Bien plus qu’un producteur d’énergie renouvelable, un acteur engagé au service de la transition énergétique

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Camille VANDENBEUCK

Camille Van­den­beuck, Direc­trice géné­rale délé­guée de H2air, nous pré­sente son entre­prise et son posi­tion­ne­ment dans le sec­teur des éner­gies renou­ve­lables. Elle nous en dit éga­le­ment sur la com­plexi­té du métier de déve­lop­peur de pro­jets à la croi­sée d’enjeux struc­tu­rants. Elle revient aus­si sur le recru­te­ment et la fémi­ni­sa­tion des métiers de son sec­teur, un sujet qui lui tient par­ti­cu­liè­re­ment à cœur. Entretien.

Quels sont les métiers de H2air ? 

H2air est un pro­duc­teur indé­pen­dant d’électricité renou­ve­lable qui couvre toute la chaîne de valeur et de créa­tion de pro­jets d’électricité renou­ve­lable, du déve­lop­pe­ment à la construc­tion, en pas­sant par l’exploitation, le finan­ce­ment et l’exploitation pour des pro­jets d’éolien et de solaire pho­to­vol­taïque au sol. 

Nous avons fait le choix d’être pro­duc­teur, et non pas seule­ment déve­lop­peur et ven­deur, afin d’avoir un posi­tion­ne­ment plus large sur le mar­ché de l’électricité. En ce sens, nous sommes donc des pro­duc­teurs qui dis­posent d’un parc d’actifs qui nous per­met d’avoir des reve­nus constants, et, in fine, une assise finan­cière plus importante.

En paral­lèle, parce que nous cou­vrons toutes les étapes clés de la vie d’un pro­jet de pro­duc­tion d’électricité renou­ve­lable, nous pou­vons nous ins­crire dans une démarche d’amélioration conti­nue en tirant par­ti des retours d’expérience de nos dif­fé­rents actifs. 

Au-delà de cette dyna­mique posi­tive, nous sommes aus­si un acteur indé­pen­dant, ce qui nous per­met d’avoir une cer­taine agi­li­té, flexi­bi­li­té et auto­no­mie dans nos prises de décision. 

His­to­ri­que­ment, H2air a vu le jour en 2008, avec un posi­tion­ne­ment ini­tial, sur l’éolien. En 2011, nous avions déjà 150 Méga­watts d’éolien auto­ri­sé. En 2018, nous avons élar­gi notre péri­mètre d’action au solaire pho­to­vol­taïque au sol. Depuis, nous avons lan­cé notre déve­lop­pe­ment à l’international avec l’ouverture d’une pre­mière filiale en Roumanie.

« Nous avons fait le choix d’être producteur, et non pas seulement développeur et vendeur, afin d’avoir un positionnement plus large sur le marché de l’électricité. »

Aujourd’hui, nous nous inté­res­sons aux solu­tions et aux tech­no­lo­gies de sto­ckage. Nous avons, d’ailleurs, des pro­jets de déve­lop­pe­ment de sto­ckage en cours, ce qui nous per­met d’avoir un rôle plus large dans la tran­si­tion éner­gé­tique qui va au-delà de la pro­duc­tion d’énergie renouvelable. 

Notre stra­té­gie aujourd’hui s’articule essen­tiel­le­ment autour de deux axes : pour­suivre notre crois­sance et diver­si­fier nos acti­vi­tés pour in fine diver­si­fier les reve­nus, mais éga­le­ment les risques ! En effet, si l’éolien per­met de géné­rer des reve­nus plus impor­tants que le solaire, les temps de déve­lop­pe­ment res­tent rela­ti­ve­ment plus longs. Inver­se­ment, les pro­jets pho­to­vol­taïques sont déployés plus rapi­de­ment, mais génèrent des reve­nus moins consé­quents. Ce posi­tion­ne­ment dual nous per­met donc d’assurer un cer­tain équilibre.

Aujourd’hui, H2air emploie 160 per­sonnes répar­ties dans nos neuf agences, notam­ment à Amiens, qui est aus­si notre siège social, à Nan­cy, à Caen, à La Rochelle, à Tou­louse, à Bor­deaux, à Aix-en-Pro­vence… 40 % de notre effec­tif est dédié au déve­lop­pe­ment des projets.

Depuis le lan­ce­ment de notre acti­vi­té, nous avons construit l’équivalent de presque 0,5 GW de puis­sance. À date, nous exploi­tons encore un peu plus de 200 MW en propre, le reste des pro­jets ayant été cédés.

Revenons plus particulièrement sur les maillons de la chaîne de valeur que vous couvrez. 

