Accélérer le déploiement de la mobilité électrique : un enjeu clé pour les transitions en cours
Antoine Herteman, président de l’association dédiée à la promotion et au développement de la mobilité électrique, revient dans cette interview sur les enjeux et les freins qu’il faut encore lever. Il nous en dit également plus sur les sujets et chantiers qui mobilisent cette association professionnelle dans ce cadre.
Créée en 1978 pour promouvoir le développement de la mobilité électrique, l’Avere-France a été pionnière en matière d’électromobilité à l’échelle nationale. Depuis sa création, quelles sont les principales évolutions que la question de la mobilité électrique a connues ?
L’association a, en effet, vu le jour à une époque où la mobilité électrique était quasi inexistante en France. Il faudra attendre 2010 pour avoir un parc d’une centaine de véhicules électriques sur un total d’une quarantaine de millions de véhicules en circulation.
À partir de 2011, nous avons commencé à voir une augmentation du parc : près de 2 000 véhicules en 2011 et une dizaine de modèles commercialisés, 50 000 en 2015, et 440 000 véhicules en 2020, soit 1 % du parc national de véhicules.
En 2023, un nouveau cap a été franchi avec plus de 1,6 million de voitures électriques (batterie ou hydrogène avec pile à combustible) et hybrides rechargeables en circulation en France, dont 1 million de véhicules 100 % batterie. Aujourd’hui, il y a 2 millions de véhicules électriques et hybrides rechargeables qui circulent en France, et ils représentent 25 % des immatriculations de véhicules particuliers neufs. Enfin, l’offre s’est largement diversifiée avec plus de 150 modèles différents.
« Aujourd’hui, il y a 2 millions de véhicules électriques et hybrides rechargeables qui circulent en France, et ils représentent 25 % des immatriculations de véhicules particuliers neufs. »
Cette évolution s’explique notamment par un contexte réglementaire, qui, à partir de 2017, est devenu aussi contraignant qu’incitatif. À partir du 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la règle de bonus pour les véhicules à batterie. C’est aussi en 2017 qu’a été lancé notre programme Advenir qui disposait, à l’époque, d’une enveloppe de 10 millions d’euros pour créer les infrastructures nécessaires. Les années suivantes ont été ponctuées de nombreuses réglementations qui ont renforcé la volonté des pouvoirs publics de promouvoir l’électromobilité. On peut notamment citer la loi d’orientation des mobilités, la loi climat et résilience… La pandémie, la crise énergétique et les tensions géopolitiques ont également contribué à mettre en avant les enjeux de souveraineté énergétique et le rôle que l’électromobilité joue dans ce cadre.
Enfin, ces évolutions se sont naturellement répercutées sur notre association qui comptait 90 adhérents en 2010 et qui aujourd’hui regroupe 270 adhérents.
Dans cette continuité, comment se positionne l’association ? Quelles sont les grandes lignes de votre feuille de route ?
L’Avere-France est donc l’association nationale pour le développement de la mobilité électrique. Elle représente et fédère l’ensemble des composantes de l’électromobilité dans les domaines industriel, commercial, institutionnel et associatif afin de faire la promotion de l’utilisation des véhicules électriques (batterie ou hydrogène avec pile à combustible) et hybrides rechargeables.
Association professionnelle, nous comptons parmi nos membres des entreprises et des acteurs issus de différents secteurs de l’écosystème couvrant l’intégralité de la chaîne de la valeur : des constructeurs de véhicules légers et lourds et leurs équipementiers, des énergéticiens et des distributeurs d’énergie, des opérateurs de mobilité, des installateurs de solutions de recharge, des acteurs de la maintenance, des organismes institutionnels (associations, écoles, recherche), des cabinets de conseil, des banques, des compagnies d’assurance, ainsi que des collectivités territoriales et des syndicats d’énergies…
Multi-sectorielle, l’Avere-France couvre également toutes les mobilités sauf l’aéronautique : véhicules, poids lourds, utilitaires, deux-roues, bus, ferroviaire, bateau (fluvial ou loisir).
Notre action s’articule autour de quatre axes :
- Promouvoir la mobilité électrique auprès de différents publics : élus, institutions, entreprises, grand public… ;
- Informer l’ensemble des parties prenantes et les utilisateurs au travers de la diffusion d’informations objectives, fiables et à valeur ajoutée ;
- Défendre des positions favorables au développement de la mobilité électrique et les intérêts communs des acteurs de cet écosystème ;
- Représenter la diversité des acteurs de l’écosystème de la mobilité électrique dans leur complémentarité ;
- Fédérer tous les acteurs de la mobilité électrique.
