Vallourec : « Je suis optimiste quant à l’avenir de l’industrie en France et en Europe »

Dossier : Vie des entreprises - Souveraineté industrielleMagazine N°799 Novembre 2024
Par Philippe GUILLEMOT

À la tête de Val­lou­rec depuis mai 2022, Phi­lippe Guille­mot, pré­sident-direc­teur géné­ral, a fixé un nou­veau cap pour cette entre­prise lea­der dans la pro­duc­tion de tubes pre­mium sans sou­dure. Dans cette inter­view, il revient sur le nou­veau dyna­misme de Val­lou­rec, qui renoue aujourd’hui avec crois­sance et déve­lop­pe­ment dans un contexte mar­qué par des enjeux éco­no­miques, indus­triels, tech­no­lo­giques, envi­ron­ne­men­taux et climatiques.

Vallourec connaît actuellement un nouveau dynamisme et s’inscrit dans une phase de désendettement. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Lorsque j’ai pris la tête du groupe Val­lou­rec en mai 2022, j’ai rapi­de­ment fait un diag­nos­tic de l’entreprise pour bâtir un plan qui devait per­mettre à Val­lou­rec de retrou­ver toute sa place sur le mar­ché. Ce plan, New Val­lou­rec, pré­sen­tait une feuille de route très claire : bâtir un groupe pro­fi­table quelles que soient les condi­tions de mar­ché. Pour ce faire, nous avons pri­vi­lé­gié la valeur sur le volume pour aug­men­ter notre ren­ta­bi­li­té sur notre cœur de métier his­to­rique, et amé­lio­ré notre per­for­mance opé­ra­tion­nelle. La res­tau­ra­tion de nos marges nous per­met d’investir dans notre futur, notam­ment dans l’innovation, la R&D et l’ouverture au mar­ché des « Éner­gies Nou­velles », afin de deve­nir un acteur clé de l’économie décar­bo­née à l’horizon 2050.

Les résul­tats sont là, puisqu’en 2023, Val­lou­rec a obte­nu ses meilleurs résul­tats depuis 15 ans avec un résul­tat brut d’exploitation de 1,2 mil­lion d’euros et une dette nette qui se réduit dras­ti­que­ment avec la pers­pec­tive d’une dette nette nulle au plus tard fin 2025. Ce redres­se­ment finan­cier nous offre la flexi­bi­li­té néces­saire pour inves­tir dans des pro­jets inno­vants et nous adap­ter aux défis futurs.

Aujourd’hui, sur le marché, quel est votre positionnement et quels sont vos principaux métiers et expertises ?

Val­lou­rec est aujourd’hui un lea­der mon­dial dans la pro­duc­tion de tubes pre­mium sans sou­dure. Nos mar­chés his­to­riques, dans les domaines du gaz et du pétrole, res­tent, de loin, le cœur de notre acti­vi­té. Ce sont ces mar­chés qui portent nos résul­tats et qui nous per­mettent de déve­lop­per, en paral­lèle, des acti­vi­tés dans d’autres seg­ments de mar­ché ame­nés à se déve­lop­per, autour des « Éner­gies Nou­velles » (géo­ther­mie, hydro­gène et séques­tra­tion de carbone).

Notre posi­tion­ne­ment repose sur une inno­va­tion constante, une qua­li­té de pro­duit à haut niveau et une capa­ci­té à répondre aux besoins spé­ci­fiques de nos clients avec des solu­tions pre­mium sur mesure.

Votre activité est à la croisée de transitions majeures, notamment industrielles, énergétiques et environnementales. Comment les appréhendez-vous ? 

Nous sommes tout à fait conscients d’être à la croi­sée de ces tran­si­tions et nous sommes déter­mi­nés à les accom­pa­gner. C’est parce que l’entreprise est désor­mais redres­sée finan­ciè­re­ment qu’elle va pou­voir par­ti­ci­per acti­ve­ment à ces évo­lu­tions. Mais qui dit tran­si­tion ne dit pas aban­don du pré­sent. C’est pour­quoi Val­lou­rec marche sur ses deux jambes : conso­li­da­tion des mar­chés actuels dans le pétrole et le gaz, afin de pou­voir déga­ger des moyens finan­ciers per­met­tant d’investir dans l’avenir.

