« En finir avec l’ébriété numérique »
Si le numérique peut contribuer à faire baisser l’empreinte carbone et environnementale des entreprises, l’explosion des usages numériques contribue néanmoins à la croissance drastique de l’empreinte du secteur venant même à en occulter les effets positifs. Pour aider les entreprises à trouver un juste équilibre, Aguaro les aide à développer leur sobriété numérique. Explications de Matthieu Poulard, cofondateur d’Aguaro.
Quels sont les constats qui ont mené à la création d’Aguaro ?
Dès 2018, nous avons fait le constat que les grandes entreprises et organisations n’arrivaient pas à sortir des logiques de reporting RSE, et aujourd’hui ESG, afin de s’inscrire dans une démarche de transformation essentielle à la réussite des transitions, notamment environnementale et énergétique, et à la lutte contre le réchauffement climatique.
Cette situation s’explique notamment par l’absence d’outils leur permettant de piloter et de gérer leur empreinte carbone et environnementale à chaque niveau de leur organisation, alors que les opérationnels sont les mieux placés pour optimiser, piloter et réduire cette empreinte. Par ailleurs, les rares outils disponibles sur le marché ne couvrent pas ce niveau opérationnel qui est pourtant moteur dans une démarche de transformation des pratiques.
À partir de là, nous avons fait le choix de développer une solution destinée aux grandes entreprises et organisations qui ont la capacité à entraîner avec elles, dans cette transformation, leur écosystème et toutes leurs différentes parties prenantes. Au-delà, il s’agit aussi de rendre chaque département de l’organisation autonome dans la gestion et le pilotage de leurs coûts environnementaux, comme ils le sont déjà pour leurs coûts financiers !
Enfin, nous avons également fait le choix de nous concentrer, d’abord, sur la DSI et les services informatiques au regard de l’impact environnemental croissant du numérique et de la prise en compte tardive des enjeux environnementaux par ce secteur.
Au-delà, Aguaro est aussi le fruit de la rencontre de 4 associés aux compétences et savoir-faire complémentaires. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En effet, Aguaro est avant tout une aventure humaine, mais aussi la rencontre fortuite entre deux univers : le numérique et l’environnement. Plus particulièrement, avec Thibaut Hag, nous avons une expérience de plus de 15 ans dans l’accompagnement de la transformation numérique des entreprises. Boris Bailly a, quant à lui, un parcours d’une dizaine d’années à l’ADEME. Et, il est aussi le cofondateur de I Care, une société de conseil spécialisée dans l’environnement qui a été acquise par BearingPoint en 2022. Et enfin, Toovalu qui est un éditeur spécialisé dans l’ESG et la stratégie climat sur le marché des PME et des ETI.
Depuis, Aguaro poursuit son développement grâce aux nombreuses personnes qui nous ont rejoints et contribuent au quotidien au développement de nos solutions.
Au cœur de votre positionnement, on retrouve donc la volonté de mettre à la disposition des entreprises des services numériques bas carbone et plus responsables. Qu’est-ce que cela implique en termes de métiers et d’expertise ?
Comme précédemment mentionné, nous sommes à la croisée du numérique et de l’environnement, mais aussi un acteur de la conduite du changement et de la transformation des entreprises grâce à notre solution qui leur permet de mieux piloter, gérer et optimiser leur empreinte carbone et environnementale. À date, nous avons, d’ailleurs, sous contrôle 800 000 tCO2 eq.
Depuis le début de la commercialisation de notre solution, mi-2021, nous accompagnons de nombreuses entreprises opérant dans différents secteurs (grande distribution, finance, banque, assurance, industries…) dans leur démarche de sobriété numérique. Aujourd’hui, nous comptons notamment parmi nos clients, Bordeaux Métropole, La Banque Postale, le Crédit Agricole, BNP Paribas ou encore Michelin que nous accompagnons dans 170 pays. Enfin, actuellement, nous renforçons notre positionnement en France et nous nous développons en Europe, notamment en Belgique, mais aussi en Suisse et au Royaume-Uni.
Concrètement, qu’est-ce que votre solution permet d’accomplir en termes de sobriété numérique ?