Enfin, l’Avere-France s’appuie sur des valeurs fortes : l’indépendance et la fiabilité des travaux qu’elle produit et diffuse ; la transparence dans son mode de fonctionnement et ses actions ; l’engagement et l’agilité de ses membres et de son équipe, composée d’une vingtaine de permanents.
Alors que la course à la décarbonation s’accélère, quel état des lieux dressez-vous en matière d’électromobilité et quels sont les freins qu’il faut encore lever ?
Aujourd’hui, il ne s’agit plus de se poser la question de l’électromobilité, mais d’accompagner, voire accélérer son déploiement. Aujourd’hui, l’électromobilité représente 25 % de parts de marché sur les véhicules neufs et plus de 150 000 points de recharge ouverts au public.
À partir de là, à mon sens, nous avons principalement deux grands enjeux. Le premier concerne la démocratisation de l’électromobilité sur le segment des véhicules particuliers. Selon les baromètres que nous publions, 6 particuliers sur 7 achètent leur voiture d’occasion, alors que le profil des particuliers qui achètent des véhicules électriques neufs est celui d’un CSP+ relativement jeune. La démocratisation de l’accès aux véhicules électriques neufs passe par un élargissement de l’offre, notamment sur les segments B et SUV B, des voitures polyvalentes, du type Clio ou 208 et Captur ou 2008, qui sont largement plébiscitées par la majorité des Français.
“Aujourd’hui, il ne s’agit plus de se poser la question de l’électromobilité, mais d’accompagner, voire accélérer son déploiement.”
En parallèle, alors qu’on considère qu’un véhicule intègre le marché de l’occasion 4 à 5 ans après sa mise en circulation, les véhicules électriques en circulation depuis 2020 entreront donc dans cette catégorie dès le début de 2025. Pour l’instant, ces véhicules ne représentent que 2 % du marché de l’occasion, mais la démocratisation de l’électromobilité passera nécessairement par la croissance et la dynamique du marché de l’occasion. Au-delà, cette démocratisation passe aussi par la mise à disposition des infrastructures nécessaires à la recharge de ces véhicules, notamment au niveau du lieu de résidence des utilisateurs.
Sur ce sujet stratégique, l’Avere-France propose un guide pour l’installation de bornes de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables en copropriétés qui est régulièrement complété et actualisé. Dans cette continuité, nous avons aussi publié une étude prospective sur les besoins de recharge à l’horizon 2035 qui s’articule autour de 3 axes complémentaires : l’état actuel de la recharge en France, les mesures clés pour le déploiement sur les grands axes routiers et l’examen des défis spécifiques liés au déploiement dans les zones à pourvoir.
Le second enjeu concerne le transport de marchandises et de voyageurs aussi appelé « mobilité lourde ». Nous avons notamment rédigé un guide sur le bus électrique pour accompagner les collectivités et les professionnels dans la transition énergétique de leurs flottes que nous mettons régulièrement à jour.
Vous prenez également part à des actions et des initiatives plus larges comme le programme Advenir. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L’Avere-France pilote, en effet, le programme Advenir dans le cadre des certificats d’économie d’énergie (CEE) du ministère de la Transition écologique en lien avec l’ADEME, qui a vocation à financer le déploiement d’infrastructures de recharge partout en France.
Initialement dotée d’une enveloppe de 10 millions d’euros, pour subventionner à l’époque des infrastructures de recharge dans les entreprises, aujourd’hui, le budget total de ce programme est de 520 millions d’euros. Nous en avons dépensé près de la moitié et avons signé en juin dernier la dernière enveloppe de 200 millions, qui ne relève pas du budget public, mais des certificats d’économie d’énergie.
Aujourd’hui, les fonds alloués couvrent deux actions complémentaires. Un budget de près de 40 millions d’euros est destiné à la formation, la sensibilisation et l’information des particuliers, des élus et des acteurs locaux. L’électromobilité représente un changement dans les habitudes de mobilité individuelle pour le bien de tous, il est alors légitime de l’accompagner au plus près des usages.
