« En 2050, ArcelorMittal sera neutre en émission carbone »
ArcelorMittal vise la neutralité carbone en 2050 et accélère sa décarbonation et sa digitalisation pour se donner les moyens de ses ambitions. Matthieu Jehl, CEO d’ArcelorMittal France, revient sur la démarche de l’industriel, les projets déployés en ce sens et les freins à lever.
Aujourd’hui, votre activité est à la croisée de deux transitions majeures : la renaissance industrielle et la décarbonation. Comment appréhendez-vous cette double dimension ?
ArcelorMittal France s’engage, en effet, dans ces transformations majeures et nécessaires : la décarbonation de la production d’acier et la transformation digitale de l’industrie. Pour relever ce défi, nous nous structurons et nous nous entourons des meilleures compétences et technologies disponibles pour relever les défis liés à ces transformations.
En matière de décarbonation, ArcelorMittal a pris des engagements forts pour réduire ses émissions de CO2 et lutter contre le changement climatique. Nous menons ainsi un projet d’envergure à Dunkerque qui permettra à terme la réduction de près de 6 % des émissions industrielles nationales. Financer ce projet d’1,8 milliard d’euros avec l’aide de l’État, permettra d’assurer la pérennité et l’activité du site. Cet investissement, le plus conséquent depuis la création du site en 1962, représente un véritable défi industriel, avec l’installation d’une nouvelle usine au sein de l’existante et un enjeu de maintien de notre compétitivité. Notre équipe décarbonation compte aujourd’hui environ 80 personnes mobilisées pour transformer en profondeur notre façon de produire de l’acier pour atteindre ces ambitieux objectifs. Plus que jamais, aujourd’hui, le groupe ArcelorMittal se positionne en leader de la décarbonation de l’acier.
En parallèle, nous accélérons notre transformation digitale. En 2019, ArcelorMittal France a créé la direction de la transformation digitale. Elle compte aujourd’hui 430 personnes et conduit 140 projets de transformation digitale par an autour de l’industrie 4.0 : IA , 5G, robotique, Internet des objets…
Nous avons ouvert 2 Digital Labs, véritables laboratoires d’innovation en matière de digitalisation de notre industrie au cœur des territoires et de notre écosystème. Cette démarche doit nous permettre de devenir le leader de la digitalisation de l’industrie de l’acier en Europe.
Quelles pistes explorez-vous en ce sens ?
Afin de répondre aux ambitions européennes et nationales, ArcelorMittal a fait de la lutte contre le réchauffement climatique, l’une de ses priorités en se fixant deux objectifs pour ses activités en Europe : réduire nos émissions de CO2 de
35 % à l’horizon 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Pour ce faire, ArcelorMittal France met en œuvre plusieurs solutions complémentaires pour éliminer progressivement ses émissions de CO2 : multiplier par 2 le recyclage d’acier usagé, utiliser le procédé de réduction directe du minerai de fer pour supprimer l’utilisation de charbon dans sa production d’acier, capter le CO2 résiduel, le purifier en vue de le réutiliser ou le stocker.
Quels sont les impacts pour vos différents sites de production ?
La décarbonation de la production d’acier et la transformation digitale de notre industrie bousculent bien évidemment nos métiers.
Nous devons, tout d’abord, former nos collaborateurs aux métiers de demain et intégrer de nouveaux talents pour renforcer nos compétences. Au-delà de nos recrutements, nous proposons des stages aux élèves des grandes écoles pour travailler sur nos processus d’organisation ou sur des missions opérationnelles. Nous misons aussi sur l’alternance avec 290 nouveaux alternants accueillis cette année. Nombre de nos métiers s’apprennent sur le terrain et l’alternance est un excellent dispositif ! En parallèle, nous accueillons en ce début d’année scolaire, la deuxième promotion des classes dédiées que nous avons créées avec les AFPI et CFA des territoires de Dunkerque et de Florange : la Steel Academy.
Votre projet de production d’acier à basse émission de CO2 illustre parfaitement votre démarche et les enjeux associés. Dites-nous en plus.
Ce projet vise à changer en profondeur le procédé de fabrication de l’acier sur le site en abandonnant progressivement le recours au charbon et au coke, en réduisant le minerai de fer directement, d’abord en utilisant du gaz naturel, dans un premier temps, puis avec un mix de gaz naturel et d’hydrogène décarboné.
Il nous promet un double challenge :
- Un challenge technique, mais aussi une première mondiale, car nous allons construire une nouvelle usine dans l’usine en fonctionnement. C’est un chantier d’une ampleur inédite qui va nous permettre de réaliser le passage à l’échelle industrielle d’une technologie déjà utilisée sur d’autres sites dans le monde (Afrique du Sud, Brésil…), mais à une plus grande échelle :
- Un challenge humain : notre défi est d’assurer l’avenir professionnel de chaque salarié au sein du site, de mobiliser et de coordonner les équipes nécessaires au projet, d’accueillir plus de 1 000 à 2 000 personnes supplémentaires par jour pendant plus d’un an.
