La zone industrielle de Blanquefort s’ouvre aux opportunités de développement dans l’industrie de la décarbonation. © JB Mengès - Bordeaux Métropole

Bordeaux Métropole, des actions concrètes à la croisée de la réindustrialisation et des transitions

Dossier : Vie des entreprises - Souveraineté industrielleMagazine N°799 Novembre 2024
Par Stéphane PEYRICHOU

Dans le cadre de son déve­lop­pe­ment éco­no­mique, Bor­deaux Métro­pole a fait le choix de miser sur l’industrie pour créer de la valeur, des emplois, mais aus­si contri­buer à la tran­si­tion de son ter­ri­toire. Sté­phane Pey­ri­chou, direc­teur géné­ral du déve­lop­pe­ment éco­no­mique chez Bor­deaux Métro­pole, nous en dit plus.

Présentez-nous Bordeaux Métropole. 

Bor­deaux Métro­pole est un éta­blis­se­ment public de coopé­ra­tion inter­com­mu­nale. Au ser­vice des 28 com­munes qui la com­posent, pour ses plus de 830 000 habi­tants, elle inves­tit pour le futur en amé­na­geant et trans­for­mant dura­ble­ment le ter­ri­toire et elle agit au quo­ti­dien pour le faire vivre. Ses actions couvrent ain­si diverses dimen­sions dont la mobi­li­té, l’eau, la voi­rie, le déve­lop­pe­ment éco­no­mique, l’habitat ou encore la tran­si­tion éco­lo­gique… Bor­deaux Métro­pole dis­pose d’un bud­get de 2 mil­liards d’euros par an et emploie 6 000 agents.

Quelles sont les politiques prioritaires de la Métropole de Bordeaux ? 

La métro­pole de Bor­deaux axe son inter­ven­tion sur 3 com­pé­tences majeures : la mobi­li­té, l’habitat et le déve­lop­pe­ment éco­no­mique. Elle a la par­ti­cu­la­ri­té d’être un ter­ri­toire extrê­me­ment dyna­mique. Elle croît de 10 000 habi­tants chaque année, avec une crois­sance éco­no­mique qui se cale sur cette ten­dance. Selon nos études pros­pec­tives, cette aug­men­ta­tion de popu­la­tion devrait se pour­suivre sur les dix pro­chaines années. Pour que la qua­li­té de vie reste à niveau, la métro­pole consacre plus de 50 % de ses inves­tis­se­ments à la mobi­li­té. Sa stra­té­gie est de réduire le taux d’utilisation des voi­tures en offrant tou­jours plus d’alternatives.

“La métropole de Bordeaux axe son intervention sur 3 compétences majeures : la mobilité, l’habitat et le développement économique.”

La métro­pole a aus­si pour objec­tif de déve­lop­per de l’offre en habi­tat pour toutes les caté­go­ries de popu­la­tion. Elle aura à pro­po­ser envi­ron 50 000 nou­veaux loge­ments dans les 10 pro­chaines années. Enfin, son troi­sième axe prio­ri­taire concerne le déve­lop­pe­ment éco­no­mique. La métro­pole offre à ce jour 6 emplois pour 10 habi­tants. Ce ratio-là devra être tenu mal­gré l’arrivée pré­vue de nou­velles popu­la­tions. Ces axes prio­ri­taires, comme l’ensemble des poli­tiques métro­po­li­taines, recoupent une der­nière poli­tique prio­ri­taire et trans­ver­sale : la tran­si­tion éco­lo­gique du ter­ri­toire. L’ambition est de deve­nir un ter­ri­toire bas car­bone à éner­gie posi­tive d’ici 2050.

Comment appréhendez-vous la question du développement économique ? 

C’est avant tout une ques­tion de col­lec­tif. Ce sont les entre­prises qui inves­tissent, prennent des risques et créent de l’emploi. Ne l’oublions jamais. À leurs côtés, plus d’une cen­taine d’acteurs par­ti­cipent à la créa­tion d’un ter­reau fer­tile pour favo­ri­ser leur déve­lop­pe­ment. La Région en est le chef de file. La métro­pole est un autre de ses acteurs, avec un rôle cen­tral sur le fon­cier, l’immobilier éco­no­mique et l’aménagement éco­no­mique. En la matière, la stra­té­gie de la métro­pole a pris la forme d’une feuille de route stra­té­gique votée fin 2021. Ce docu­ment stra­té­gique s’articule essen­tiel­le­ment autour de trois dimen­sions fortes : déve­lop­pe­ment, tran­si­tion et équi­libre. L’enjeu est ain­si d’avoir un déve­lop­pe­ment, assu­mé poli­ti­que­ment, mais en cohé­rence avec les tran­si­tions en cours, tout en garan­tis­sant un cer­tain équi­libre des richesses sur l’ensemble des ter­ri­toires métropolitains.