“Nous investissons massivement dans la recherche et le développement pour créer des produits qui soutiennent la transition énergétique, avec des tubes ayant de nouveaux usages dans les énergies renouvelables.”

Nous inves­tis­sons mas­si­ve­ment dans la recherche et le déve­lop­pe­ment pour créer des pro­duits qui sou­tiennent la tran­si­tion éner­gé­tique, avec des tubes ayant de nou­veaux usages dans les éner­gies renouvelables.

Géothermie, hydrogène, stockage de carbone… sont autant de pistes que vous explorez. Comment cela se matérialise-t-il sur le plan opérationnel ? Pouvez-vous nous donner des exemples ? 

Val­lou­rec inves­tit effec­ti­ve­ment ces dif­fé­rents sec­teurs sous deux angles com­plé­men­taires. D’une part, Val­lou­rec met à pro­fit son exper­tise, son savoir-faire his­to­rique et la qua­li­té de ses solu­tions tubu­laires pour des appli­ca­tions liées aux Nou­velles Éner­gies. Les tubes pre­mium que nous pro­dui­sons ont des carac­té­ris­tiques de résis­tance à la pres­sion, à la tem­pé­ra­ture et à la cor­ro­sion, qui en font des solu­tions tota­le­ment adap­tées à des appli­ca­tions comme la géo­ther­mie, l’hydrogène, le sto­ckage du car­bone ou la bio­masse. L’objectif de Val­lou­rec est que ces offres dédiées aux Éner­gies Nou­velles contri­buent à hau­teur de 10 à 15 % de son Résul­tat Brut d’Exploitation à l’horizon 2030.

D’autre part, Val­lou­rec a mis au point, en interne, une solu­tion dédiée au sto­ckage d’hydrogène, bap­ti­sée Del­phy. Ce pro­jet est orga­ni­sé comme une start-up, afin d’être agile et réac­tif pour nos clients sur un mar­ché nais­sant. Nous avons ain­si inau­gu­ré, en décembre, à Aul­noye-Ayme­ries (Nord) à proxi­mi­té de notre centre mon­dial de R&D, un démons­tra­teur de sto­ckage ver­ti­cal d’hydrogène gazeux com­pri­mé. Pre­mière de ce type au monde, cette ins­tal­la­tion unique repose sur des tubes et des connexions déjà éprou­vés en termes d’étanchéité et de résis­tance à la pres­sion ou à la cor­ro­sion. Elle posi­tionne Val­lou­rec comme un acteur clé de la chaîne de valeur de l’hydrogène, et donc de la décar­bo­na­tion au niveau mondial. 

La solu­tion Del­phy consiste en un dis­po­si­tif enter­ré capable de sto­cker jusqu’à 100 tonnes d’hydrogène gazeux dans des condi­tions de sécu­ri­té maxi­males. Le sys­tème s’adresse aux pro­duc­teurs d’hydrogène vert, aux uti­li­sa­teurs pour des appli­ca­tions indus­trielles et à la mobi­li­té lourde. 

Au-delà, quels sont les autres sujets et enjeux qui vous mobilisent sur vos marchés ? 

Au-delà des tran­si­tions éner­gé­tiques et envi­ron­ne­men­tales qui sont des pers­pec­tives de mar­ché, la san­té-sécu­ri­té de nos col­la­bo­ra­teurs reste la prio­ri­té abso­lue pour Val­lou­rec. Nous met­tons en œuvre des pro­grammes robustes pour garan­tir un envi­ron­ne­ment de tra­vail sécu­ri­sé sur l’ensemble de nos sites à tra­vers le monde. Avec notre feuille de route San­té Sécu­ri­té CAP 2030, nous nous fixons notam­ment pour objec­tif d’atteindre d’ici 2030 : zéro acci­dent grave pou­vant chan­ger la vie et un taux d’accident, avec et sans arrêt de tra­vail, infé­rieur à 0,2. C’est un enga­ge­ment impor­tant qui mobi­lise l’ensemble de l’entreprise, et j’y suis par­ti­cu­liè­re­ment attentif.