Nous sommes des spé­cia­listes du déve­lop­pe­ment de pro­jet d’énergie renou­ve­lable. Dans la chaîne de valeur, c’est le maillon le plus ris­qué, mais aus­si l’étape la plus longue dans un pro­jet. Par exemple, en France, pour un pro­jet éolien, entre le moment où le fon­cier est iden­ti­fié et le déve­lop­pe­ment, puis la mise en ser­vice du parc éolien, il va s’écouler entre 8 et 15 ans. Sur ces pro­jets, la prin­ci­pale dif­fi­cul­té réside dans l’obtention des auto­ri­sa­tions admi­nis­tra­tives dans un contexte mar­qué par des contraintes envi­ron­ne­men­tales crois­santes et des attentes plus fortes en matière d’études d’impact. À titre indi­ca­tif, depuis le début de notre acti­vi­té en 2008, nous avons dû nous adap­ter à trois chan­ge­ments de régime administratif !

Une fois l’autorisation obte­nue et pur­gée de tout recours admi­nis­tra­tif, nous lan­çons la phase de construc­tion, le rac­cor­de­ment et la sécu­ri­sa­tion du tarif de vente de l’électricité qui sera pro­duite par le site. À par­tir de là, en lien avec les acteurs ban­caires, nous sécu­ri­sons le finan­ce­ment du pro­jet et pou­vons être ame­nés à inves­tir en fonds propre dans les pro­jets pour com­plé­ter le finan­ce­ment bancaire.

Une fois l’ensemble de ses étapes fina­li­sées, l’équipe de construc­tion prend le relais. La durée moyenne de la construc­tion d’un pro­jet d’éolien varie de 1 à 1 an et demi. Pour un pro­jet solaire, nous sommes sur une durée moyenne de 6 à 9 mois selon la taille du projet.

« Nous sommes des spécialistes du développement de projet d’énergie renouvelable. »

Inter­vient ensuite la mise en ser­vice, dans le cadre de laquelle sont mobi­li­sées nos équipes de ges­tion tech­nique et admi­nis­tra­tive pour coor­don­ner l’entente entre les pres­ta­taires, moni­to­rer la dis­po­ni­bi­li­té des parcs, réa­li­ser les repor­tings finan­ciers et tech­niques et garan­tir la confor­mi­té avec toutes les exi­gences envi­ron­ne­men­tales et administratives. 

Nous sommes posi­tion­nés sur un métier extrê­me­ment com­plexe à la croi­sée d’enjeux admi­nis­tra­tifs, poli­tiques, envi­ron­ne­men­taux et industriels. 

Aujourd’hui, nous avons dans notre pipe près de 150 pro­jets aux enjeux divers et variés. Au-delà, il s’agit aus­si d’assurer la ges­tion et l’exploitation de ces pro­jets sur une durée moyenne de 20 à 30 ans, en lien avec l’ensemble des par­ties pre­nantes, et dans un contexte régle­men­taire mou­vant face auquel il nous faut être par­ti­cu­liè­re­ment réac­tif et flexible. 

Pour rele­ver l’ensemble de ces défis, nous avons la chance de pou­voir nous appuyer sur nos équipes, des hommes et des femmes aux com­pé­tences et exper­tises plu­rielles, enga­gées au ser­vice de la réus­site de l’ensemble de nos projets. 

Quelques mots sur vos principaux projets.

En 2008, alors que l’entreprise venait de voir le jour, avec une équipe de 8 per­sonnes, H2air a lan­cé le pro­jet Seine Rive Nord (SNR), un parc éolien d’une puis­sance de 75 MW mis en ser­vice en 2015. Co-déve­lop­pé avec Nor­dex, le pro­jet a été direc­te­ment rac­cor­dé à RTE, ce qui, à l’époque, a ajou­té une com­plexi­té tech­nique sup­plé­men­taire. En effet, H2air a pris en charge la construc­tion du poste de trans­for­ma­tion qui trans­forme donc la basse et moyenne ten­sion en haute tension.

Il s’agit, par ailleurs, d’une exper­tise assez rare sur le mar­ché qui est deve­nue au fil des années une de nos forces. D’ailleurs, en 2019, nous avons de nou­veau rele­vé le défi avec le parc éolien des Tulipes pour lequel nous avons dimen­sion­né, construit et mis en ser­vice un poste de trans­for­ma­tion. Aujourd’hui, nous exploi­tons trois postes pri­vés sur des pro­jets dif­fé­rents. Depuis 2024, nous déve­lop­pons éga­le­ment l’activité de rac­cor­de­ment de confrères en rac­cor­dant sur nos postes de trans­for­ma­tion leurs pro­jets éoliens. Nous sommes par­ti­cu­liè­re­ment fiers d’avoir réus­si à rele­ver ce défi et d’en avoir fait un vec­teur de dif­fé­ren­cia­tion sur le marché !

Alors que la décarbonation s’accélère, quels sont vos objectifs et vos enjeux ?

Pen­dant très long­temps, en France, nous avons eu ten­dance à oppo­ser le nucléaire et les renou­ve­lables. Aujourd’hui, nous allons de plus en plus vers un consen­sus autour de la néces­si­té d’avoir un mix éner­gé­tique, renou­ve­lable et plu­riel. Plus concrè­te­ment, les éner­gies renou­ve­lables peuvent être déployées rapi­de­ment et à un coût com­pé­ti­tif, alors que les cycles du nucléaire res­tent rela­ti­ve­ment plus longs.

