Sollys, un avenir très prometteur
Pierre-Louis Lee, président confondateur et directeur technique de Sollys, a développé un concept de centrale solaire clé en main à destination des industriels et des collectivités pour décarboner leurs besoins en chaleur. Avec ses associés Antony Di Rosa et Olivier Conrad, il a fondé Sollys en 2023 après plusieurs années de recherches et d’investigations. Rencontre.
Comment est né Sollys ?
Sollys est né du double constat suivant : la chaleur est la grande oubliée de la transition énergétique, la technologie solaire à concentration (ou CSP en anglais, pour Concentrated Solar Power) possède un fort potentiel mais n’est pas assez développée. On a beaucoup développé les énergies renouvelables sur l’électricité. Pourtant, la chaleur représente 50 % de notre consommation finale d’énergie, ce qui est considérable et n’est que très rarement abordé. Dans l’industrie, cela va même au-delà, car 50 à 75 % de l’énergie consommée l’est sous forme de chaleur, comme dans les procédés agroalimentaires de séchage, pasteurisation, cuisson… ou encore dans divers procédés chimiques qui nous permettent d’obtenir les objets et les matières que nous utilisons tous les jours.
Vous êtes dans ce cadre-là retenus par l’incubateur X‑UP. Expliquez-nous…
En effet, l’incubateur X‑UP accepte des porteurs de projets de toute provenance. Nous avons été retenus pour notre projet. Il offre la possibilité de profiter d’une formation très poussée à l’entrepreneuriat, où de nombreux ateliers avec des experts sont organisés (comptables, avocats, assureurs, anciens chefs d’entreprise…). L’incubateur nous accompagne dans la réalisation du projet et nous pouvons nous appuyer sur le vaste réseau de Polytechnique. Nous disposons également d’un soutien d’ordre financier car une bourse est accordée aux lauréats du programme. Enfin, leur accompagnement va bien au-delà de ces aspects car ils organisent plusieurs journées de rencontre avec des investisseurs.
En quoi consiste le projet ?
Avec mes deux associés Antony Di Rosa, directeur commercial, et Olivier Conrad, directeur des opérations, nous développons des projets de centrales solaires thermiques clé en main à destination des industriels et des collectivités, pour décarboner leurs besoins en chaleur. Nous avons la volonté de mettre en place le même modèle que ce qui peut se faire sur des parcs éoliens ou photovoltaïques. L’idée est d’être le tiers de confiance qui s’occupe de tout. Nous faisons le lien entre les industriels et les fournisseurs de matériels.
Autre volet de notre activité : nous sommes en train de développer notre propre stockage d’énergie, un levier important du déploiement des renouvelables. En effet, nous sommes convaincus que le stockage d’énergie sera la clé de voûte de la transition, car il permettra non seulement de compenser l’intermittence de la ressource solaire, mais aussi d’augmenter le productible. Nous travaillons actuellement avec un laboratoire du CNRS sur un prototype de stockage de chaleur.
Quelle technologie utilisez-vous pour développer ces centrales solaires thermiques à concentration ?
Le principe consiste à utiliser des miroirs mobiles qui concentrent le rayonnement solaire sur un réseau de tubes récepteurs. À l’intérieur de ces tubes circule un fluide – de la vapeur d’eau – qui va pouvoir être chauffé à l’aide du rayonnement solaire concentré. Un module de stockage indépendant permet de transférer la chaleur de la vapeur d’eau vers un médium solide, puis de retransférer la chaleur du solide vers la vapeur d’eau à la demande, pour ensuite être utilisée dans divers procédés.
Quel est l’intérêt ?
L’intérêt du stockage avec un matériau solide – qui se rapproche du sable – est sa forte densité, qui le rend capable de stocker l’énergie de manière économiquement viable et économe en ressources : nous n’utilisons pas de terres rares ou de matériaux spécifiques comme le lithium dans les batteries électriques. Le stockage se fait uniquement par chaleur sensible, c’est-à-dire uniquement avec l’élévation de la température du médium.
