SOPHT accélère la décarbonation de l’IT !
Responsable d’une part importante et croissante des gaz à effet de serre, la décarbonation du numérique représente aujourd’hui un enjeu clé. SOPHT s’attaque à cette problématique en mettant à la disposition des entreprises et de leur DSI des solutions pour analyser, piloter et réduire l’impact environnemental de leur activité numérique. Explication de Julien Rouzé, cofondateur de la start-up.
Quels sont les défis que pose la décarbonation de l’IT ?
Le numérique est le facteur d’impact sur l’environnement qui augmente le plus vite depuis quelques années. Aujourd’hui, on estime que le numérique représente environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau global. D’après le Shift Project, si la tendance se poursuit, le secteur devrait émettre près de 10 % des émissions, ce qui est équivalent à l’empreinte de l’industrie automobile et classerait le secteur, derrière la Chine et les États-Unis, si c’était un pays !
Un des principaux défis de nos sociétés est donc d’essayer d’inverser cette dynamique et de freiner, in fine, l’explosion des usages numériques tous azimuts !
Dans cette démarche, il s’agit aussi de casser certaines idées préconçues. Pendant très longtemps, le digital a été présenté comme quelque chose d’immatériel qui n’avait pas d’impact sur la planète. Or, la réalité est tout autre. Prenons un exemple. Un smartphone, c’est des tonnes de terres rares excavées et traitées chimiquement avec des volumes considérables d’eau entraînant un véritable stress hydrique autour de l’industrie numérique. Ces téléphones sont ensuite produits en Asie, généralement en Chine, avant d’être exportés vers les pays occidentaux. Si cette pollution est plus difficile à matérialiser que les émissions d’une voiture ou la fumée qui s’échappe des cheminées des usines, elle est pourtant bien réelle !
Quel est le niveau de maturité des entreprises ? Quels sont, selon vous, les freins à une pleine conscience et prise en main de ce sujet ?
Sur les 5 à 10 dernières années, le niveau de maturité a fortement augmenté. De plus en plus d’entreprises déploient des dispositifs comme la fresque du numérique, se dotent d’un Green IT Manager ou d’un Sustainable IT Manager, qui est directement rattaché à la DSI et qui est donc à la croisée des enjeux de durabilité et de la politique RSE des entreprises. Sa mission principale est de comprendre, mesurer, piloter et réduire l’empreinte environnementale du numérique de l’entreprise. En parallèle, il y a également un cadre réglementaire qui est en train de se structurer et qui a vocation à insuffler une dynamique vertueuse en matière de décarbonation. On peut notamment citer la CSRD qui oblige les entreprises à réaliser un reporting extra-financier, qui va notamment documenter l’empreinte environnementale.
Dans ce contexte, quel est le positionnement de votre entreprise ?
SOPHT adresse le segment des grandes entreprises et des ETI. En effet, nous pensons que, pour outiller sa démarche de réduction de l’empreinte environnementale du numérique, il faut une taille critique au sein de la DSI. Néanmoins, les PME s’engagent également dans cette démarche visant à décarboner l’IT.
Aujourd’hui, nous travaillons ainsi avec des banques, des assurances, des entreprises de services, mais également, à notre grande surprise, des acteurs de l’industrie, notamment manufacturière. En effet, l’empreinte carbone de leur IT représente moins de 5 % en moyenne contre 30 à 40 % pour une entreprise du monde des services !
Concrètement, SOPHT a vu le jour en décembre 2021. Aujourd’hui, nous sommes une trentaine de personnes essentiellement basées à Paris et Lyon. Nous sommes certifiés B‑CORP et Solar Impulse – Efficient Solution.
Comment se matérialise votre accompagnement ?
SOPHT est un éditeur de logiciels et de solutions que nous mettons à la disposition des entreprises et de leurs DSI plus particulièrement. Nos solutions industrialisent et automatisent la collecte et l’agrégation de la donnée nécessaire à la quantification et la qualification de l’empreinte environnementale à tous les niveaux de l’organisation en s’interfaçant avec l’ensemble des outils de l’entreprise. À partir de là, nous transformons cette donnée d’activité en données environnementales afin d’offrir à l’entreprise une observabilité à 360° de son empreinte et d’identifier les leviers d’action les plus pertinents pour réduire son impact.
