Accélérer le déploiement de la mobilité électrique : un enjeu clé pour les transitions en cours

Accélérer le déploiement de la mobilité électrique : un enjeu clé pour les transitions en cours

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Antoine HERTEMAN

Antoine Her­te­man, pré­sident de l’association dédiée à la pro­mo­tion et au déve­lop­pe­ment de la mobi­li­té élec­trique, revient dans cette inter­view sur les enjeux et les freins qu’il faut encore lever. Il nous en dit éga­le­ment plus sur les sujets et chan­tiers qui mobi­lisent cette asso­cia­tion pro­fes­sion­nelle dans ce cadre.

Créée en 1978 pour promouvoir le développement de la mobilité électrique, l’Avere-France a été pionnière en matière d’électromobilité à l’échelle nationale. Depuis sa création, quelles sont les principales évolutions que la question de la mobilité électrique a connues ?

L’association a, en effet, vu le jour à une époque où la mobi­li­té élec­trique était qua­si inexis­tante en France. Il fau­dra attendre 2010 pour avoir un parc d’une cen­taine de véhi­cules élec­triques sur un total d’une qua­ran­taine de mil­lions de véhi­cules en circulation.

À par­tir de 2011, nous avons com­men­cé à voir une aug­men­ta­tion du parc : près de 2 000 véhi­cules en 2011 et une dizaine de modèles com­mer­cia­li­sés, 50 000 en 2015, et 440 000 véhi­cules en 2020, soit 1 % du parc natio­nal de véhicules.

En 2023, un nou­veau cap a été fran­chi avec plus de 1,6 mil­lion de voi­tures élec­triques (bat­te­rie ou hydro­gène avec pile à com­bus­tible) et hybrides rechar­geables en cir­cu­la­tion en France, dont 1 mil­lion de véhi­cules 100 % bat­te­rie. Aujourd’hui, il y a 2 mil­lions de véhi­cules élec­triques et hybrides rechar­geables qui cir­culent en France, et ils repré­sentent 25 % des imma­tri­cu­la­tions de véhi­cules par­ti­cu­liers neufs. Enfin, l’offre s’est lar­ge­ment diver­si­fiée avec plus de 150 modèles différents.

« Aujourd’hui, il y a 2 millions de véhicules électriques et hybrides rechargeables qui circulent en France, et ils représentent 25 % des immatriculations de véhicules particuliers neufs. »

Cette évo­lu­tion s’explique notam­ment par un contexte régle­men­taire, qui, à par­tir de 2017, est deve­nu aus­si contrai­gnant qu’incitatif. À par­tir du 1er jan­vier 2017 est entrée en vigueur la règle de bonus pour les véhi­cules à bat­te­rie. C’est aus­si en 2017 qu’a été lan­cé notre pro­gramme Adve­nir qui dis­po­sait, à l’époque, d’une enve­loppe de 10 mil­lions d’euros pour créer les infra­struc­tures néces­saires. Les années sui­vantes ont été ponc­tuées de nom­breuses régle­men­ta­tions qui ont ren­for­cé la volon­té des pou­voirs publics de pro­mou­voir l’électromobilité. On peut notam­ment citer la loi d’orientation des mobi­li­tés, la loi cli­mat et rési­lience… La pan­dé­mie, la crise éner­gé­tique et les ten­sions géo­po­li­tiques ont éga­le­ment contri­bué à mettre en avant les enjeux de sou­ve­rai­ne­té éner­gé­tique et le rôle que l’électromobilité joue dans ce cadre.

Enfin, ces évo­lu­tions se sont natu­rel­le­ment réper­cu­tées sur notre asso­cia­tion qui comp­tait 90 adhé­rents en 2010 et qui aujourd’hui regroupe 270 adhérents.

Dans cette continuité, comment se positionne l’association ? Quelles sont les grandes lignes de votre feuille de route ?

