Le Grand Est : une longue histoire industrielle qui se poursuit

Le Grand Est : une longue histoire industrielle qui se poursuit

Dossier : Vie des entreprises - Souveraineté industrielleMagazine N°799 Novembre 2024
Par Claude STURNI

La région Grand Est s’est enga­gée dans une démarche de conso­li­da­tion de son tis­su éco­no­mique et de réin­dus­tria­li­sa­tion depuis près d’une décen­nie. Claude Stur­ni, vice-pré­sident en charge de l’économie et de l’innovation de la Région Grand Est, Pré­sident de la com­mu­nau­té d’agglomération de Hague­nau et maire d’Haguenau, dresse un état des lieux de cette démarche et revient sur les ambi­tions de sa région alors que le concept de renais­sance indus­trielle gagne du ter­rain en France et en Europe.

Quelques mots pour nous présenter la Région Grand Est. 

Au cœur de l’Europe, la région Grand Est est située à la fron­tière de 4 pays : la Suisse, l’Allemagne, le Luxem­bourg et la Bel­gique. En France, la super­fi­cie de la région est de 57 000 km² pour une popu­la­tion de plus de 5,5 mil­lions d’habitants et un taux de chô­mage proche de la moyenne nationale.

Le Grand Est est aus­si la troi­sième région indus­trielle fran­çaise après l’Île-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes. On y recense 219 000 sala­riés, dont 16 % dans l’industrie. Comme la plu­part des régions, le Grand Est a per­du des emplois sur la der­nière décen­nie, même si la baisse est plus modé­rée sur les der­nières années. Le tis­su indus­triel de la région reste lar­ge­ment domi­né par l’industrie auto­mo­bile avec plus de 60 000 sala­riés, devant les indus­tries agroa­li­men­taires, avec près de 38 000 sala­riés, puis la bioé­co­no­mie ou encore la santé.

La région dis­pose aus­si d’un impor­tant poten­tiel en matière de R&D et d’innovation qui s’explique par la pré­sence d’un éco­sys­tème d’enseignement supé­rieur com­po­sé de 5 uni­ver­si­tés (l’Université de Stras­bourg, l’Université de Lor­raine, l’Université de Reims-Cham­pagne-Ardennes, l’Université d’Alsace, l’Université tech­no­lo­gique de Troyes), de recherche et d’innovation très dyna­mique. Et à cela s’ajoutent des pôles de com­pé­ti­ti­vi­té et des clus­ters qui sou­tiennent les filières industrielles.

À l’échelle natio­nale, la région est dans le top 3 des régions les plus attrac­tives. Nous sommes en 3e posi­tion en termes d’attractivité des inves­tis­se­ments directs étran­gers depuis plu­sieurs années. Lors du der­nier som­met Choose France en 2024, nous sommes arri­vés en 2e posi­tion du clas­se­ment avec 8 pro­jets d’investissement annon­cés. En Europe, nous sommes la 9e région la plus attrac­tive, selon le baro­mètre d’EY.

Comment appréhendez-vous la dynamique de renaissance industrielle dont nous entendons beaucoup parler ?

La réin­dus­tria­li­sa­tion un des piliers de notre stra­té­gie de déve­lop­pe­ment éco­no­mique depuis la fin des années 2010. Suite à la pan­dé­mie, la région et l’État ont mené un tra­vail très inté­res­sant qui s’est tra­duit par un Busi­ness Act I et II en col­la­bo­ra­tion avec les acteurs éco­no­miques, les élus, les ter­ri­toires et qui a mis en lumière la fai­sa­bi­li­té d’une réin­dus­tria­li­sa­tion et d’une relo­ca­li­sa­tion de l’activité indus­trielle sur notre ter­ri­toire. Nous avons adop­té en plé­nière le plan régio­nal « 500 relo­ca­li­sa­tions » à hori­zon 2028. Cette ambi­tion concerne aus­si bien des entre­prises « com­plètes », que des d’activités ou des maillons de la chaîne de valeur. 

En 2023, nous comp­ta­bi­li­sons déjà près de 140 relo­ca­li­sa­tions. Pour atteindre cet objec­tif, nous conti­nuons à tra­vailler avec les ser­vices de l’État, nos agences de déve­lop­pe­ment éco­no­mique qui maillent tout le ter­ri­toire, ain­si que notre agence d’innovation et d’internationalisation, Invest Eas­tern France.

Visite du site Renault de Batilly (54) (SOVAB) le 16 fevrier 2023
Site Renault de Batilly (54) (SOVAB). © Stad­ler – Région Grand Est

Pouvez-vous nous donner des illustrations concrètes de relocalisation ? 

Dans la filière des éner­gies renou­ve­lables, nous accueillons Holo­So­lis à Ham­bach, dans la Moselle. Cette usine a voca­tion à deve­nir le plus grand site euro­péen de pro­duc­tion de cel­lules et de modules pho­to­vol­taïques et va poten­tiel­le­ment créer 1 700 emplois d’ici fin 2027. C’est un inves­tis­se­ment de plus de 800 mil­lions d’euros.

