Le spatial : un secteur aux multiples opportunités à découvrir
Aujourd’hui, le secteur spatial est à la croisée d’enjeux stratégiques, mais surtout passionnant pour les ingénieurs. Éric Poulain (X92), Director, Line of Business Satellite Systems & Operations chez Telespazio France, dresse pour nous un état des lieux des évolutions connues par le secteur et nous explique comment son entreprise se positionne entre les acteurs historiques et les nouveaux arrivants du New Space.
Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours professionnel ?
À ma sortie de l’École polytechnique, j’ai choisi d’intégrer le corps des ingénieurs de l’armement pour la variété des parcours techniques proposés par la DGA. J’ai, d’abord, fait mes premières armes en géographie numérique et imagerie satellitaire, avant d’élargir mon domaine de compétences et de me tourner vers l’international en rejoignant le ministère de l’Économie et des Finances, d’abord à Bercy pour travailler sur les accords régionaux dans le cadre de l’OMC, puis en tant qu’adjoint au chef de la mission économique de Washington. Ces années passées au contact des entreprises françaises m’ont donné envie de rejoindre le secteur privé. À partir de 2008, j’ai ainsi rejoint Thales Alenia Space où j’ai occupé différents postes de responsable de projets de télécommunications militaires, notamment la direction du programme Syracuse IV. Puis, j’ai rejoint Telespazio comme directeur du site de Kourou puis directeur de la line of business « Satellite Systems & Operations ».
Depuis 2008, vous évoluez donc dans le monde du spatial, un secteur en forte croissance et aux multiples perspectives de développement. Qu’en est-il ? Quelles sont les tendances qui redessinent actuellement les contours de ce secteur ?
Les technologies spatiales participent à l’apport de solutions pour répondre aux grands enjeux qui se posent à nos sociétés : la montée en puissance de la société de l’information, le besoin renforcé de connectivité, les questions sécuritaires, les défis environnementaux et la gestion des ressources naturelles…
Pendant des décennies, le domaine du spatial s’est développé en s’appuyant sur de grandes infrastructures telles que les agences spatiales et les grands groupes de l’industrie aéronautique. Aujourd’hui, l’écosystème s’est fortement développé et l’émergence du « New Space » impose de nouveaux modèles économiques qui privilégient l’innovation et entraîne une plus grande prise de risque. L’Europe tente aujourd’hui de rattraper son retard sur les États-Unis dans ce secteur. Plus particulièrement, les pouvoirs publics français ont fait le choix de soutenir massivement les jeunes PME qui tentent de se faire une place dans ce secteur.
Dans ce paysage du spatial, quel est le positionnement de Telespazio ?
Dans cet univers en pleine effervescence, Telespazio France a la chance d’allier la force des actionnaires du Groupe (Leonardo et Thales) à une structure à taille humaine d’environ 500 collaborateurs capable de s’adapter en permanence aux besoins de ses clients et aux évolutions de ce secteur.
Aujourd’hui, le positionnement de Telespazio s’articule autour de trois axes majeurs. Tout d’abord, renforcer notre statut d’opérateur de confiance, aussi bien dans le cadre des missions sensibles que nous confient aujourd’hui le CNES ou la Défense (support aux lancements sur la base de Kourou ou contrôle des satellites militaires par exemple), qu’au profit des acteurs du New Space à qui nous pouvons apporter les garanties nécessaires en termes de sécurité et de continuité des opérations, notamment pour les nouveaux services en orbite.
Ensuite, il s’agit aussi de développer notre stratégie « Build and Operate » qui consiste à capitaliser sur notre expérience d’opérateurs pour monter en compétence sur le développement de nouveaux systèmes sol, afin de mieux appréhender et répondre aux besoins des utilisateurs finaux.
Enfin, nous profitons également de l’avènement du New Space, qui offre de nouvelles possibilités de services, mais complexifie le paysage spatial pour les utilisateurs non experts, pour renforcer notre rôle de méta opérateur. Nous nous appuyons à la fois sur notre connaissance fine des besoins opérationnels des utilisateurs, comme la Défense, et sur notre agnosticité en termes de solutions spatiales pour faciliter l’interconnexion entre l’usage et la meilleure combinaison de solutions spatiales, de manière simple, performante et au juste prix.
Sur un plan personnel, quel est votre périmètre d’action ? Quels sont les projets et les sujets qui vous mobilisent ?
Mon travail consiste à piloter une ligne d’activité qui regroupe l’ensemble de nos opérations sur les sites de nos clients, dont le CNES en métropole et en Guyane, l’agence européenne EUSPA, les Armées…, ainsi que nos programmes de développement logiciel des moyens sol de systèmes spatiaux. En pratique, cela consiste en premier lieu à assurer l’excellence opérationnelle de nos services au profit de nos clients, que nous supportons sur des missions sensibles de service public comme les lancements, le contrôle de satellites, la navigation pour l’aviation… Je pilote aussi les équipes avant-vente et commerciales qui doivent assurer le développement de ces affaires avec nos clients historiques et explorer de nouvelles opportunités avec des acteurs du New Space auprès de qui nous pouvons jouer le rôle d’opérateur de confiance en leur permettant de sécuriser la réalisation de leurs missions.
Avec près de 200 personnes déployées sur la base de Kourou, Telespazio a notamment été pleinement mobilisée en faveur du lancement d’Ariane 6, et plus généralement sur les chantiers de transformation de la base pour la rendre plus compétitive. Par ailleurs, nous travaillons aussi pour des institutions européennes (ESA, EUSPA, Commission européenne) qui s’assurent de la bonne prise en compte des enjeux de durabilité, devenus désormais incontournables pour les activités spatiales.
Quelles sont les carrières que ce secteur peut offrir à des ingénieurs ? Quels sont plus particulièrement les atouts des X ?
Le secteur du spatial est un secteur en pleine mutation et les opportunités pour les jeunes ingénieurs sont bien évidemment nombreuses et passionnantes. Dans cet univers, Telespazio France est une entreprise en croissance avec de forts besoins de recrutement dans les domaines du management, de l’ingénierie, de l’intégration, de la gestion de projet… De manière plus générale, le Groupe Telespazio qui a un réseau de filiales implantées dans 9 pays offre des perspectives de mobilité internationale variées.
“L’avènement du New Space ouvre également la voie à de nouvelles compétences, comme l’intelligence artificielle ou la science des données, et à de nouvelles approches.”
Une solide formation scientifique, telle que celle que propose l’X, est bien évidemment un atout majeur pour évoluer dans un secteur de haute technologie comme le spatial. L’avènement du New Space ouvre également la voie à de nouvelles compétences, comme l’intelligence artificielle ou la science des données, et à de nouvelles approches. Des ingénieurs capables d’allier rigueur scientifique et esprit entrepreneurial peuvent s’épanouir dans cet environnement mouvant.
Aujourd’hui, comment capitalisez-vous encore sur les acquis de votre formation à l’X ?
Au-delà de compétences scientifiques pluridisciplinaires, l’X m’a surtout apporté une grande rigueur dans l’approche des sujets complexes auxquels je suis régulièrement confronté. Je crois que l’environnement militaire a aussi développé chez moi une appétence à évoluer dans un secteur clé pour notre souveraineté nationale. Enfin, mes études à l’X resteront une formidable aventure humaine grâce à la diversité et la richesse des rencontres que j’y ai faites.