L’Avere-France est donc l’association natio­nale pour le déve­lop­pe­ment de la mobi­li­té élec­trique. Elle repré­sente et fédère l’ensemble des com­po­santes de l’électromobilité dans les domaines indus­triel, com­mer­cial, ins­ti­tu­tion­nel et asso­cia­tif afin de faire la pro­mo­tion de l’utilisation des véhi­cules élec­triques (bat­te­rie ou hydro­gène avec pile à com­bus­tible) et hybrides rechargeables.

Asso­cia­tion pro­fes­sion­nelle, nous comp­tons par­mi nos membres des entre­prises et des acteurs issus de dif­fé­rents sec­teurs de l’écosystème cou­vrant l’intégralité de la chaîne de la valeur : des construc­teurs de véhi­cules légers et lourds et leurs équi­pe­men­tiers, des éner­gé­ti­ciens et des dis­tri­bu­teurs d’énergie, des opé­ra­teurs de mobi­li­té, des ins­tal­la­teurs de solu­tions de recharge, des acteurs de la main­te­nance, des orga­nismes ins­ti­tu­tion­nels (asso­cia­tions, écoles, recherche), des cabi­nets de conseil, des banques, des com­pa­gnies d’assurance, ain­si que des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales et des syn­di­cats d’énergies…

Mul­ti-sec­to­rielle, l’Avere-France couvre éga­le­ment toutes les mobi­li­tés sauf l’aéronautique : véhi­cules, poids lourds, uti­li­taires, deux-roues, bus, fer­ro­viaire, bateau (flu­vial ou loisir).

Notre action s’articule autour de quatre axes :

  • Pro­mou­voir la mobi­li­té élec­trique auprès de dif­fé­rents publics : élus, ins­ti­tu­tions, entre­prises, grand public… ;
  • Infor­mer l’ensemble des par­ties pre­nantes et les uti­li­sa­teurs au tra­vers de la dif­fu­sion d’informations objec­tives, fiables et à valeur ajoutée ;
  • Défendre des posi­tions favo­rables au déve­lop­pe­ment de la mobi­li­té élec­trique et les inté­rêts com­muns des acteurs de cet écosystème ;
  • Repré­sen­ter la diver­si­té des acteurs de l’écosystème de la mobi­li­té élec­trique dans leur complémentarité ;
  • Fédé­rer tous les acteurs de la mobi­li­té électrique.

Enfin, l’Avere-France s’appuie sur des valeurs fortes : l’indépendance et la fia­bi­li­té des tra­vaux qu’elle pro­duit et dif­fuse ; la trans­pa­rence dans son mode de fonc­tion­ne­ment et ses actions ; l’engagement et l’agilité de ses membres et de son équipe, com­po­sée d’une ving­taine de permanents.

Alors que la course à la décarbonation s’accélère, quel état des lieux dressez-vous en matière d’électromobilité et quels sont les freins qu’il faut encore lever ?

Aujourd’hui, il ne s’agit plus de se poser la ques­tion de l’électromobilité, mais d’accompagner, voire accé­lé­rer son déploie­ment. Aujourd’hui, l’électromobilité repré­sente 25 % de parts de mar­ché sur les véhi­cules neufs et plus de 150 000 points de recharge ouverts au public.

À par­tir de là, à mon sens, nous avons prin­ci­pa­le­ment deux grands enjeux. Le pre­mier concerne la démo­cra­ti­sa­tion de l’électromobilité sur le seg­ment des véhi­cules par­ti­cu­liers. Selon les baro­mètres que nous publions, 6 par­ti­cu­liers sur 7 achètent leur voi­ture d’occasion, alors que le pro­fil des par­ti­cu­liers qui achètent des véhi­cules élec­triques neufs est celui d’un CSP+ rela­ti­ve­ment jeune. La démo­cra­ti­sa­tion de l’accès aux véhi­cules élec­triques neufs passe par un élar­gis­se­ment de l’offre, notam­ment sur les seg­ments B et SUV B, des voi­tures poly­va­lentes, du type Clio ou 208 et Cap­tur ou 2008, qui sont lar­ge­ment plé­bis­ci­tées par la majo­ri­té des Français.