Pour initier une démarche de conduite de changement, nous allons accompagner les entreprises dans la structuration de leur trajectoire de décarbonation en prenant en compte leur profil, leur activité et l’analyse de leurs données. L’enjeu est d’éclairer leurs décisions pour activer les bons leviers et obtenir des gains avérés. C’est, par exemple, déplacer son cloud de l’Allemagne à la France, qui a une énergie électrique plus décarbonée que son voisin allemand. Dans cette démarche, nous mettons à leur disposition des outils, dont des simulateurs, afin de pouvoir étudier plusieurs scénarios et trouver le plan d’action le plus efficient. Il s’agit aussi d’aider les entreprises à se fixer des objectifs en matière de décarbonation, mais également sur un plan financier.
« Nous accompagnons les entreprises dans la structuration de leur trajectoire de décarbonation en prenant en compte leur profil. »
Nous couvrons véritablement toute la chaîne de valeur : le diagnostic, l’élaboration du plan d’action adossé à des objectifs, le pilotage et le suivi dans la durée afin d’accompagner cette démarche de décarbonation au travers de nos customer success managers ou nos partenaires (intégrateurs et cabinets de conseil). En moyenne, nos clients atteignent très rapidement des taux de décarbonation de 30 à 40 % par rapport à l’évaluation initiale de leur empreinte environnementale. Dans cette démarche, nous arrivons à simuler des taux de décarbonation compris entre 30 et 40 % par rapport à l’évaluation initiale de leur empreinte environnementale.
Au-delà, nous nouons aussi des partenariats avec les cabinets de conseil qui accompagnent les entreprises autour de ces sujets de décarbonation en nous positionnant comme un fournisseur de solutions.
Pouvez-vous nous partager des cas d’usage ?
Un cas d’usage emblématique est le pilotage de l’empreinte environnementale du parc applicatif des entreprises. Aujourd’hui, les entreprises développent et produisent des volumes considérables d’applications pour leur usage interne et au service de leurs clients. C’est, par exemple, l’application de votre banque, de votre assurance ou encore de votre opérateur téléphonique.
De plus en plus d’entreprises nous demandent de mesurer l’impact de ces applications de bout en bout, depuis le téléphone du consommateur en passant par le réseau jusqu’au data center où sont hébergées les données. Dans cette démarche, nous avons mis au point une grille de scoring pour pouvoir comparer les applications entre elles et identifier les leviers d’amélioration. Jusque-là, ces applications étaient évaluées au regard de leur performance et de leur coût, aujourd’hui, elles le sont aussi au travers du prisme environnemental.
Aujourd’hui, quelles sont les pistes que vous explorez ?
Nous travaillons sur plusieurs axes. On peut notamment citer le gaspillage qui est un puissant levier d’optimisation qui n’est pas assez considéré, à notre sens. En parallèle, nous sommes fortement engagés en faveur de la démocratisation et de la compréhension des enjeux de la pollution numérique. Aujourd’hui, la DSI se concentre essentiellement sur 3 critères : la sécurité, la performance et le budget. L’enjeu est qu’elles intègrent la dimension environnementale comme le 4e enjeu qui doit les mobiliser au quotidien. Au-delà, nous aidons également les entreprises à concilier avancée technologique et conscience écologique dans un contexte marqué par une accélération du déploiement de l’IA générative. Nous essayons de les accompagner dans une consommation plus sobre et frugale de ces technologies.
Quelles sont vos perspectives de développement ?
SOPHT s’inscrit dans un modèle de start-up et des ambitions très fortes de développement sur ce marché encore relativement émergent. Sur les trois prochaines années, notre objectif est de tripler notre chiffre d’affaires chaque année. Nous accélérons les recrutements et visons une équipe d’une quarantaine de personnes d’ici fin 2025. Par ailleurs, nous avons lancé notre déploiement à l’international avec un focus sur l’Europe. Nous avons déjà nos premiers clients en Hollande, notamment.
Pour conclure, quels sont les efforts qu’il nous faut encore fournir pour que le Green IT soit un levier efficace de la décarbonation ?
La réglementation a un rôle clé à jouer dans ce cadre, même si les entreprises gagnent en maturité et que la prise de conscience collective semble plus marquée. Nous sommes aussi face à un véritable changement de culture et de nos modes de consommation afin d’aller vers plus de sobriété et de frugalité. Il faut accompagner cette tendance avec beaucoup de pédagogie.
Au-delà, il est important que ces sujets et ces enjeux soient abordés avec plus de transparence. Aujourd’hui, nous entendons beaucoup parler des cloud services providers et de leurs data centers qui artificialisent les sols, utilisent des volumes gigantesques d’eau et d’électricité. Il en est de même pour les fabricants de matériel qui ne sont pas très transparents sur leurs données. Cette opacité complexifie la collecte de la donnée et son interprétation qui sont pourtant nécessaires pour déterminer les bons leviers à actionner pour une décarbonation efficiente de l’IT.