En parallèle, la réindustrialisation reste un sujet stratégique en France et en Europe alors qu’elle ouvre, par ailleurs, des perspectives intéressantes en termes de décarbonation. Comment un acteur comme Vallourec se positionne dans ce cadre ? 

Les dif­fé­rentes crises, sani­taires, géo­po­li­tiques, finan­cières ou encore cli­ma­tiques, ont fait prendre conscience de l’importance de la pro­duc­tion indus­trielle en France et en Europe. La réin­dus­tria­li­sa­tion est donc deve­nue un sujet majeur de pré­oc­cu­pa­tion pour les États et pour les entre­prises. Je suis convain­cu que l’industrie a tou­jours sa place sur notre conti­nent, à condi­tion qu’elle rem­plisse deux cri­tères indis­pen­sables : la proxi­mi­té avec des mar­chés domes­tiques et une dif­fé­ren­cia­tion forte face à la concur­rence mon­diale grâce à l’innovation.

Sur cette base, Val­lou­rec a accom­pli un impor­tant tra­vail en matière d’empreinte indus­trielle pour se rap­pro­cher de ses mar­chés. En paral­lèle, nous avons déci­dé de pri­vi­lé­gier la valeur sur le volume, en misant sur la « pre­miu­mi­sa­tion » qui est le moteur de notre dif­fé­ren­cia­tion com­mer­ciale. Cette trans­for­ma­tion a per­mis de conser­ver des bases indus­trielles solides en France, sur notre site d’Aulnoye-Aymeries (Nord) avec une forge, outil unique en Europe capable de faire des tubes de formes, une uni­té de file­tage hyper pre­mium et notre centre de R&D mon­dial. C’est sur ce site que nous avons éga­le­ment déve­lop­pé les inno­va­tions du groupe en matière d’impression 3D métal­lique (WAAM), et notre démons­tra­teur de sto­ckage d’hydrogène Delphy.

Enfin, cette réin­dus­tria­li­sa­tion ne pour­ra réus­sir que si elle s’appuie sur des talents excep­tion­nels et atti­rés par l’industrie. Val­lou­rec cherche sans cesse à être à la pointe de l’innovation, pour don­ner à ses col­la­bo­ra­teurs la pos­si­bi­li­té de s’épanouir dans de nou­veaux pro­jets au cœur du défi cli­ma­tique, et ce, dans le cadre d’une car­rière internationale.

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs sur ces sujets de renaissance industrielle, de réindustrialisation et de décarbonation ?

Tous ces défis sont inti­me­ment liés. Ils consti­tuent des oppor­tu­ni­tés uniques pour toute une géné­ra­tion. La renais­sance indus­trielle doit s’appuyer sur l’innovation, sur la for­ma­tion et sur le déve­lop­pe­ment des com­pé­tences. La réin­dus­tria­li­sa­tion ne doit pas seule­ment viser à recons­truire ce qui exis­tait, mais à créer des indus­tries plus intel­li­gentes, plus vertes et plus rési­lientes. Enfin, la décar­bo­na­tion néces­site des efforts concer­tés pour inté­grer des tech­no­lo­gies propres, amé­lio­rer l’efficacité éner­gé­tique et pro­mou­voir une éco­no­mie cir­cu­laire. Nous devons tous tra­vailler ensemble pour cet ave­nir indus­triel durable. Cela néces­site des efforts des pou­voirs publics, des entre­prises et des citoyens. Je ne crois pas à une nou­velle révo­lu­tion indus­trielle, mais à une tran­si­tion néces­saire et béné­fique pour tous.

“Vallourec est déterminé à jouer un rôle de premier plan dans cette transformation en s’appuyant sur son savoir-faire industriel unique, sur des équipes talentueuses et sur son engagement en faveur de l’innovation.”

Je suis opti­miste quant à l’avenir de l’industrie en France et en Europe. Val­lou­rec est déter­mi­né à jouer un rôle de pre­mier plan dans cette trans­for­ma­tion en s’appuyant sur son savoir-faire indus­triel unique, sur des équipes talen­tueuses et sur son enga­ge­ment en faveur de l’innovation. 

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