L’expert en automobile : un tiers de confiance à la croisée des transitions
Jean Prévost, PDG de BCA Expertise, et Nicolas Baran, Directeur de la maîtrise des résultats techniques, reviennent sur le rôle central de l’expert dans un monde de l’automobile qui doit faire face à des enjeux environnementaux, technologiques, économiques et sociétaux de plus en plus prégnants.
Depuis 70 ans, BCA Expertise est le leader de l’expertise automobile. Comment votre positionnement a‑t-il évolué au cours des dernières décennies ?
Dans le domaine de l’expertise automobile, BCA Expertise est leader avec plus de 30 % de parts de marché depuis plus d’une décennie. Nous opérons dans un domaine réglementé placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Concrètement, en cas de sinistres, l’expert est mandaté par une compagnie d’assurance pour trouver la meilleure solution pour l’assureur et l’assuré, mais aussi pour l’écosystème de l’après-vente automobile (réparateurs, épavistes…) dans une logique la plus économique possible.
Aujourd’hui, si le système de constat amiable fonctionne bien en France, ce qui est, d’ailleurs, une exception en Europe, c’est notamment parce que l’ensemble de cet écosystème reconnaît la qualité de tiers de confiance des experts.
BCA Expertise emploie aujourd’hui 1 500 personnes, dont plus de 650 experts et 450 conseillers en charge de la relation client et du suivi des dossiers. Nous avons aussi parmi nos effectifs plus de 60 techniciens, ainsi que près de 200 personnes dédiées aux fonctions support de l’entreprise. Fort de 88 implantations en France métropolitaine et outre-mer, BCA Expertise réalise en moyenne plus d’un million d’expertises chaque année.
Concrètement, quel est le rôle de l’expert ?
Entreprise indépendante, BCA Expertise exerce une mission indispensable et reconnue d’intérêt général et d’utilité publique qui nous engage. En ce sens, nous avons un rôle de tiers
de confiance dans l’écosystème de l’après-vente. L’expert en automobile est un professionnel du véhicule dont les compétences techniques lui permettent d’en évaluer précisément l’état, notamment après un accident de la route, d’en déceler les défauts, d’en apprécier la valeur et d’évaluer le coût de remise en état. Nous jouons un rôle économique et social, dont le principal enjeu est de trouver le
juste prix. Dans le contexte économique actuel, il s’agit d’une question de pouvoir d’achat alors que le coût des réparations représente en général 70 % de la prime d’assurance automobile. Ainsi, la mission de l’expert concourt à garantir une assurabilité accessible.
Le métier d’expert en automobile est une profession réglementée qui s’appuie sur une très forte déontologie que nous encadrons particulièrement au sein de notre entreprise. Acteur majeur dans le cadre de la sécurité routière, l’expert contribue à rendre le parc automobile français plus sûr. Il intervient dans la procédure relative aux véhicules gravement endommagés et retire temporairement de la circulation les véhicules qui présentent un danger immédiat pour la sécurité routière.
« L’expert a également dorénavant un rôle environnemental. »
L’expert a également dorénavant un rôle environnemental. Il contribue au développement d’une mobilité durable et est fortement impliqué dans les questions relatives à la décarbonation des filières automobiles. Au-delà, les experts contribuent aussi à la promotion des méthodologies de réparation les plus pertinentes. Il s’agit, par exemple, de réparer des pièces au lieu de les remplacer, une approche plus vertueuse sur le plan économique et environnemental. Aujourd’hui, plus de 45 % des pièces sont ainsi réparées au lieu d’être remplacées et lorsque leur remplacement est inévitable, l’utilisation de pièces issues de l’Économie Circulaire est préconisée en accord avec le propriétaire du véhicule et le réparateur. Ce phénomène contribue à la structuration et à la professionnalisation d’une filière d’économie circulaire autour de la réparation des véhicules sinistrés.
En parallèle, BCA Expertise se réinvente aussi afin de réduire son impact environnemental. Nous rationalisons les déplacements dans une logique de réduction de l’empreinte carbone de notre entreprise. Cela passe notamment par le recours à l’expertise à distance à chaque fois que cela est possible, avec aujourd’hui un taux qui avoisine 45 % contre 36 % avant la pandémie.