En avril der­nier, Car­bios a posé la pre­mière pierre de son usine à Lon­gla­ville en Lor­raine, une usine qui livre­ra ses pre­miers clients dès 2026. Il s’agit de la pre­mière filière de bio­re­cy­clage du plas­tique au monde. Cela repré­sente un inves­tis­se­ment de plus de 200 mil­lions d’euros. Au-delà, ce pro­jet est aus­si une illus­tra­tion de notre vision de la renais­sance indus­trielle de notre ter­ri­toire, une réin­dus­tria­li­sa­tion moderne et responsable. 

Nous avons éga­le­ment des pro­jets de déve­lop­pe­ment dans le sec­teur de la san­té dans le sud de l’Alsace et près de Stras­bourg, à proxi­mi­té de la Bio­Val­ley, le pôle de com­pé­ti­ti­vi­té san­té du Grand Est avec des groupes comme Novar­tis, Lil­ly… Dans la Cham­pagne-Ardenne, près de Reims, nous avons éga­le­ment des pro­jets autour de la bioé­co­no­mie. Dans la conti­nui­té de Choose France, Micro­soft a annon­cé un inves­tis­se­ment de 4 mil­liards d’euros en France avec notam­ment l’ouverture d’un nou­veau site pour héber­ger des centres de don­nées de nou­velle géné­ra­tion dans l’agglomération de Mul­house. Enfin, la région conti­nue à accom­pa­gner et sou­te­nir les indus­tries emblé­ma­tiques de son ter­ri­toire, comme l’industrie automobile.

Centre de recherche agroenvironnement & fertilisation RITTMO a Colmar
Centre de recherche agroen­vi­ron­ne­ment & fer­ti­li­sa­tion RITTMO a Col­mar. © Stad­ler – Région Grand Est

Comment cette démarche contribue-t-elle à l’attractivité et la compétitivité de votre région ?

Elle est au cœur de notre dyna­mique d’attractivité. Aujourd’hui, les prin­ci­paux inves­tis­seurs étran­gers dans la région sont l’Allemagne, la Suisse, les États-Unis, le Cana­da. Notre enjeu est d’être en mesure d’attirer les maillons de la chaîne indus­trielle à forte valeur ajou­tée et en cohé­rence avec notre tis­su éco­no­mique et indus­triel afin de pro­po­ser des solu­tions de déve­lop­pe­ment d’activités ou de diver­si­fi­ca­tion à nos acteurs his­to­riques implantés.

Cette dyna­mique a éga­le­ment un impact ver­tueux sur l’écosystème aca­dé­mique, d’innovation et de R&D. Plu­sieurs éta­blis­se­ments ont été label­li­sés dans le cadre de dif­fé­rents pro­grammes d’excellence.

De manière géné­rale, quand une entre­prise s’installe sur un nou­veau ter­ri­toire, ses prin­ci­pales pré­oc­cu­pa­tions concernent la dis­po­ni­bi­li­té des com­pé­tences, du fon­cier et un accès faci­li­té à l’énergie. La région Grand Est dis­pose de l’ensemble de ces atouts et dis­pose aus­si d’un autre levier de dif­fé­ren­cia­tion unique, son implan­ta­tion géo­gra­phique au cœur de l’Europe.

Qu’en est-il de la place de la transition environnementale et de décarbonation ? 

C’est un axe de notre stra­té­gie de déve­lop­pe­ment éco­no­mique visant à accom­pa­gner la trans­for­ma­tion de notre éco­no­mie sur le plan indus­triel, envi­ron­ne­men­tal et numé­rique. Avec nos agences de déve­lop­pe­ment éco­no­mique, nous avons créé des par­cours de for­ma­tion qui sont pro­po­sés aux entre­prises pour qu’elles puissent mieux se pré­pa­rer à ces muta­tions et y contri­buer à leur niveau.

Aujourd’hui, la région Grand Est accom­pagne les indus­triels sur ces enjeux en par­faite coor­di­na­tion avec les ser­vices de l’État. Nous tra­vaillons ain­si en étroite col­la­bo­ra­tion pour suivre les stra­té­gies d’investissement et liées à la tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale des sites indus­triels. Cet accom­pa­gne­ment prend aus­si la forme de finan­ce­ment au niveau de la région pour favo­ri­ser la tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale en com­plé­ment des aides dis­po­nibles de l’État, ou encore avec les ser­vices de l’ADEME, dans le cadre du sui­vi de la baisse des émis­sions fin de tendre vers les objec­tifs fixés à 2030 pour les sites industriels.

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs sur la nécessité de concilier compétitivité de l’industrie, décarbonation et enjeux environnementaux ?

À l’initiative du Pré­sident et de la Pré­fète de la région Grand Est, nous avons été la pre­mière région à décli­ner la pla­ni­fi­ca­tion éco­lo­gique à l’échelle de son ter­ri­toire. En effet, il est impor­tant de mener une réflexion appro­fon­die sur le fon­cier et la loca­li­sa­tion d’activités futures : com­ment trans­for­mer les zones d’activités exis­tantes, garan­tir l’accès à l’énergie et aux autres res­sources, dont l’eau ? En paral­lèle, il s’agit aus­si de prendre en compte les enjeux que pose l’adaptation de la région et de ses sec­teurs éco­no­miques au chan­ge­ment climatique.

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