Aujourd’hui, quels sont vos enjeux ?
Dans le cadre de ces projets qui transforment notre activité en profondeur, nous devons maintenir l’engagement de nos équipes au regard des valeurs du groupe, dont la première, valeur inconditionnelle, est la sécurité. En parallèle, nous devons continuer à recruter les meilleurs talents, valoriser les métiers de l’industrie qui offrent des terrains d’épanouissement multiples et des environnements challengeants et stimulants.
Alors que la neutralité s’accélère avec de fortes ambitions d’ici 2050, comment imaginez-vous ArcelorMittal à cet horizon ?
En 2050, ArcelorMittal sera neutre en émission carbone. Notre stratégie de digitalisation aura accompagné cette profonde transformation, au cœur de nos sites industriels et de nos équipes, pour atteindre cet ambitieux objectif !
Focus sur la digitalisation d’ArcelorMittal avec David Glijer (D06), directeur de la transformation digitale d’ArcelorMittal France.
L’industrie lourde accuse un retard considérable en matière de digitalisation. Votre entreprise s’est dotée d’un plan pour accélérer sa digitalisation. Quelles en sont les grandes lignes ?
Notre plan de transformation digitale s’articule autour de 7 piliers, culture digitale, programmes business 4.0, partenariat, infrastructure flexi sécurisée, data pour tous, attractivité & image de la sidérurgie, accompagnement, et de 3 axes, nos salariés, nos clients et notre industrie au cœur de son écosystème.
Convaincus que demain notre avenir sera digital et que notre entreprise sera une référence digitalo-décarbonée de premier plan en France et en Europe, nous avons placé l’humain au centre de notre transformation digitale. 23 correspondants digitalisation à tous les niveaux de notre organisation enrichissent et déploient notre feuille de route. Nos équipes digitales mettent en œuvre des solutions innovantes au service des salariés de l’entreprise. Elles ont, par ailleurs, reçu des récompenses pour leurs travaux comme le prix de la transformation numérique 2021 pour notre cockpit de pilotage de ligne et le 1er prix Spark lors des France Innovation Corporate Awards pour la 5G au service de la traçabilité de l’acier recyclé.
Avec vos partenaires, vous avez mis en place deux digital labs. Dites-nous en plus.
Le premier digital lab a ouvert à Dunkerque en juillet 2021 et travaille prioritairement sur des thématiques liées à la sécurité, l’énergie, l’environnement y compris la décarbonation, la mobilité des hommes et des process. Le second à Uckange (site de Florange) a ouvert en février 2022 et se concentre sur la qualité 4.0, la maintenance 4.0, l’IA et la cybersécurité.
Ces 2 digital labs sont aussi 3 fonctions :
- Digital factory, un centre d’innovation technologique en lien avec des partenaires internes et externes (start-up, grands groupes, académiques, etc.) au bénéfice de l’amélioration de nos procédés de fabrication, de notre performance industrielle et de nos clients ;
- Digital academy, un centre d’acculturation et de formation, pour accompagner nos collaborateurs dans les nouveaux enjeux et transformations de leur métier, de nos processus. ArcelorMittal France a également créé avec d’autres partenaires régionaux l’association DEFI4 qui forme et accompagne les transformations digitales et décarbonation des territoires et de leur écosystème PME/TPE, grands groupes ;
- Digital community, un lieu d’animation qui fédère l’écosystème local et régional autour de l’innovation dans l’industrie et le partage de bonnes pratiques et de retours d’expérience autour de ses nouvelles solutions.
ArcelorMittal est, par ailleurs, la 1re entreprise à disposer d’un réseau 5G industriel propriétaire. Qu’en est-il ?
Les nouvelles technologies permettent à nos sites d’améliorer leur sécurité, fiabilité, productivité, qualité, mais également le confort des opérateurs. Pour déployer concrètement ces projets, l’apport de la 5G est clé. Ainsi, 5G STEEL, le plus grand réseau 5G d’Europe en environnement industriel, est opérationnel depuis novembre 2021 sur notre site de Dunkerque (avec Orange Business Services et Ericsson). Il répond aux enjeux de l’industrie de demain grâce à une couverture étendue, un débit important, une faible latence, une capacité à découper le réseau, une sécurisation des données by design.
Nous avons déjà 2 premiers cas d’usage sur notre site de Dunkerque.
- L’opérateur connecté qui permet les opérations de relevé, de saisie et de partage des données directement sur le terrain grâce à des tablettes à disposition des opérateurs ;
- La gestion du recyclage de l’acier : nous pesons et scannons les aciers à recycler pour évaluer leur densité et leur composition et transmettre ces données automatiquement au contrôle qualité et conducteurs d’engins.
De nouveaux cas d’usages de la 5G sont à l’étude autour de la sécurité et la sûreté, et son déploiement va s’accélérer sur d’autres sites industriels d’ArcelorMittal France (Florange, Mardyck). Notre nouvelle usine d’aciers électriques sur notre site de Mardyck sera digital native et bénéficiera de la 5G dès son démarrage industriel en 2025.