Vallourec : « Je suis optimiste quant à l’avenir de l’industrie en France et en Europe »
À la tête de Vallourec depuis mai 2022, Philippe Guillemot, président-directeur général, a fixé un nouveau cap pour cette entreprise leader dans la production de tubes premium sans soudure. Dans cette interview, il revient sur le nouveau dynamisme de Vallourec, qui renoue aujourd’hui avec croissance et développement dans un contexte marqué par des enjeux économiques, industriels, technologiques, environnementaux et climatiques.
Vallourec connaît actuellement un nouveau dynamisme et s’inscrit dans une phase de désendettement. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Lorsque j’ai pris la tête du groupe Vallourec en mai 2022, j’ai rapidement fait un diagnostic de l’entreprise pour bâtir un plan qui devait permettre à Vallourec de retrouver toute sa place sur le marché. Ce plan, New Vallourec, présentait une feuille de route très claire : bâtir un groupe profitable quelles que soient les conditions de marché. Pour ce faire, nous avons privilégié la valeur sur le volume pour augmenter notre rentabilité sur notre cœur de métier historique, et amélioré notre performance opérationnelle. La restauration de nos marges nous permet d’investir dans notre futur, notamment dans l’innovation, la R&D et l’ouverture au marché des « Énergies Nouvelles », afin de devenir un acteur clé de l’économie décarbonée à l’horizon 2050.
Les résultats sont là, puisqu’en 2023, Vallourec a obtenu ses meilleurs résultats depuis 15 ans avec un résultat brut d’exploitation de 1,2 million d’euros et une dette nette qui se réduit drastiquement avec la perspective d’une dette nette nulle au plus tard fin 2025. Ce redressement financier nous offre la flexibilité nécessaire pour investir dans des projets innovants et nous adapter aux défis futurs.
Aujourd’hui, sur le marché, quel est votre positionnement et quels sont vos principaux métiers et expertises ?
Vallourec est aujourd’hui un leader mondial dans la production de tubes premium sans soudure. Nos marchés historiques, dans les domaines du gaz et du pétrole, restent, de loin, le cœur de notre activité. Ce sont ces marchés qui portent nos résultats et qui nous permettent de développer, en parallèle, des activités dans d’autres segments de marché amenés à se développer, autour des « Énergies Nouvelles » (géothermie, hydrogène et séquestration de carbone).
Notre positionnement repose sur une innovation constante, une qualité de produit à haut niveau et une capacité à répondre aux besoins spécifiques de nos clients avec des solutions premium sur mesure.
Votre activité est à la croisée de transitions majeures, notamment industrielles, énergétiques et environnementales. Comment les appréhendez-vous ?
Nous sommes tout à fait conscients d’être à la croisée de ces transitions et nous sommes déterminés à les accompagner. C’est parce que l’entreprise est désormais redressée financièrement qu’elle va pouvoir participer activement à ces évolutions. Mais qui dit transition ne dit pas abandon du présent. C’est pourquoi Vallourec marche sur ses deux jambes : consolidation des marchés actuels dans le pétrole et le gaz, afin de pouvoir dégager des moyens financiers permettant d’investir dans l’avenir.
“Nous investissons massivement dans la recherche et le développement pour créer des produits qui soutiennent la transition énergétique, avec des tubes ayant de nouveaux usages dans les énergies renouvelables.”
Nous investissons massivement dans la recherche et le développement pour créer des produits qui soutiennent la transition énergétique, avec des tubes ayant de nouveaux usages dans les énergies renouvelables.
Géothermie, hydrogène, stockage de carbone… sont autant de pistes que vous explorez. Comment cela se matérialise-t-il sur le plan opérationnel ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Vallourec investit effectivement ces différents secteurs sous deux angles complémentaires. D’une part, Vallourec met à profit son expertise, son savoir-faire historique et la qualité de ses solutions tubulaires pour des applications liées aux Nouvelles Énergies. Les tubes premium que nous produisons ont des caractéristiques de résistance à la pression, à la température et à la corrosion, qui en font des solutions totalement adaptées à des applications comme la géothermie, l’hydrogène, le stockage du carbone ou la biomasse. L’objectif de Vallourec est que ces offres dédiées aux Énergies Nouvelles contribuent à hauteur de 10 à 15 % de son Résultat Brut d’Exploitation à l’horizon 2030.