Sur notre ter­ri­toire, le déve­lop­pe­ment sera doré­na­vant choi­si en fonc­tion de thé­ma­tiques qui auront été défi­nies comme prio­ri­taires sur notre ter­ri­toire. C’est notam­ment le cas de l’aéronautique, la san­té, l’industrie des tran­si­tions comme le déve­lop­pe­ment de l’hydrogène ou le bois, l’économie cir­cu­laire, l’alimentaire local, l’économie sociale et soli­daire, et dans une moindre mesure le tertiaire.

L’industrie coche beau­coup de cases inté­res­santes pour notre ter­ri­toire. Elle est déjà sous-repré­sen­tée en com­pa­rai­son à d’autres grandes métro­poles. Elle ne repré­sente que 3,9 % de nos entre­prises. Elle est pour­tant vec­trice d’emplois et pèse 10 % de nos emplois. Elle est créa­trice de richesses, 20 % de la valeur ajou­tée du ter­ri­toire. Et enfin, elle repré­sente de très impor­tants gise­ments de décar­bo­na­tion. Dans cette conti­nui­té, la réin­dus­tria­li­sa­tion est deve­nue un axe majeur du développement.

Comment cela se traduit-il concrètement sur le territoire métropolitain ?

350 actions sont pro­gram­mées dans notre feuille de route. Nous allons ain­si inter­ve­nir en pre­mier lieu sur le « hard », le déve­lop­pe­ment de l’immobilier éco­no­mique, sus­cep­tible d’accueillir de nou­veaux emplois sur nos thé­ma­tiques prio­ri­taires. Le patri­moine glo­bal de l’immobilier éco­no­mique sur le ter­ri­toire s’établit à 10 mil­lions de m2. 2 mil­lions de m2 sup­plé­men­taires pour­raient être déployés d’ici 10 ans. Pour ce faire, nous pilo­tons cer­tains pro­jets en régie directe, nous confions des réa­li­sa­tions aux opé­ra­teurs pri­vés sur des fon­ciers dont nous avons la maî­trise, ou plus sim­ple­ment nous déve­lop­pons de l’urbanisme négo­cié avec les investisseurs. 

Sur l’industrie, nous inter­ve­nons en tant qu’aménageur autour de l’aéroport. Nous déployons des oppor­tu­ni­tés fon­cières pour que les entre­prises indus­trielles du sec­teur se déve­loppent. Les résul­tats sont déjà très satis­fai­sants, 14 000 nou­veaux emplois ont déjà été accueillis, et les oppor­tu­ni­tés de déve­lop­pe­ment sont encore très pré­sentes. 400 mil­lions d’euros ont été flé­chés par la métro­pole pour déve­lop­per cette zone aéro­por­tuaire depuis 2015.

« Nous allons intervenir en premier lieu sur le développement de l’immobilier économique, susceptible d’accueillir de nouveaux emplois sur nos thématiques prioritaires. »

Nous inter­ve­nons éga­le­ment sur l’industrie des tran­si­tions et le déve­lop­pe­ment de l’hydrogène en nous appuyant sur une friche indus­trielle de 62 ha située à Blan­que­fort, com­po­sée de 12 ha appar­te­nant à Bor­deaux Métro­pole et des 50 ha de l’ancienne usine Ford sous pro­messe avec un opé­ra­teur pri­vé. Nous venons d’accueillir l’entreprise HDF (Hydro­gène de France) sur l’emprise appar­te­nant à Bor­deaux Métro­pole. Cette énorme usine de fabri­ca­tion de piles à com­bus­tible sera notre prin­ci­pal élé­ment attrac­teur. Sur la friche, 250 000 m2 d’immobilier éco­no­mique sor­ti­ront de terre, dès 2026, dans le cadre d’un par­te­na­riat négo­cié entre la métro­pole et cet opé­ra­teur. Nous y atten­drons près de 3 000 sala­riés. Sur le sec­teur de la san­té, nous sommes en attente d’acquisition d’un ancien hôpi­tal pour y déployer un éco­sys­tème éco­no­mique industriel.

