Bordeaux Métropole, des actions concrètes à la croisée de la réindustrialisation et des transitions
Dans le cadre de son développement économique, Bordeaux Métropole a fait le choix de miser sur l’industrie pour créer de la valeur, des emplois, mais aussi contribuer à la transition de son territoire. Stéphane Peyrichou, directeur général du développement économique chez Bordeaux Métropole, nous en dit plus.
Présentez-nous Bordeaux Métropole.
Bordeaux Métropole est un établissement public de coopération intercommunale. Au service des 28 communes qui la composent, pour ses plus de 830 000 habitants, elle investit pour le futur en aménageant et transformant durablement le territoire et elle agit au quotidien pour le faire vivre. Ses actions couvrent ainsi diverses dimensions dont la mobilité, l’eau, la voirie, le développement économique, l’habitat ou encore la transition écologique… Bordeaux Métropole dispose d’un budget de 2 milliards d’euros par an et emploie 6 000 agents.
Quelles sont les politiques prioritaires de la Métropole de Bordeaux ?
La métropole de Bordeaux axe son intervention sur 3 compétences majeures : la mobilité, l’habitat et le développement économique. Elle a la particularité d’être un territoire extrêmement dynamique. Elle croît de 10 000 habitants chaque année, avec une croissance économique qui se cale sur cette tendance. Selon nos études prospectives, cette augmentation de population devrait se poursuivre sur les dix prochaines années. Pour que la qualité de vie reste à niveau, la métropole consacre plus de 50 % de ses investissements à la mobilité. Sa stratégie est de réduire le taux d’utilisation des voitures en offrant toujours plus d’alternatives.
“La métropole de Bordeaux axe son intervention sur 3 compétences majeures : la mobilité, l’habitat et le développement économique.”
La métropole a aussi pour objectif de développer de l’offre en habitat pour toutes les catégories de population. Elle aura à proposer environ 50 000 nouveaux logements dans les 10 prochaines années. Enfin, son troisième axe prioritaire concerne le développement économique. La métropole offre à ce jour 6 emplois pour 10 habitants. Ce ratio-là devra être tenu malgré l’arrivée prévue de nouvelles populations. Ces axes prioritaires, comme l’ensemble des politiques métropolitaines, recoupent une dernière politique prioritaire et transversale : la transition écologique du territoire. L’ambition est de devenir un territoire bas carbone à énergie positive d’ici 2050.
Comment appréhendez-vous la question du développement économique ?
C’est avant tout une question de collectif. Ce sont les entreprises qui investissent, prennent des risques et créent de l’emploi. Ne l’oublions jamais. À leurs côtés, plus d’une centaine d’acteurs participent à la création d’un terreau fertile pour favoriser leur développement. La Région en est le chef de file. La métropole est un autre de ses acteurs, avec un rôle central sur le foncier, l’immobilier économique et l’aménagement économique. En la matière, la stratégie de la métropole a pris la forme d’une feuille de route stratégique votée fin 2021. Ce document stratégique s’articule essentiellement autour de trois dimensions fortes : développement, transition et équilibre. L’enjeu est ainsi d’avoir un développement, assumé politiquement, mais en cohérence avec les transitions en cours, tout en garantissant un certain équilibre des richesses sur l’ensemble des territoires métropolitains.
Sur notre territoire, le développement sera dorénavant choisi en fonction de thématiques qui auront été définies comme prioritaires sur notre territoire. C’est notamment le cas de l’aéronautique, la santé, l’industrie des transitions comme le développement de l’hydrogène ou le bois, l’économie circulaire, l’alimentaire local, l’économie sociale et solidaire, et dans une moindre mesure le tertiaire.
L’industrie coche beaucoup de cases intéressantes pour notre territoire. Elle est déjà sous-représentée en comparaison à d’autres grandes métropoles. Elle ne représente que 3,9 % de nos entreprises. Elle est pourtant vectrice d’emplois et pèse 10 % de nos emplois. Elle est créatrice de richesses, 20 % de la valeur ajoutée du territoire. Et enfin, elle représente de très importants gisements de décarbonation. Dans cette continuité, la réindustrialisation est devenue un axe majeur du développement.
Comment cela se traduit-il concrètement sur le territoire métropolitain ?
350 actions sont programmées dans notre feuille de route. Nous allons ainsi intervenir en premier lieu sur le « hard », le développement de l’immobilier économique, susceptible d’accueillir de nouveaux emplois sur nos thématiques prioritaires. Le patrimoine global de l’immobilier économique sur le territoire s’établit à 10 millions de m2. 2 millions de m2 supplémentaires pourraient être déployés d’ici 10 ans. Pour ce faire, nous pilotons certains projets en régie directe, nous confions des réalisations aux opérateurs privés sur des fonciers dont nous avons la maîtrise, ou plus simplement nous développons de l’urbanisme négocié avec les investisseurs.