D’autre part, Vallourec a mis au point, en interne, une solution dédiée au stockage d’hydrogène, baptisée Delphy. Ce projet est organisé comme une start-up, afin d’être agile et réactif pour nos clients sur un marché naissant. Nous avons ainsi inauguré, en décembre, à Aulnoye-Aymeries (Nord) à proximité de notre centre mondial de R&D, un démonstrateur de stockage vertical d’hydrogène gazeux comprimé. Première de ce type au monde, cette installation unique repose sur des tubes et des connexions déjà éprouvés en termes d’étanchéité et de résistance à la pression ou à la corrosion. Elle positionne Vallourec comme un acteur clé de la chaîne de valeur de l’hydrogène, et donc de la décarbonation au niveau mondial.
La solution Delphy consiste en un dispositif enterré capable de stocker jusqu’à 100 tonnes d’hydrogène gazeux dans des conditions de sécurité maximales. Le système s’adresse aux producteurs d’hydrogène vert, aux utilisateurs pour des applications industrielles et à la mobilité lourde.
Au-delà, quels sont les autres sujets et enjeux qui vous mobilisent sur vos marchés ?
Au-delà des transitions énergétiques et environnementales qui sont des perspectives de marché, la santé-sécurité de nos collaborateurs reste la priorité absolue pour Vallourec. Nous mettons en œuvre des programmes robustes pour garantir un environnement de travail sécurisé sur l’ensemble de nos sites à travers le monde. Avec notre feuille de route Santé Sécurité CAP 2030, nous nous fixons notamment pour objectif d’atteindre d’ici 2030 : zéro accident grave pouvant changer la vie et un taux d’accident, avec et sans arrêt de travail, inférieur à 0,2. C’est un engagement important qui mobilise l’ensemble de l’entreprise, et j’y suis particulièrement attentif.
En parallèle, la réindustrialisation reste un sujet stratégique en France et en Europe alors qu’elle ouvre, par ailleurs, des perspectives intéressantes en termes de décarbonation. Comment un acteur comme Vallourec se positionne dans ce cadre ?
Les différentes crises, sanitaires, géopolitiques, financières ou encore climatiques, ont fait prendre conscience de l’importance de la production industrielle en France et en Europe. La réindustrialisation est donc devenue un sujet majeur de préoccupation pour les États et pour les entreprises. Je suis convaincu que l’industrie a toujours sa place sur notre continent, à condition qu’elle remplisse deux critères indispensables : la proximité avec des marchés domestiques et une différenciation forte face à la concurrence mondiale grâce à l’innovation.
Sur cette base, Vallourec a accompli un important travail en matière d’empreinte industrielle pour se rapprocher de ses marchés. En parallèle, nous avons décidé de privilégier la valeur sur le volume, en misant sur la « premiumisation » qui est le moteur de notre différenciation commerciale. Cette transformation a permis de conserver des bases industrielles solides en France, sur notre site d’Aulnoye-Aymeries (Nord) avec une forge, outil unique en Europe capable de faire des tubes de formes, une unité de filetage hyper premium et notre centre de R&D mondial. C’est sur ce site que nous avons également développé les innovations du groupe en matière d’impression 3D métallique (WAAM), et notre démonstrateur de stockage d’hydrogène Delphy.
Enfin, cette réindustrialisation ne pourra réussir que si elle s’appuie sur des talents exceptionnels et attirés par l’industrie. Vallourec cherche sans cesse à être à la pointe de l’innovation, pour donner à ses collaborateurs la possibilité de s’épanouir dans de nouveaux projets au cœur du défi climatique, et ce, dans le cadre d’une carrière internationale.
Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs sur ces sujets de renaissance industrielle, de réindustrialisation et de décarbonation ?
Tous ces défis sont intimement liés. Ils constituent des opportunités uniques pour toute une génération. La renaissance industrielle doit s’appuyer sur l’innovation, sur la formation et sur le développement des compétences. La réindustrialisation ne doit pas seulement viser à reconstruire ce qui existait, mais à créer des industries plus intelligentes, plus vertes et plus résilientes. Enfin, la décarbonation nécessite des efforts concertés pour intégrer des technologies propres, améliorer l’efficacité énergétique et promouvoir une économie circulaire. Nous devons tous travailler ensemble pour cet avenir industriel durable. Cela nécessite des efforts des pouvoirs publics, des entreprises et des citoyens. Je ne crois pas à une nouvelle révolution industrielle, mais à une transition nécessaire et bénéfique pour tous.
“Vallourec est déterminé à jouer un rôle de premier plan dans cette transformation en s’appuyant sur son savoir-faire industriel unique, sur des équipes talentueuses et sur son engagement en faveur de l’innovation.”
Je suis optimiste quant à l’avenir de l’industrie en France et en Europe. Vallourec est déterminé à jouer un rôle de premier plan dans cette transformation en s’appuyant sur son savoir-faire industriel unique, sur des équipes talentueuses et sur son engagement en faveur de l’innovation.