“Aujourd’hui, il ne s’agit plus de se poser la question de l’électromobilité, mais d’accompagner, voire accélérer son déploiement.”

En paral­lèle, alors qu’on consi­dère qu’un véhi­cule intègre le mar­ché de l’occasion 4 à 5 ans après sa mise en cir­cu­la­tion, les véhi­cules élec­triques en cir­cu­la­tion depuis 2020 entre­ront donc dans cette caté­go­rie dès le début de 2025. Pour l’instant, ces véhi­cules ne repré­sentent que 2 % du mar­ché de l’occasion, mais la démo­cra­ti­sa­tion de l’électromobilité pas­se­ra néces­sai­re­ment par la crois­sance et la dyna­mique du mar­ché de l’occasion. Au-delà, cette démo­cra­ti­sa­tion passe aus­si par la mise à dis­po­si­tion des infra­struc­tures néces­saires à la recharge de ces véhi­cules, notam­ment au niveau du lieu de rési­dence des utilisateurs.

Sur ce sujet stra­té­gique, l’Avere-France pro­pose un guide pour l’installation de bornes de recharge de véhi­cules élec­triques et hybrides rechar­geables en copro­prié­tés qui est régu­liè­re­ment com­plé­té et actua­li­sé. Dans cette conti­nui­té, nous avons aus­si publié une étude pros­pec­tive sur les besoins de recharge à l’horizon 2035 qui s’articule autour de 3 axes com­plé­men­taires : l’état actuel de la recharge en France, les mesures clés pour le déploie­ment sur les grands axes rou­tiers et l’examen des défis spé­ci­fiques liés au déploie­ment dans les zones à pourvoir.

Le second enjeu concerne le trans­port de mar­chan­dises et de voya­geurs aus­si appe­lé « mobi­li­té lourde ». Nous avons notam­ment rédi­gé un guide sur le bus élec­trique pour accom­pa­gner les col­lec­ti­vi­tés et les pro­fes­sion­nels dans la tran­si­tion éner­gé­tique de leurs flottes que nous met­tons régu­liè­re­ment à jour.

Vous prenez également part à des actions et des initiatives plus larges comme le programme Advenir. Pouvez-vous nous en dire plus ?

L’Avere-France pilote, en effet, le pro­gramme Adve­nir dans le cadre des cer­ti­fi­cats d’économie d’énergie (CEE) du minis­tère de la Tran­si­tion éco­lo­gique en lien avec l’ADEME, qui a voca­tion à finan­cer le déploie­ment d’infrastructures de recharge par­tout en France.

Ini­tia­le­ment dotée d’une enve­loppe de 10 mil­lions d’euros, pour sub­ven­tion­ner à l’époque des infra­struc­tures de recharge dans les entre­prises, aujourd’hui, le bud­get total de ce pro­gramme est de 520 mil­lions d’euros. Nous en avons dépen­sé près de la moi­tié et avons signé en juin der­nier la der­nière enve­loppe de 200 mil­lions, qui ne relève pas du bud­get public, mais des cer­ti­fi­cats d’économie d’énergie.

Aujourd’hui, les fonds alloués couvrent deux actions com­plé­men­taires. Un bud­get de près de 40 mil­lions d’euros est des­ti­né à la for­ma­tion, la sen­si­bi­li­sa­tion et l’information des par­ti­cu­liers, des élus et des acteurs locaux. L’électromobilité repré­sente un chan­ge­ment dans les habi­tudes de mobi­li­té indi­vi­duelle pour le bien de tous, il est alors légi­time de l’accompagner au plus près des usages.

