouvrage ; on ne peut le men­tion­ner sans asso­cier Michel Dürr, notre grand ancien gra­ve­ment bles­sé en sau­tant sur une mine en Indo­chine, qui fut le nègre de cet ouvrage et en ras­sem­bla la remar­quable ico­no­gra­phie (toutes les cen­trales nucléaires de l’é­poque y figure). J’ai été invi­té par X‑nucléaire avant 2007 (je pense vers 1998–1999) peut-être avec une autre déno­mi­na­tion : je ne pense pas que Jacques l’ait créé. Rien dans mes pro­pos ne vise à reti­rer à Jacques Leclercq ses très grandes qualités.

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