Jacques Leclercq (X63), l’homme de l’ère nucléaire
Décédé le 17 juin 2024 à l’âge de 81 ans, Jacques Leclercq a connu une réussite professionnelle remarquable dans l’industrie du nucléaire et de l’énergie.
Né à Ligny-en-Barrois, Jacques passe son adolescence à Bar-le-Duc où ses parents étaient instituteurs. Il excelle dans tous les domaines, en mathématiques comme en littérature, en dessin comme en sports, pratiquant le judo dont il devient ceinture noire. Jacques Leclercq suit les classes préparatoires au lycée Henri-Poincaré de Nancy et entre à l’X en 1963. Il en sortira dans le corps des Ponts et Chaussées. Diplômé de l’École des langues orientales, il parlait russe couramment. Marié à Jeanine, il aura 3 enfants, Éric, Alexandre dont le décès accidentel à 3 ans fut une terrible épreuve, et Aurore.
Il travaille d’abord dans les cabinets ministériels entre 1968 et 1974, au ministère de la Santé, auprès de Robert Boulin dont il était très proche – sa disparition tragique l’avait beaucoup marqué –, au ministère des Affaires sociales auprès d’Edgar Faure et au ministère des Transports auprès d’Yves Guéna.
Au cœur de l’aventure nucléaire
Ayant participé au Comité interministériel du 6 mars 1974 où la France décida d’engager le programme nucléaire, il rejoint EDF et dirige la construction des centrales nucléaires du Blayais et de Gravelines, puis devient le patron de l’ensemble du parc nucléaire. C’est l’époque de la grande aventure industrielle, de l’Ère nucléaire, titre d’un magnifique ouvrage qu’il rédige avec ses équipes, diffusé à plus de 50 000 exemplaires et traduit dans plusieurs langues.
Après EDF, il rejoint en 1988 le Groupe Bouygues comme directeur général « Énergie et Activités nouvelles », puis la CGE, devenue Alcatel-Alsthom : il devient alors PDG de la Compagnie européenne d’accumulateurs, où il procède à une large restructuration de l’activité de batteries industrielles. En 1996, il est nommé PDG d’Alcatel Submarine Networks et président de la division énergie et câbles sous-marins d’Alcatel-Alsthom. En 1997, il est PDG de la société Saft. Il devient ainsi un expert des accumulateurs et des câbles sous-marins.
Jacques crée en 2007 le groupe X Nucléaire dont il prend la présidence, au moment le plus opportun, celui où les programmes ont redémarré après une longue période de latence. Ce groupe qui a eu beaucoup de succès a organisé des débats sur le nucléaire avec tous les acteurs importants de la filière venus du monde entier. Il a également apporté sa contribution à La Jaune et la Rouge en pilotant le dossier nucléaire paru en mars 2009.
Consultant international
Ayant quitté l’industrie, il était devenu consultant international pour les questions de production et de transport d’électricité. Jacques Leclercq était un homme en colère depuis l’abandon de l’ambition nucléaire de la France. Un peu rasséréné par l’annonce récente de la relance d’un programme, il avait encore quelques doutes et demandait à voir…
Il participait régulièrement aux dîners du Siècle, ce lieu de sociabilité des élites parisiennes.
Ces dernières années, il a consacré beaucoup de temps à ses petits-enfants dont il suivait les études et à qui il transmettait son amour du dessin et de la peinture. Passionné depuis toujours d’art et d’architecture, il avait fréquenté les Beaux-Arts pendant son passage à l’École des ponts et chaussées. Par la suite, il s’était également beaucoup impliqué dans les questions de patrimoine. À ce titre il avait assuré la présidence de la Ligue urbaine et rurale, devenue depuis « Patrimoine et Environnement ». Plus récemment, il s’était lancé dans l’écriture d’icônes.
Jacques était un surdoué, un leader qui savait combiner charme et autorité pour asseoir son leadership, un homme de conviction dont la réussite témoigne du bon fonctionnement de l’ascenseur social républicain, un homme généreux, fidèle en amitié, dont la disparition laisse à tous une immense tristesse.
Commentaire
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Que Jacques fût un leader, qu’il ait combiné charme et autorité, c’est indéniable. Surdoué, peut-être. Mais il a été extrêmement clivant ; je le dis d’autant plus aisément que je n’en fus pas la victime ; je fais référence à bien des personnes pleines de qualités, qui ne sont plus là pour le dire. L’ère nucléaire est un très bel ouvrage ; on ne peut le mentionner sans associer Michel Dürr, notre grand ancien gravement blessé en sautant sur une mine en Indochine, qui fut le nègre de cet ouvrage et en rassembla la remarquable iconographie (toutes les centrales nucléaires de l’époque y figure). J’ai été invité par X‑nucléaire avant 2007 (je pense vers 1998–1999) peut-être avec une autre dénomination : je ne pense pas que Jacques l’ait créé. Rien dans mes propos ne vise à retirer à Jacques Leclercq ses très grandes qualités.