Nos centrales sont low-tech et utilisent surtout des métaux abondants (acier, aluminium) et du verre pour les miroirs ; elles constituent donc également une réponse aux enjeux de souveraineté et d’épuisement des ressources que nous connaissons actuellement.
Indirectement, cette technologie peut également servir à générer de l’électricité, en faisant circuler la vapeur d’eau produite par le système dans une turbine qui entraîne un alternateur. Cette option permettrait de répondre au problème de l’intermittence des renouvelables électriques en fournissant de l’électricité aux instants où les moyens actuels ne fonctionnent pas (la nuit et lors de passages nuageux et/ou les jours sans vent). Ce système ne serait donc pas un concurrent mais un complément aux technologies actuellement déployées.
Le stockage de chaleur à haute température favorisera la production de chaleur (et éventuellement d’électricité) à partir du soleil, en la rendant complètement pilotable et non intermittente.
Quels sont les enjeux auxquels vous répondez ?
Décarboner la chaleur industrielle en assurant le lien entre tous les acteurs. D’une part, nous trouvons les équipementiers et bureaux d’études spécialisés – bien moins nombreux que dans le secteur de l’électricité – pour répondre aux problématiques spécifiques de chaque usine. D’autre part, notre réseau de partenaires financiers permet l’investissement dans des infrastructures que la plupart des clients ne pourraient porter.
Notre technologie innovante de stockage permettra d’accélérer la décarbonation dans les zones faiblement ensoleillées où ce besoin de stockage est justement primordial, ce qui limite, pour l’instant, le déploiement de tels projets.
Pourquoi les entreprises ont intérêt à s’y mettre ?
Le recours à notre solution de décarbonation permet :
- de garantir le prix de l’énergie et la maîtrise de la facture. En effet, avec les énergies renouvelables, une fois l’installation effectuée, vous connaissez le prix du kWh sur les 20 prochaines années, la maintenance étant très faible et prévisible ;
- de diminuer la consommation de carburants fossiles, donc d’émissions de gaz et de particules toxiques, ce qui permet d’améliorer la qualité de l’air et la vie des travailleurs, des riverains, des agriculteurs ;
- d’assurer la sécurité d’approvisionnement grâce à l’utilisation d’une énergie locale qui réduit les importations et préserve notre souveraineté énergétique.
Quelles sont les perspectives de développement ?
Notre objectif est d’obtenir une première version commerciale du stockage de chaleur d’ici fin 2025, et nous projetons le déploiement d’une vingtaine de centrales d’ici fin 2027, pour une puissance installée d’environ 30 MW.
Plusieurs projets sont en cours de négociations avec de grands industriels des secteurs agroalimentaires (pour de la cuisson, de la stérilisation et du séchage) et de la chimie (fabrication d’ingrédients de spécialité). Nous espérons lancer la construction de trois centrales courant 2025.
Des partenariats avec d’autres startups et des grands groupes sont envisagés pour le développement de plusieurs modules d’extensions à nos centrales solaires.
Ces modules d’extension permettront de convertir la chaleur fournie par les centrales pour produire du froid et climatiser certains espaces (avec des machines à absorption), ou produire de l’eau dessalée (avec de la distillation thermique multi-effets), contribuant ainsi à l’adaptation au changement climatique, en préservant les habitats humains et l’agriculture dans les régions arides.
Une centrale solaire thermique à concentration, c’est quoi ?
Le principe consiste à disposer une grande quantité de miroirs pour focaliser les rayons solaires vers des tubes dans lesquels circule un fluide caloporteur, généralement de la vapeur d’eau, mais pouvant également être une huile, un sel fondu ou de l’air. Ce fluide est ainsi chauffé à des températures de l’ordre de 250–550 °C, et potentiellement jusqu’à plus de 1 000 °C pour certains systèmes.