Quand la transition énergétique et écologique devient un vecteur d’innovation !
Référence incontournable dans le monde du transport sous température dirigée, Chéreau est mobilisée depuis plusieurs années en faveur de la transition énergétique et environnementale. Arthur Monti, responsable du pôle études mécanique matériaux au sein du bureau d’études de Chéreau, et Christophe Danton, directeur RSE et communication de The Reefer Group et de Chéreau, nous expliquent quelles sont les pistes explorées par leur entreprise en ce sens et les projets et enjeux qui les mobilisent dans cette démarche.
Quels sont les métiers et les expertises de votre entreprise ?
Créée en 1951, Chéreau est un carrossier constructeur spécialisé dans les véhicules destinés au transport sous température dirigée, plus communément par le grand public, véhicules frigorifiques. Un produit sur deux dans les réfrigérateurs des Français est, statistiquement en effet, passé par nos véhicules !
Chéreau est une entreprise de The Reefer Group, qui détient également deux autres carrossiers-constructeurs, Aubineau en France et SOR en Espagne. Aujourd’hui, le groupe emploie près de 1 550 personnes et réalise un chiffre d’affaires de 361 millions d’euros, dont un peu plus de 256 millions pour Chéreau.
Sur ce segment, Chéreau est reconnu par nos diverses parties prenantes comme un leader qui propose des produits premium et haute performance. Chaque produit est, d’ailleurs, spécifiquement fabriqué en fonction de la demande et du besoin de chaque client.
Votre activité est à la croisée des transitions majeures : écologique, énergétique et climatique. Qu’en est-il ? Comment appréhendez-vous ces dimensions ?
Nous opérons dans la filière du transport qui a d’énormes enjeux de réduction des émissions de CO₂ des véhicules, quel que soit leur type. Dans le cadre de la fabrication d’une semi-remorque frigorifique, nous nous focalisons sur deux dimensions pour garantir la performance du produit : la qualité de l’isolation et la capacité à produire du froid de manière autonome. Aujourd’hui, pour assurer cette production, les semi-remorques sont majoritairement équipées d’un moteur diesel qui alimente une centrale de froid et qui émet bien évidemment du CO₂.
Pour faire notre transition énergétique, nous explorons essentiellement deux pistes. La première consiste à développer la frugalité énergétique de nos produits pour réduire la consommation. Dans cette démarche, il s’agit non seulement d’optimiser l’isolation des semi-remorques, mais aussi d’optimiser la semi-remorque en termes de poids, de dimensionnement, de résistance et d’aérodynamisme pour réduire le besoin énergétique du véhicule qui tracte la semi-remorque. La seconde piste consiste à passer à l’électrique pour remplacer le diesel et, in fine, réduire l’empreinte carbone et environnementale de nos produits.
Ce volet représente 99 % de notre bilan d’émissions de CO₂ et de gaz à effet de serre et relève, plus particulièrement, du scope 3 aval qui est relatif à l’usage de nos produits. En parallèle, nous travaillons également nos scopes 1 et 2 et scope 3 amont.
Revenons plus particulièrement sur la motorisation. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Chéreau ne fabrique pas de motorisation pour les groupes froids. Nous intégrons des groupes qui sont fabriqués par les principaux acteurs du marché. Nous sommes donc en veille constante afin d’identifier les solutions les plus pertinentes en fonction de nos objectifs, de nos besoins et ceux de nos clients, au regard des enjeux de la transition énergétique.
Aujourd’hui, il existe, en effet, différentes solutions. Depuis quelques mois, on trouve des groupes 100 % électriques. Plusieurs solutions innovantes émergent également comme les eAxle ou essieux générateurs, qui permettent de recharger tout en roulant.