« D’ici 2027, l’objectif est de financer plus de 15 000 infrastructures collectives en résidentiel collectif et plus de 60 000 points de recharge, dont plus de 55 000 points de charge en résidentiel collectif, plus de 5 400 points de charge déployés par les collectivités et plus de 2 000 points de recharge pour les acteurs du transport routier. »

Dans cette démarche, nous ciblons aus­si les pro­fes­sion­nels de l’automobile avec un sous-pro­gramme dédié qui vise donc les conces­sion­naires, les gara­gistes indé­pen­dants, les répa­ra­teurs, les loueurs de voi­tures, les ges­tion­naires de par­kings… Notre but n’est pas de les for­mer sur les dimen­sions tech­niques, mais de les infor­mer sur les chan­ge­ments majeurs et les impacts sur leur métier.

Sur ce volet for­ma­tion et sen­si­bi­li­sa­tion, nous nous adres­sons bien évi­dem­ment aus­si aux pro­fes­sion­nels de l’immobilier qui vont devoir déployer les infra­struc­tures néces­saires au niveau des habi­tats col­lec­tifs, des copro­prié­tés en pre­nant en compte tout le volet sécuritaire.

Le second volet du pro­gramme, qui repré­sente la plus grosse par­tie du bud­get, consiste à sub­ven­tion­ner l’installation des points de recharge. Grâce à l’enveloppe com­plé­men­taire de 200 mil­lions d’euros, d’ici 2027, l’objectif est de finan­cer plus de 15 000 infra­struc­tures col­lec­tives en rési­den­tiel col­lec­tif et plus de 60 000 points de recharge, dont plus de 55 000 points de charge en rési­den­tiel col­lec­tif, plus de 5 400 points de charge déployés par les col­lec­ti­vi­tés et plus de 2 000 points de recharge pour les acteurs du trans­port routier.

Side View Of Char­ging Elec­tric Cars In Par­king Garage. Clean Ener­gy Concept

Quelles sont les autres actions qui vous mobilisent actuellement ?

Nous fai­sons évo­luer notre indi­ca­teur de sui­vi du mar­ché du véhi­cule d’occasion afin d’avoir une visi­bi­li­té tri­mes­trielle à par­tir de juin 2024. Nous fai­sons éga­le­ment évo­luer notre baro­mètre sur les points et les infra­struc­tures de recharge que nous publions avec le minis­tère afin d’inclure notam­ment le taux de dis­po­ni­bi­li­té d’un point de charge en 5 minutes au niveau d’une sta­tion (98 % en sep­tembre 2024). Enfin, nous avons lan­cé cette année un indi­ca­teur de la recharge en rési­den­tiel col­lec­tif (3 % des immeubles avec une infra­struc­ture col­lec­tive ins­tal­lée et 11 % avec une infra­struc­ture col­lec­tive approu­vée) sur demande des pou­voirs publics.

Au-delà, 2024 est une année durant laquelle nos groupes de tra­vail com­po­sés de nos adhé­rents se sont concen­trés sur plu­sieurs enjeux et sujets à forte valeur ajou­tée : la sou­ve­rai­ne­té, la maî­trise de l’énergie et l’efficacité (à usage égal, un véhi­cule élec­trique consomme 3 fois moins d’énergie qu’un ther­mique), le pilo­tage de la recharge et la dimen­sion bi-direc­tion­nelle, avec des véhi­cules qui sont en mesure de four­nir de l’électricité au réseau, aux mai­sons ou encore aux bureaux, le cycle de vie des batteries…

Nous menons aus­si des réflexions et des tra­vaux pros­pec­tifs pour anti­ci­per les besoins de demain : les voies rapides de recharge, l’adaptation et le déve­lop­pe­ment des com­pé­tences et des métiers pour accom­pa­gner le pas­sage à l’échelle de l’électromobilité…

Nous tra­vaillons aus­si sur la décar­bo­na­tion et le ver­dis­se­ment des flottes d’entreprises. C’est un sujet clé et trans­ver­sal, car ces flottes ali­mentent à hau­teur de 50 % le mar­ché de l’occasion récente. Enfin, nous sommes aus­si mobi­li­sés autour des ser­vices des­ti­nés aux uti­li­sa­teurs et qui couvrent des sujets aus­si larges que la trans­pa­rence des prix ou la cybersécurité.


Ressources
Les travaux de l’Avere-France

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