Nous allons éga­le­ment inter­ve­nir sur l’image du ter­ri­toire. Nos cibles sont les entre­pre­neurs et sala­riés endo­gènes, puis exo­gènes. Concrè­te­ment, nous avons tra­vaillé sur l’obtention de labels, dis­po­si­tifs et méca­nismes natio­naux, pour avoir une recon­nais­sance, une visi­bi­li­té voire des aides finan­cières de niveau natio­nal. Nous sommes depuis cette année label­li­sés Ter­ri­toire d’industrie et avons été rete­nus sur le dis­po­si­tif ZIBAC (zones indus­trielles bas car­bone)… Nous déployons éga­le­ment une stra­té­gie de com­mu­ni­ca­tion ciblée autour des valeurs de notre ter­ri­toire et de sa qua­li­té de vie.

Qu’en est-il de la question de la décarbonation ? 

Notre objec­tif est d’arriver à la métro­pole à éner­gie posi­tive en 2050. Nous nous posi­tion­nons en appui des entre­prises pour accé­lé­rer le pro­ces­sus déjà en cours. Nous avons déployé ain­si des actions d’accompagnement en ingé­nie­rie. Nous avons pilo­té des réponses col­lec­tives à des appels à pro­jets natio­naux de tran­si­tion avec les entre­prises. Nous avons créé des parcs d’activités thé­ma­ti­sés sur la tran­si­tion comme Inno­ga­ronne cité des tran­si­tions, Woo­drise val­ley pôle indus­triel du bois, pré­vu en 2027, ou Ikos en éco­no­mie cir­cu­laire, pré­vu en 2026. Nous avons ren­for­cé les contraintes sur nos finan­ce­ments au tra­vers de cri­tères d’éco-conditionnalités. Nous avons choi­si éga­le­ment d’investir nous-mêmes en lan­çant un plan de déve­lop­pe­ment de pho­to­vol­taïques. Et enfin, nous déploie­rons début 2025 des mesures d’incitation fis­cale sous forme d’aides à la tran­si­tion pour les entre­prises autour du trans­port, du bâti et de l’équipement.

Quelle place accordez-vous à l’innovation ?

Là aus­si, nous sou­hai­tons pri­vi­lé­gier une inno­va­tion choi­sie qui doit nous aider à accroître les tran­si­tions, à réduire les vul­né­ra­bi­li­tés, à déve­lop­per des modèles plus sociaux. Tout comme pour la décar­bo­na­tion, la métro­pole se posi­tionne en appui des entre­prises et déploie des actions pour démul­ti­plier les effets. On peut notam­ment citer le déve­lop­pe­ment de pro­jets immo­bi­liers comme la cité numé­rique, les aides appor­tées à l’enseignement supé­rieur, l’appui à la créa­tion d’une French Tech dyna­mique, le déve­lop­pe­ment d’incubateurs sur le ter­ri­toire. Dans le domaine de l’économie sociale et soli­daire, la métro­pole regorge de talents qui cherchent à faire bou­ger les lignes et déve­lop­per une autre manière de développer.

Dans cette démarche globale, quels sont vos enjeux et les freins qu’il vous faut encore lever ? 

La stra­té­gie de déve­lop­pe­ment éco­no­mique d’un ter­ri­toire s’inscrit mal­gré tout sur du moyen et long terme. Face à une éco­no­mie très fluc­tuante, l’enjeu est de réus­sir à main­te­nir le cap, tout en s’autorisant des écarts en fonc­tion de l’évolution du contexte économique.

L’autre enjeu consiste à accom­pa­gner les entre­pre­neurs. Il nous faut gar­der le lien, écou­ter et pen­ser notre ter­ri­toire comme une entreprise.

Notre der­nier enjeu est de réus­sir à créer du concret. Cela demande de sim­pli­fier l’action publique pour appor­ter plus d’efficacité à nos entre­pre­neurs. Nous vivons tous les jours avec la com­plexi­té des règles de notre pays. Les entre­pre­neurs sont peut-être moins rom­pus à ce genre d’exercice. Pour être des appuis per­ti­nents et effi­cients, nous devons deve­nir des appor­teurs de solu­tions et accep­ter de rai­son­ner en risque et non plus en gar­dien de règles.

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