Sur l’industrie, nous intervenons en tant qu’aménageur autour de l’aéroport. Nous déployons des opportunités foncières pour que les entreprises industrielles du secteur se développent. Les résultats sont déjà très satisfaisants, 14 000 nouveaux emplois ont déjà été accueillis, et les opportunités de développement sont encore très présentes. 400 millions d’euros ont été fléchés par la métropole pour développer cette zone aéroportuaire depuis 2015.
« Nous allons intervenir en premier lieu sur le développement de l’immobilier économique, susceptible d’accueillir de nouveaux emplois sur nos thématiques prioritaires. »
Nous intervenons également sur l’industrie des transitions et le développement de l’hydrogène en nous appuyant sur une friche industrielle de 62 ha située à Blanquefort, composée de 12 ha appartenant à Bordeaux Métropole et des 50 ha de l’ancienne usine Ford sous promesse avec un opérateur privé. Nous venons d’accueillir l’entreprise HDF (Hydrogène de France) sur l’emprise appartenant à Bordeaux Métropole. Cette énorme usine de fabrication de piles à combustible sera notre principal élément attracteur. Sur la friche, 250 000 m2 d’immobilier économique sortiront de terre, dès 2026, dans le cadre d’un partenariat négocié entre la métropole et cet opérateur. Nous y attendrons près de 3 000 salariés. Sur le secteur de la santé, nous sommes en attente d’acquisition d’un ancien hôpital pour y déployer un écosystème économique industriel.
Nous allons également intervenir sur l’image du territoire. Nos cibles sont les entrepreneurs et salariés endogènes, puis exogènes. Concrètement, nous avons travaillé sur l’obtention de labels, dispositifs et mécanismes nationaux, pour avoir une reconnaissance, une visibilité voire des aides financières de niveau national. Nous sommes depuis cette année labellisés Territoire d’industrie et avons été retenus sur le dispositif ZIBAC (zones industrielles bas carbone)… Nous déployons également une stratégie de communication ciblée autour des valeurs de notre territoire et de sa qualité de vie.
Qu’en est-il de la question de la décarbonation ?
Notre objectif est d’arriver à la métropole à énergie positive en 2050. Nous nous positionnons en appui des entreprises pour accélérer le processus déjà en cours. Nous avons déployé ainsi des actions d’accompagnement en ingénierie. Nous avons piloté des réponses collectives à des appels à projets nationaux de transition avec les entreprises. Nous avons créé des parcs d’activités thématisés sur la transition comme Innogaronne cité des transitions, Woodrise valley pôle industriel du bois, prévu en 2027, ou Ikos en économie circulaire, prévu en 2026. Nous avons renforcé les contraintes sur nos financements au travers de critères d’éco-conditionnalités. Nous avons choisi également d’investir nous-mêmes en lançant un plan de développement de photovoltaïques. Et enfin, nous déploierons début 2025 des mesures d’incitation fiscale sous forme d’aides à la transition pour les entreprises autour du transport, du bâti et de l’équipement.
Quelle place accordez-vous à l’innovation ?
Là aussi, nous souhaitons privilégier une innovation choisie qui doit nous aider à accroître les transitions, à réduire les vulnérabilités, à développer des modèles plus sociaux. Tout comme pour la décarbonation, la métropole se positionne en appui des entreprises et déploie des actions pour démultiplier les effets. On peut notamment citer le développement de projets immobiliers comme la cité numérique, les aides apportées à l’enseignement supérieur, l’appui à la création d’une French Tech dynamique, le développement d’incubateurs sur le territoire. Dans le domaine de l’économie sociale et solidaire, la métropole regorge de talents qui cherchent à faire bouger les lignes et développer une autre manière de développer.
Dans cette démarche globale, quels sont vos enjeux et les freins qu’il vous faut encore lever ?
La stratégie de développement économique d’un territoire s’inscrit malgré tout sur du moyen et long terme. Face à une économie très fluctuante, l’enjeu est de réussir à maintenir le cap, tout en s’autorisant des écarts en fonction de l’évolution du contexte économique.
L’autre enjeu consiste à accompagner les entrepreneurs. Il nous faut garder le lien, écouter et penser notre territoire comme une entreprise.
Notre dernier enjeu est de réussir à créer du concret. Cela demande de simplifier l’action publique pour apporter plus d’efficacité à nos entrepreneurs. Nous vivons tous les jours avec la complexité des règles de notre pays. Les entrepreneurs sont peut-être moins rompus à ce genre d’exercice. Pour être des appuis pertinents et efficients, nous devons devenir des apporteurs de solutions et accepter de raisonner en risque et non plus en gardien de règles.