« D’ici 2027, l’objectif est de financer plus de 15 000 infrastructures collectives en résidentiel collectif et plus de 60 000 points de recharge, dont plus de 55 000 points de charge en résidentiel collectif, plus de 5 400 points de charge déployés par les collectivités et plus de 2 000 points de recharge pour les acteurs du transport routier. »
Dans cette démarche, nous ciblons aussi les professionnels de l’automobile avec un sous-programme dédié qui vise donc les concessionnaires, les garagistes indépendants, les réparateurs, les loueurs de voitures, les gestionnaires de parkings… Notre but n’est pas de les former sur les dimensions techniques, mais de les informer sur les changements majeurs et les impacts sur leur métier.
Sur ce volet formation et sensibilisation, nous nous adressons bien évidemment aussi aux professionnels de l’immobilier qui vont devoir déployer les infrastructures nécessaires au niveau des habitats collectifs, des copropriétés en prenant en compte tout le volet sécuritaire.
Le second volet du programme, qui représente la plus grosse partie du budget, consiste à subventionner l’installation des points de recharge. Grâce à l’enveloppe complémentaire de 200 millions d’euros, d’ici 2027, l’objectif est de financer plus de 15 000 infrastructures collectives en résidentiel collectif et plus de 60 000 points de recharge, dont plus de 55 000 points de charge en résidentiel collectif, plus de 5 400 points de charge déployés par les collectivités et plus de 2 000 points de recharge pour les acteurs du transport routier.
Quelles sont les autres actions qui vous mobilisent actuellement ?
Nous faisons évoluer notre indicateur de suivi du marché du véhicule d’occasion afin d’avoir une visibilité trimestrielle à partir de juin 2024. Nous faisons également évoluer notre baromètre sur les points et les infrastructures de recharge que nous publions avec le ministère afin d’inclure notamment le taux de disponibilité d’un point de charge en 5 minutes au niveau d’une station (98 % en septembre 2024). Enfin, nous avons lancé cette année un indicateur de la recharge en résidentiel collectif (3 % des immeubles avec une infrastructure collective installée et 11 % avec une infrastructure collective approuvée) sur demande des pouvoirs publics.
Au-delà, 2024 est une année durant laquelle nos groupes de travail composés de nos adhérents se sont concentrés sur plusieurs enjeux et sujets à forte valeur ajoutée : la souveraineté, la maîtrise de l’énergie et l’efficacité (à usage égal, un véhicule électrique consomme 3 fois moins d’énergie qu’un thermique), le pilotage de la recharge et la dimension bi-directionnelle, avec des véhicules qui sont en mesure de fournir de l’électricité au réseau, aux maisons ou encore aux bureaux, le cycle de vie des batteries…
Nous menons aussi des réflexions et des travaux prospectifs pour anticiper les besoins de demain : les voies rapides de recharge, l’adaptation et le développement des compétences et des métiers pour accompagner le passage à l’échelle de l’électromobilité…
Nous travaillons aussi sur la décarbonation et le verdissement des flottes d’entreprises. C’est un sujet clé et transversal, car ces flottes alimentent à hauteur de 50 % le marché de l’occasion récente. Enfin, nous sommes aussi mobilisés autour des services destinés aux utilisateurs et qui couvrent des sujets aussi larges que la transparence des prix ou la cybersécurité.
Ressources
Les travaux de l’Avere-France
- Les baromètres mensuels des immatriculations de véhicules électriques et hybrides rechargeables (https://www.avere-france.org/publications/?publication-type%5B%5D=barometres-immatriculations)
- Les baromètres trimestriels dédiés au marché des véhicules électriques d’occasion (https://www.avere-france.org/publications/?publication-type%5B%5D=barometre-marche-des-voitures-electriques-doccasion)
- Les baromètres mensuels dédiés au réseau de points de recharge ouverts au public, réalisés en partenariat avec le Ministère de la Transition écologique (https://www.avere-france.org/publications/?publication-type%5B%5D=barometres-recharge)
- Les baromètres trimestriels dédiés à la recharge en résidentiel collectif (https://www.avere-france.org/publications/?publication-type%5B%5D=barometres-irve-residentiel-collectif)
- Les guides, rapports et études (https://www.avere-france.org/publications/?publication-type%5B%5D=rapports&publication-type%5B%5D=etude&publication-type%5B%5D=guides-livres-blancs&publication-type%5B%5D=decryptages)