Nous testons aussi d’autres solutions, comme l’installation de panneaux photovoltaïques sur le pavillon de la semi-remorque. L’idée est notamment de voir si une couverture totale de la semi-remorque avec des panneaux solaires permettrait d’apporter l’énergie nécessaire à la production de froid. En parallèle, Chéreau a été la première entreprise du secteur et du monde à tester un groupe froid à hydrogène, doté de réservoirs à hydrogène et d’une pile à combustible pour alimenter un petit pack de batterie qui permet d’alimenter en retour un groupe froid électrique. Suite à ce projet collaboratif qui nous a occupés entre 2016 et 2019, nous poursuivons nos essais avec deux semi-remorques à hydrogène en cours de déploiement chez des clients en Bretagne, afin de développer un retour d’expérience pertinent autour de cette solution.
Chez Chéreau, nous sommes convaincus que le mix énergétique de demain sera varié et s’articulera autour de différents cas d’usage correspondant à la pluralité de besoins des utilisateurs.
En matière d’isolation, quelles pistes explorez-vous ?
L’isolation est un vecteur d’optimisation de la consommation énergétique. Plus l’isolation est bonne, moins on a besoin de consommer de l’énergie pour refroidir et maintenir une température choisie ! Historiquement, Chéreau est une référence reconnue de tous en termes d’isolation. Nos équipes de R&D et nos ingénieurs innovent constamment pour améliorer l’isolation de nos semi-remorques. Grâce à leur travail et effort, nous avons développé l’intégration de la technologie VIP (Vacuum Insulated Panel) qui est, d’ailleurs brevetée. Cette technologie d’isolation sous vide des panneaux permet de gagner 20 pour cent de performances en termes d’isolation, par rapport à la mousse polyuréthane classique qui est largement utilisée sur le marché.
Enfin, dans cette démarche d’optimisation continue, nous veillons à bien prendre en compte l’impact de ces évolutions en termes de bilan carbone et de cycle de vie afin de ne pas générer de nouvelles pollutions. Notre toute première analyse de cycle de vie a d’ailleurs été faite sur ce produit.
Quels sont les enjeux auxquels vous êtes confrontés ?
Comme de nombreux acteurs industriels, nous avons un fort enjeu humain. Nous faisons face à des difficultés pour recruter de la main‑d’œuvre et attirer les bonnes compétences, ce qui s’explique, entre autres, par les profondes mutations que le monde du travail connaît depuis plusieurs années avec des attentes des nouvelles générations très différentes de leurs aînés.
En parallèle, nous continuons à innover et à investir dans notre R&D pour poursuivre notre développement et contribuer à relever les défis que posent les transitions actuelles. Nous repensons ainsi nos business modèles, renforçons la performance de nos véhicules, travaillons avec nos clients pour faire évoluer et allonger la durée de vie de nos véhicules et éviter ainsi un renouvellement trop régulier ce qui impacte les ressources en matières premières et génère du carbone et des gaz à effet de serre.
Enfin, nous avons aussi un enjeu de conformité réglementaire, car notre activité est soumise à de nombreuses réglementations qui régissent le marché du transport frigorifique. Dans le cadre de la norme VECTO, il s’agit entre autres de réduire le poids des véhicules afin de réduire la consommation et, par extension, les émissions de carbone. C’est une obligation qui concerne tous les segments du monde automobile et de la fabrication de véhicules. Or l’installation des panneaux sous vide alourdit les semi-remorques frigorifiques. Les réglementations de ce type, qui viennent couvrir de manière transversale plusieurs segments et secteurs d’activité, et qui ne vont pas forcément prendre en compte les spécificités de chacun, peuvent conduire à un résultat inverse de l’objectif visé, comme cela est le cas ici. L’enjeu est donc de réussir à faire les bons arbitrages pour ne pas se retrouver face à des situations contre-productives.
Le mot de la fin ?
Chez Chéreau, nous appréhendons toutes ces transitions ainsi que les enjeux qui en découlent comme autant d’opportunités pour renforcer notre leadership, continuer à innover et proposer des solutions encore plus performantes et vertueuses.