l'expert en automobile

L’expert en automobile : un tiers de confiance à la croisée des transitions

Dossier : Vie des entreprises - Souveraineté industrielleMagazine N°799 Novembre 2024
Par Jean PRÉVOST
Par Nicolas BARAN

Jean Pré­vost, PDG de BCA Exper­tise, et Nico­las Baran, Direc­teur de la maî­trise des résul­tats tech­niques, reviennent sur le rôle cen­tral de l’expert dans un monde de l’automobile qui doit faire face à des enjeux envi­ron­ne­men­taux, tech­no­lo­giques, éco­no­miques et socié­taux de plus en plus prégnants.

Depuis 70 ans, BCA Expertise est le leader de l’expertise automobile. Comment votre positionnement a‑t-il évolué au cours des dernières décennies ?

Dans le domaine de l’expertise auto­mo­bile, BCA Exper­tise est lea­der avec plus de 30 % de parts de mar­ché depuis plus d’une décen­nie. Nous opé­rons dans un domaine régle­men­té pla­cé sous la tutelle du minis­tère de l’Intérieur. Concrè­te­ment, en cas de sinistres, l’expert est man­da­té par une com­pa­gnie d’assurance pour trou­ver la meilleure solu­tion pour l’assureur et l’assuré, mais aus­si pour l’écosystème de l’après-vente auto­mo­bile (répa­ra­teurs, épa­vistes…) dans une logique la plus éco­no­mique possible.

Aujourd’hui, si le sys­tème de constat amiable fonc­tionne bien en France, ce qui est, d’ailleurs, une excep­tion en Europe, c’est notam­ment parce que l’ensemble de cet éco­sys­tème recon­naît la qua­li­té de tiers de confiance des experts.

BCA Exper­tise emploie aujourd’hui 1 500 per­sonnes, dont plus de 650 experts et 450 conseillers en charge de la rela­tion client et du sui­vi des dos­siers. Nous avons aus­si par­mi nos effec­tifs plus de 60 tech­ni­ciens, ain­si que près de 200 per­sonnes dédiées aux fonc­tions sup­port de l’entreprise. Fort de 88 implan­ta­tions en France métro­po­li­taine et outre-mer, BCA Exper­tise réa­lise en moyenne plus d’un mil­lion d’expertises chaque année.

Concrètement, quel est le rôle de l’expert ?

Entre­prise indé­pen­dante, BCA Exper­tise exerce une mis­sion indis­pen­sable et recon­nue d’intérêt géné­ral et d’utilité publique qui nous engage. En ce sens, nous avons un rôle de tiers

de confiance dans l’écosystème de l’après-vente. L’expert en auto­mo­bile est un pro­fes­sion­nel du véhi­cule dont les com­pé­tences tech­niques lui per­mettent d’en éva­luer pré­ci­sé­ment l’état, notam­ment après un acci­dent de la route, d’en déce­ler les défauts, d’en appré­cier la valeur et d’évaluer le coût de remise en état. Nous jouons un rôle éco­no­mique et social, dont le prin­ci­pal enjeu est de trou­ver le

juste prix. Dans le contexte éco­no­mique actuel, il s’agit d’une ques­tion de pou­voir d’achat alors que le coût des répa­ra­tions repré­sente en géné­ral 70 % de la prime d’assurance auto­mo­bile. Ain­si, la mis­sion de l’expert concourt à garan­tir une assu­ra­bi­li­té accessible.

Le métier d’expert en auto­mo­bile est une pro­fes­sion régle­men­tée qui s’appuie sur une très forte déon­to­lo­gie que nous enca­drons par­ti­cu­liè­re­ment au sein de notre entre­prise. Acteur majeur dans le cadre de la sécu­ri­té rou­tière, l’expert contri­bue à rendre le parc auto­mo­bile fran­çais plus sûr. Il inter­vient dans la pro­cé­dure rela­tive aux véhi­cules gra­ve­ment endom­ma­gés et retire tem­po­rai­re­ment de la cir­cu­la­tion les véhi­cules qui pré­sentent un dan­ger immé­diat pour la sécu­ri­té routière.