Enfin, l’expert a aussi un rôle d’accompagnement des automobilistes. Sur un marché automobile qui a considérablement évolué et qui poursuit sa transformation avec la prochaine généralisation des motorisations hybrides et électriques, l’automobiliste a besoin d’être accompagné afin d’appréhender ces évolutions et d’adapter, in fine, sa mobilité. Quand un véhicule n’est pas réparable et qu’il est préférable d’être indemnisé par l’assureur, l’expert accompagne aussi l’automobiliste dans la régularisation administrative de la situation, mais l’aide aussi à se projeter sur le marché afin de se positionner sur le véhicule le plus adapté à ses besoins.
L’expert contribue ainsi à une mobilité sûre, accessible et durable.
Passage du thermique à l’électrique, développement d’une mobilité plus verte, réduction des émissions de CO2 et décarbonation, véhicules connectés… sont autant d’enjeux qui mobilisent l’ensemble de la filière automobile. Comment BCA Expertise appréhende ces différentes dimensions ?
Nous n’appréhendons pas uniquement ces évolutions comme des risques, mais également et surtout comme des opportunités à exploiter. Le passage à l’électrique va profondément impacter l’écosystème de l’après-vente automobile. Cela implique des investissements significatifs, la formation et l’habilitation des réparateurs… Côté expertise, il nous faut organiser la formation et la professionnalisation des experts.
Pour maximiser les réparations et réduire le temps d’immobilisation des véhicules, il y a, par ailleurs, un enjeu de partage des bonnes pratiques et méthodologies de réparation au sein de l’écosystème. Depuis maintenant 70 ans, BCA Expertise contribue à développer cette approche de partage et de mutualisation de pratiques et des retours d’expérience au bénéfice de l’ensemble des parties prenantes, notamment les compagnies d’assurances et les assurés. C’est un travail que nous menons de manière coordonnée avec de nombreuses parties prenantes de la filière de l’après-vente automobile. On peut notamment citer Mobilians, la Fédération Française de Carrosserie Industrie et Services (FFC), la Fédération Nationale de l’Automobile (FNA), ainsi que la Fédération des Réseaux de Carrossiers Indépendants (FRCI)…
Comme précédemment évoqué, BCA Expertise est aussi fortement engagé et mobilisé sur les sujets relatifs à la décarbonation. Nous participons notamment à la production d’un livre blanc sur ce sujet en collaboration avec les assureurs. Nous travaillons actuellement sur l’élaboration d’un « écoloscore » afin d’évaluer et voir comment la réparation contribue aux efforts de décarbonation de la filière.
Enfin, nous commençons à travailler sur le véhicule connecté et autonome et contribuons à de nombreuses réflexions autour des nouveaux risques, notamment cyber, qu’il va nous falloir appréhender de plus en plus.
Et dans ce cadre, quelle est la place de l’innovation dans votre modèle ?
Avec plus d’un million d’expertises réalisées chaque année, BCA Expertise dispose d’un important volume de données que nous cherchons à valoriser dans une logique « Data Company », de BI et d’optimisation du pilotage de notre activité.
Nous sommes en veille permanente afin d’anticiper les transitions de la mobilité. Nous avons ainsi été les premiers à alerter sur l’explosion de la valeur des véhicules d’occasion grâce aux interventions de nos experts sur le terrain.
Sur un plan plus opérationnel, nous capitalisons sur l’IA pour proposer des services d’« expertise augmentée » alors que la digitalisation nous permet de fluidifier considérablement nos interventions et nos relations avec nos parties prenantes.
Nous avons ainsi développé une IA en interne qui assiste l’expert dans ses missions. L’IA va, par exemple, proposer un premier chiffrage, aller sourcer les pièces issues des filières de l’économie circulaire… Pensée par des experts pour des experts, notre IA a aussi la possibilité de détecter les véhicules dangereux, de déterminer si le véhicule est réparable… Autant d’éléments qui vont ensuite être examinés par l’expert et qui vont contribuer à optimiser la prise de décision en lien avec le réparateur et les assurances, à fluidifier l’ensemble des démarches.
Nous proposons par ailleurs des services de prédiction « intelligents » aux assureurs et sommes en voie de leur proposer des solutions de chiffrages sous certaines conditions.
Comment vous projetez-vous sur le marché aujourd’hui ?
Notre ambition est bien évidemment de conserver notre position de leader sur le marché de l’expertise automobile. Cela implique de renforcer notre positionnement historique en lien avec nos partenaires et nos parties prenantes, d’être en mesure de proposer de nouveaux services ancrés dans les besoins de l’écosystème et qui intègrent les nouvelles technologies afin d’élargir nos horizons.