Notre solution permet à une DSI de piloter toute la chaîne de valeur de la sobriété numérique grâce à un système intégré qui couvre :
- La mesure dans la durée et de manière régulière et automatisée de leur empreinte environnementale : cette démarche de quantification est globale et couvre tout le périmètre d’action de la DSI (équipements, transports, services…). Certifiés Méthode Bilan Carbone, nous fournissons ainsi aux DSI des rapports conformes et sous différents formats (BEGES, Bilan Carbone, GHG Protocol…). Ces livrables sont aussi actionnables, auditables et peuvent être intégrés dans les outils de reporting utilisés par l’entreprise ;
- La modélisation et la simulation afin de pouvoir comparer différents scénarios et, in fine, déterminer la stratégie et les objectifs les plus pertinents ;
- Les actions : notre solution inclut un moteur de recommandations automatique en mesure de proposer des actions quantifiées ;
- La déclinaison et le suivi du plan d’action au niveau de chaque équipe opérationnelle ;
- La communication personnalisée autour de la démarche de sobriété numérique et des résultats obtenus aussi bien en interne que vis-à-vis des parties prenantes extérieures.
Notre solution est disponible en version SaaS et en version Add-on ServiceNow. La démarche peut être facilement déclinée à tous les niveaux de l’organisation, mais aussi par pays, projets, fournisseur ou application afin d’avoir un pilotage le plus fin possible, alors que notre solution permet aussi de consolider l’ensemble dans des tableaux de bord personnalisés par persona.
Quels en sont les bénéfices et le ROI pour les entreprises ?
Ils sont multiples. Notre système contribue à limiter significativement les risques réglementaires, fiabilise l’empreinte des entreprises et assure son auditabilité. Il permet aussi de limiter le risque réputationnel en interne et en externe.
Grâce à l’automatisation de plusieurs maillons de la chaîne de valeur, dont la mesure régulière de l’empreinte environnementale, notre solution permet aux entreprises de gagner du temps et de recentrer leurs équipes sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Au-delà, elle donne les moyens aux entreprises de sécuriser l’atteinte de leurs objectifs et de ternir leur trajectoire. Enfin, elle permet aussi de faire de la sobriété énergétique un vecteur de gain financier. Cette démarche permet, en effet, à l’entreprise de s’inscrire dans une logique de rationalisation voire de baisse des achats et de leur consommation d’électricité.
Aujourd’hui, comment vous projetez-vous sur le marché ?
Dans un contexte marqué par une réglementation plus stricte en matière d’ESG avec notamment l’entrée en vigueur de la CSRD, de plus en plus de grands et nouveaux acteurs du digital se positionnent sur le marché de la sobriété numérique.
Aguaro reste fidèle à sa vocation première : proposer des solutions qui vont au-delà du reporting et qui vont permettre aux entreprises de véritablement prendre en compte les enjeux environnementaux dans leurs pratiques quotidiennes afin de pouvoir se transformer et pérenniser leur activité. Aujourd’hui, nous sommes confortés dans notre choix par les retours et les témoignages de nos clients, mais aussi par la reconnaissance de certains acteurs comme IDC.
Néanmoins, nous restons prudents et modestes, car le chemin est long et l’enjeu auquel nous nous attaquons nous dépasse largement !
En matière de sobriété numérique, quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs ?
Né dans les années 80, jusque-là, j’avais une vision assez romantique de l’informatique et des « geeks » qui allaient révolutionner le monde.
Aujourd’hui, si la réalité dépasse parfois tout ce que j’avais pu imaginer enfant, il me semble important de questionner les impacts sociaux, sociétaux et environnementaux de toutes ces disruptions qui se sont succédé. Nous vivons dans un monde où l’accès à la connaissance s’est noyé dans un océan de données et de fake news. En outre, bercés par l’illusion de la dématérialisation et de la virtualisation, l’informatique et le secteur du numérique ne sont pas réellement préoccupés de leurs impacts environnementaux, alors qu’il s’agit du secteur qui enregistre la plus grosse croissance de gaz à effet de serre !
La sobriété numérique, qui se définit par antagonisme à l’ébriété actuelle en matière de consommation et de développement de produits et de services numériques, nous pousse donc à nous reconcentrer sur ce qui compte vraiment en tant qu’individu, entreprise et société. Ce constat est encore plus criant dans un contexte où l’accélération du développement de l’IA pose des enjeux environnementaux et humains.