« L’expert a également dorénavant un rôle environnemental. »

L’expert a éga­le­ment doré­na­vant un rôle envi­ron­ne­men­tal. Il contri­bue au déve­lop­pe­ment d’une mobi­li­té durable et est for­te­ment impli­qué dans les ques­tions rela­tives à la décar­bo­na­tion des filières auto­mo­biles. Au-delà, les experts contri­buent aus­si à la pro­mo­tion des métho­do­lo­gies de répa­ra­tion les plus per­ti­nentes. Il s’agit, par exemple, de répa­rer des pièces au lieu de les rem­pla­cer, une approche plus ver­tueuse sur le plan éco­no­mique et envi­ron­ne­men­tal. Aujourd’hui, plus de 45 % des pièces sont ain­si répa­rées au lieu d’être rem­pla­cées et lorsque leur rem­pla­ce­ment est inévi­table, l’utilisation de pièces issues de l’Économie Cir­cu­laire est pré­co­ni­sée en accord avec le pro­prié­taire du véhi­cule et le répa­ra­teur. Ce phé­no­mène contri­bue à la struc­tu­ra­tion et à la pro­fes­sion­na­li­sa­tion d’une filière d’économie cir­cu­laire autour de la répa­ra­tion des véhi­cules sinistrés.

En paral­lèle, BCA Exper­tise se réin­vente aus­si afin de réduire son impact envi­ron­ne­men­tal. Nous ratio­na­li­sons les dépla­ce­ments dans une logique de réduc­tion de l’empreinte car­bone de notre entre­prise. Cela passe notam­ment par le recours à l’expertise à dis­tance à chaque fois que cela est pos­sible, avec aujourd’hui un taux qui avoi­sine 45 % contre 36 % avant la pandémie.

Enfin, l’expert a aus­si un rôle d’accompagnement des auto­mo­bi­listes. Sur un mar­ché auto­mo­bile qui a consi­dé­ra­ble­ment évo­lué et qui pour­suit sa trans­for­ma­tion avec la pro­chaine géné­ra­li­sa­tion des moto­ri­sa­tions hybrides et élec­triques, l’automobiliste a besoin d’être accom­pa­gné afin d’appréhender ces évo­lu­tions et d’adapter, in fine, sa mobi­li­té. Quand un véhi­cule n’est pas répa­rable et qu’il est pré­fé­rable d’être indem­ni­sé par l’assureur, l’expert accom­pagne aus­si l’automobiliste dans la régu­la­ri­sa­tion admi­nis­tra­tive de la situa­tion, mais l’aide aus­si à se pro­je­ter sur le mar­ché afin de se posi­tion­ner sur le véhi­cule le plus adap­té à ses besoins.

L’expert contri­bue ain­si à une mobi­li­té sûre, acces­sible et durable.

Passage du thermique à l’électrique, développement d’une mobilité plus verte, réduction des émissions de CO2 et décarbonation, véhicules connectés… sont autant d’enjeux qui mobilisent l’ensemble de la filière automobile. Comment BCA Expertise appréhende ces différentes dimensions ?

Nous n’appréhendons pas uni­que­ment ces évo­lu­tions comme des risques, mais éga­le­ment et sur­tout comme des oppor­tu­ni­tés à exploi­ter. Le pas­sage à l’électrique va pro­fon­dé­ment impac­ter l’écosystème de l’après-vente auto­mo­bile. Cela implique des inves­tis­se­ments signi­fi­ca­tifs, la for­ma­tion et l’habilitation des répa­ra­teurs… Côté exper­tise, il nous faut orga­ni­ser la for­ma­tion et la pro­fes­sion­na­li­sa­tion des experts.