Néan­moins, pour pas­ser à l’échelle et déve­lop­per plus de pro­jets renou­ve­lables, il y a un tra­vail mené au niveau de l’obtention des auto­ri­sa­tions. Si la loi sur l’accélération des renou­ve­lables illustre la volon­té poli­tique d’aller plus vite dans le déploie­ment des renou­ve­lables, il nous semble néces­saire que cette volon­té se tra­duise véri­ta­ble­ment à l’échelle régio­nale et ter­ri­to­riale.

Dans cette conti­nui­té, se pose aus­si la ques­tion de la concer­ta­tion et de la néces­si­té d’amener toutes les par­ties pre­nantes locales à adhé­rer à ces pro­jets. Nous pen­sons qu’une inter­ven­tion de l’État est néces­saire pour appuyer la stra­té­gie natio­nale au niveau régio­nal. Il nous semble aus­si impor­tant que les pré­fets contri­buent à cette volon­té d’accélérer le déploie­ment des éner­gies renou­ve­lables en flui­di­fiant et sim­pli­fiant le trai­te­ment des autorisations.

D’ici 2030, notre objec­tif est de cou­vrir 1,5 % de la consom­ma­tion d’électricité natio­nale avec les pro­jets que nous aurons déve­lop­pés. Pour accom­pa­gner cette mon­tée en cadence, depuis 2015, nous avons mul­ti­plié les recru­te­ments et sommes pas­sés de 20 à plus de 160 per­sonnes, ce qui nous a per­mis d’élargir notre sec­teur géo­gra­phique de pros­pec­tion, avec l’ouverture de nou­velles agences, et d’augmenter le volume de pro­jet que nous pou­vons gérer en parallèle.

Alors que le secteur peine à recruter, se pose également la question de la féminisation des métiers. Comment appréhendez-vous ce sujet ? 

À l’instar de nom­breux sec­teurs d’activité, nous avons, en effet, des dif­fi­cul­tés à recru­ter, notam­ment des femmes. Nous sommes posi­tion­nés sur une acti­vi­té rela­ti­ve­ment récente alors que les écoles et les uni­ver­si­tés com­mencent à peine à ouvrir des mas­ters spé­cia­li­sés dans les éner­gies renou­ve­lables. En effet, il n’existe pas beau­coup de cur­sus spé­ci­fiques qui forment à nos métiers, ce qui com­plexi­fie le recrutement. 

De plus, notre indus­trie s’est signi­fi­ca­ti­ve­ment déve­lop­pée au cours des der­nières années, ce qui entraîne des ten­sions sur de nom­breux métiers. Nous devons faire preuve de flexi­bi­li­té afin de trou­ver des talents issus d’autres indus­tries, mais qui ont des com­pé­tences adap­tables à nos métiers. En paral­lèle, nous inves­tis­sons beau­coup dans la mon­tée en com­pé­tence et la for­ma­tion de nos col­la­bo­ra­teurs. Néan­moins, pour de jeunes ingé­nieurs, nos métiers offrent de très belles tra­jec­toires de déve­lop­pe­ment professionnel.

Comme beau­coup de sec­teurs, nous pei­nons à atti­rer les femmes dans nos métiers. Cela s’explique notam­ment par le fait qu’encore aujourd’hui la pro­por­tion de femmes dans les écoles d’ingénieur reste très limi­tée, alors que celles qui optent pour des écoles de com­merce ne vont pas for­cé­ment choi­sir les métiers de la finance.

À notre niveau, nous essayons de valo­ri­ser nos métiers auprès des com­pé­tences fémi­nines, de mettre en avant des par­cours et de créer des « rôles modèles » fémi­nins pour sus­ci­ter des car­rières. Nous avons aus­si adap­té nos pro­ces­sus de recru­te­ment, afin d’avoir sur chaque poste ouvert au mini­mum le choix entre un homme et une femme sur la der­nière ligne droite.

Quelles sont justement les perspectives de carrière que vous offrez aux ingénieurs ?

Nous recher­chons des experts et des pro­fils opé­ra­tion­nels sur l’ensemble de nos métiers. Nous offrons des par­cours de car­rière très flexibles avec des pas­se­relles entre les dif­fé­rentes fonc­tions. Ain­si, un ingé­nieur peut com­men­cer sur des fonc­tions tech­niques ou finan­cières et évo­luer vers de la ges­tion de pro­jet, un rôle plus com­mer­cial ou bien du mana­ge­ment d’équipe. Contrai­re­ment aux indus­tries plus matures et aux grands groupes, chez H2air, qui reste à taille humaine, les jeunes ingé­nieurs se voient confiés des tâches très diver­si­fiées et trans­verses, et peuvent prendre des res­pon­sa­bi­li­tés beau­coup plus rapidement. 

Poster un commentaire