Le Grand Est : une longue histoire industrielle qui se poursuit
La région Grand Est s’est engagée dans une démarche de consolidation de son tissu économique et de réindustrialisation depuis près d’une décennie. Claude Sturni, vice-président en charge de l’économie et de l’innovation de la Région Grand Est, Président de la communauté d’agglomération de Haguenau et maire d’Haguenau, dresse un état des lieux de cette démarche et revient sur les ambitions de sa région alors que le concept de renaissance industrielle gagne du terrain en France et en Europe.
Quelques mots pour nous présenter la Région Grand Est.
Au cœur de l’Europe, la région Grand Est est située à la frontière de 4 pays : la Suisse, l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. En France, la superficie de la région est de 57 000 km² pour une population de plus de 5,5 millions d’habitants et un taux de chômage proche de la moyenne nationale.
Le Grand Est est aussi la troisième région industrielle française après l’Île-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes. On y recense 219 000 salariés, dont 16 % dans l’industrie. Comme la plupart des régions, le Grand Est a perdu des emplois sur la dernière décennie, même si la baisse est plus modérée sur les dernières années. Le tissu industriel de la région reste largement dominé par l’industrie automobile avec plus de 60 000 salariés, devant les industries agroalimentaires, avec près de 38 000 salariés, puis la bioéconomie ou encore la santé.
La région dispose aussi d’un important potentiel en matière de R&D et d’innovation qui s’explique par la présence d’un écosystème d’enseignement supérieur composé de 5 universités (l’Université de Strasbourg, l’Université de Lorraine, l’Université de Reims-Champagne-Ardennes, l’Université d’Alsace, l’Université technologique de Troyes), de recherche et d’innovation très dynamique. Et à cela s’ajoutent des pôles de compétitivité et des clusters qui soutiennent les filières industrielles.
À l’échelle nationale, la région est dans le top 3 des régions les plus attractives. Nous sommes en 3e position en termes d’attractivité des investissements directs étrangers depuis plusieurs années. Lors du dernier sommet Choose France en 2024, nous sommes arrivés en 2e position du classement avec 8 projets d’investissement annoncés. En Europe, nous sommes la 9e région la plus attractive, selon le baromètre d’EY.
Comment appréhendez-vous la dynamique de renaissance industrielle dont nous entendons beaucoup parler ?
La réindustrialisation un des piliers de notre stratégie de développement économique depuis la fin des années 2010. Suite à la pandémie, la région et l’État ont mené un travail très intéressant qui s’est traduit par un Business Act I et II en collaboration avec les acteurs économiques, les élus, les territoires et qui a mis en lumière la faisabilité d’une réindustrialisation et d’une relocalisation de l’activité industrielle sur notre territoire. Nous avons adopté en plénière le plan régional « 500 relocalisations » à horizon 2028. Cette ambition concerne aussi bien des entreprises « complètes », que des d’activités ou des maillons de la chaîne de valeur.
En 2023, nous comptabilisons déjà près de 140 relocalisations. Pour atteindre cet objectif, nous continuons à travailler avec les services de l’État, nos agences de développement économique qui maillent tout le territoire, ainsi que notre agence d’innovation et d’internationalisation, Invest Eastern France.
Pouvez-vous nous donner des illustrations concrètes de relocalisation ?
Dans la filière des énergies renouvelables, nous accueillons HoloSolis à Hambach, dans la Moselle. Cette usine a vocation à devenir le plus grand site européen de production de cellules et de modules photovoltaïques et va potentiellement créer 1 700 emplois d’ici fin 2027. C’est un investissement de plus de 800 millions d’euros.
En avril dernier, Carbios a posé la première pierre de son usine à Longlaville en Lorraine, une usine qui livrera ses premiers clients dès 2026. Il s’agit de la première filière de biorecyclage du plastique au monde. Cela représente un investissement de plus de 200 millions d’euros. Au-delà, ce projet est aussi une illustration de notre vision de la renaissance industrielle de notre territoire, une réindustrialisation moderne et responsable.
Nous avons également des projets de développement dans le secteur de la santé dans le sud de l’Alsace et près de Strasbourg, à proximité de la BioValley, le pôle de compétitivité santé du Grand Est avec des groupes comme Novartis, Lilly… Dans la Champagne-Ardenne, près de Reims, nous avons également des projets autour de la bioéconomie. Dans la continuité de Choose France, Microsoft a annoncé un investissement de 4 milliards d’euros en France avec notamment l’ouverture d’un nouveau site pour héberger des centres de données de nouvelle génération dans l’agglomération de Mulhouse. Enfin, la région continue à accompagner et soutenir les industries emblématiques de son territoire, comme l’industrie automobile.
Comment cette démarche contribue-t-elle à l’attractivité et la compétitivité de votre région ?
Elle est au cœur de notre dynamique d’attractivité. Aujourd’hui, les principaux investisseurs étrangers dans la région sont l’Allemagne, la Suisse, les États-Unis, le Canada. Notre enjeu est d’être en mesure d’attirer les maillons de la chaîne industrielle à forte valeur ajoutée et en cohérence avec notre tissu économique et industriel afin de proposer des solutions de développement d’activités ou de diversification à nos acteurs historiques implantés.
Cette dynamique a également un impact vertueux sur l’écosystème académique, d’innovation et de R&D. Plusieurs établissements ont été labellisés dans le cadre de différents programmes d’excellence.
De manière générale, quand une entreprise s’installe sur un nouveau territoire, ses principales préoccupations concernent la disponibilité des compétences, du foncier et un accès facilité à l’énergie. La région Grand Est dispose de l’ensemble de ces atouts et dispose aussi d’un autre levier de différenciation unique, son implantation géographique au cœur de l’Europe.
Qu’en est-il de la place de la transition environnementale et de décarbonation ?
C’est un axe de notre stratégie de développement économique visant à accompagner la transformation de notre économie sur le plan industriel, environnemental et numérique. Avec nos agences de développement économique, nous avons créé des parcours de formation qui sont proposés aux entreprises pour qu’elles puissent mieux se préparer à ces mutations et y contribuer à leur niveau.
Aujourd’hui, la région Grand Est accompagne les industriels sur ces enjeux en parfaite coordination avec les services de l’État. Nous travaillons ainsi en étroite collaboration pour suivre les stratégies d’investissement et liées à la transition environnementale des sites industriels. Cet accompagnement prend aussi la forme de financement au niveau de la région pour favoriser la transition environnementale en complément des aides disponibles de l’État, ou encore avec les services de l’ADEME, dans le cadre du suivi de la baisse des émissions fin de tendre vers les objectifs fixés à 2030 pour les sites industriels.
Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs sur la nécessité de concilier compétitivité de l’industrie, décarbonation et enjeux environnementaux ?
À l’initiative du Président et de la Préfète de la région Grand Est, nous avons été la première région à décliner la planification écologique à l’échelle de son territoire. En effet, il est important de mener une réflexion approfondie sur le foncier et la localisation d’activités futures : comment transformer les zones d’activités existantes, garantir l’accès à l’énergie et aux autres ressources, dont l’eau ? En parallèle, il s’agit aussi de prendre en compte les enjeux que pose l’adaptation de la région et de ses secteurs économiques au changement climatique.