Pour maxi­mi­ser les répa­ra­tions et réduire le temps d’immobilisation des véhi­cules, il y a, par ailleurs, un enjeu de par­tage des bonnes pra­tiques et métho­do­lo­gies de répa­ra­tion au sein de l’écosystème. Depuis main­te­nant 70 ans, BCA Exper­tise contri­bue à déve­lop­per cette approche de par­tage et de mutua­li­sa­tion de pra­tiques et des retours d’expérience au béné­fice de l’ensemble des par­ties pre­nantes, notam­ment les com­pa­gnies d’assurances et les assu­rés. C’est un tra­vail que nous menons de manière coor­don­née avec de nom­breuses par­ties pre­nantes de la filière de l’après-vente auto­mo­bile. On peut notam­ment citer Mobi­lians, la Fédé­ra­tion Fran­çaise de Car­ros­se­rie Indus­trie et Ser­vices (FFC), la Fédé­ra­tion Natio­nale de l’Automobile (FNA), ain­si que la Fédé­ra­tion des Réseaux de Car­ros­siers Indé­pen­dants (FRCI)…

Comme pré­cé­dem­ment évo­qué, BCA Exper­tise est aus­si for­te­ment enga­gé et mobi­li­sé sur les sujets rela­tifs à la décar­bo­na­tion. Nous par­ti­ci­pons notam­ment à la pro­duc­tion d’un livre blanc sur ce sujet en col­la­bo­ra­tion avec les assu­reurs. Nous tra­vaillons actuel­le­ment sur l’élaboration d’un « éco­los­core » afin d’évaluer et voir com­ment la répa­ra­tion contri­bue aux efforts de décar­bo­na­tion de la filière.

Enfin, nous com­men­çons à tra­vailler sur le véhi­cule connec­té et auto­nome et contri­buons à de nom­breuses réflexions autour des nou­veaux risques, notam­ment cyber, qu’il va nous fal­loir appré­hen­der de plus en plus.

Et dans ce cadre, quelle est la place de l’innovation dans votre modèle ?

Avec plus d’un mil­lion d’expertises réa­li­sées chaque année, BCA Exper­tise dis­pose d’un impor­tant volume de don­nées que nous cher­chons à valo­ri­ser dans une logique « Data Com­pa­ny », de BI et d’optimisation du pilo­tage de notre activité.

Nous sommes en veille per­ma­nente afin d’anticiper les tran­si­tions de la mobi­li­té. Nous avons ain­si été les pre­miers à aler­ter sur l’explosion de la valeur des véhi­cules d’occasion grâce aux inter­ven­tions de nos experts sur le terrain.

Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, nous capi­ta­li­sons sur l’IA pour pro­po­ser des ser­vices d’« exper­tise aug­men­tée » alors que la digi­ta­li­sa­tion nous per­met de flui­di­fier consi­dé­ra­ble­ment nos inter­ven­tions et nos rela­tions avec nos par­ties prenantes.

Nous avons ain­si déve­lop­pé une IA en interne qui assiste l’expert dans ses mis­sions. L’IA va, par exemple, pro­po­ser un pre­mier chif­frage, aller sour­cer les pièces issues des filières de l’économie cir­cu­laire… Pen­sée par des experts pour des experts, notre IA a aus­si la pos­si­bi­li­té de détec­ter les véhi­cules dan­ge­reux, de déter­mi­ner si le véhi­cule est répa­rable… Autant d’éléments qui vont ensuite être exa­mi­nés par l’expert et qui vont contri­buer à opti­mi­ser la prise de déci­sion en lien avec le répa­ra­teur et les assu­rances, à flui­di­fier l’ensemble des démarches.

Nous pro­po­sons par ailleurs des ser­vices de pré­dic­tion « intel­li­gents » aux assu­reurs et sommes en voie de leur pro­po­ser des solu­tions de chif­frages sous cer­taines conditions.

Comment vous projetez-vous sur le marché aujourd’hui ?

Notre ambi­tion est bien évi­dem­ment de conser­ver notre posi­tion de lea­der sur le mar­ché de l’expertise auto­mo­bile. Cela implique de ren­for­cer notre posi­tion­ne­ment his­to­rique en lien avec nos par­te­naires et nos par­ties pre­nantes, d’être en mesure de pro­po­ser de nou­veaux ser­vices ancrés dans les besoins de l’écosystème et qui intègrent les nou­velles tech­no­lo­gies afin d’élargir nos horizons.

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