Vike, l’utilitaire écologique et abordable qui contribue à la décarbonation des utilitaires urbains

Vike, l’utilitaire écologique et abordable qui décarbone la mobilité urbaine

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Léon de PERTHUIS
Par Nicolas GOURSOT

Nico­las Gour­sot et Léon de Per­thuis, cofon­da­teurs de uMo­tion, s’attaquent à la décar­bo­na­tion des uti­li­taires pro­fes­sion­nels et indus­triels urbains en appor­tant une solu­tion mature sur le plan tech­no­lo­gique, à un coût com­pé­ti­tif et avec un réel impact éco­lo­gique et envi­ron­ne­men­tal. Ils nous en disent plus dans cette interview.

uMotion a développé des véhicules utilitaires écologiques et abordables pour décarboner le transport de charge en zone urbaine. Qu’est-ce que ce positionnement implique ? 

Nous avons fait le choix de cibler ce mar­ché pour plu­sieurs rai­sons. Tout d’abord, ce seg­ment pose un réel enjeu en matière de décar­bo­na­tion et de san­té publique : à titre d’exemple, la seule logis­tique urbaine repré­sente 25 % des émis­sions de CO₂ et 50 % des par­ti­cules fines en ville. Ensuite, il y a un véri­table défi­cit de solu­tions élec­triques à ce niveau, aujourd’hui, les uti­li­taires élec­triques repré­sentent moins de 1 % du parc en Europe et moins de 8 % des ventes, en incluant les hybrides. Et le taux d’électrification baisse encore à mesure que le véhi­cule uti­li­taire est per­son­na­li­sé, car­ros­sé et équi­pé. Tout cela mal­gré les contraintes régle­men­taires, les dis­po­si­tifs d’incitation et le faible coût de l’électricité décar­bo­née, en tout cas en France.

Cela tient au fait que les construc­teurs sont très dépen­dants de la voi­ture par­ti­cu­lière et qu’ils ont axé leur tran­si­tion sur ce seg­ment où l’électrique repré­sente aujourd’hui 20 % des ventes. Les uti­li­taires pro­po­sés sont donc majo­ri­tai­re­ment des élec­tri­fi­ca­tions de pla­te­formes exis­tantes qui embarquent des archi­tec­tures élec­triques déve­lop­pées pour des SUV.

« L’enjeu est de mettre au point une solution dédiée qui permet d’accélérer la décarbonation du transport de charge en ville. »

Le véhi­cule ther­mique a la par­ti­cu­la­ri­té d’être très flexible dans son uti­li­sa­tion, là où le véhi­cule élec­trique est plus rigide car il embarque une quan­ti­té d’énergie limi­tée, plus longue à renou­ve­ler. La ten­dance actuelle consiste donc à com­pen­ser cette rigi­di­té par des grosses bat­te­ries et de la charge rapide pour convaincre les clients qu’ils n’auront pas à chan­ger leurs habi­tudes. Cela a du sens pour une uti­li­sa­tion sur auto­route, beau­coup moins sur des tra­jets urbains régu­liers. Or, la bat­te­rie repré­sente le prin­ci­pal poste de coût du véhi­cule comme l’essentiel de son empreinte éco­lo­gique et la charge rapide exige le déploie­ment de coû­teuses infra­struc­tures. À par­tir de là, l’enjeu est de mettre au point une solu­tion dédiée qui per­met d’accélérer la décar­bo­na­tion du trans­port de charge en ville.

Le trans­port pro­fes­sion­nel est carac­té­ri­sé par de courtes dis­tance et des mou­ve­ments régu­liers. En France, la majo­ri­té des uti­li­taires par­court moins de 80 km par jour, sou­vent beau­coup moins. C’est donc un cas d’usage par­fait pour l’électrique, à condi­tion de pou­voir dimen­sion­ner fine­ment les bat­te­ries. 

L’ensemble de ces constats sont le point de départ de uMo­tion qui pro­pose un concept de bat­te­ries modu­laires pour adap­ter l’autonomie les véhi­cules uti­li­taires et pro­fes­sion­nels en fonc­tion de leur acti­vi­té jour­na­lière. Ces modules pèsent une dizaine de kilos et il est pos­sible d’en ins­tal­ler jusqu’à 12 dans un véhi­cule. Notre solu­tion per­met ain­si d’apporter des réponses concrètes à la pro­blé­ma­tique du coût, qui reste le prin­ci­pal frein au pas­sage à l’électrique pour les pro­fes­sion­nels de l’urbain et du péri­ur­bain, et contri­bue, par ailleurs, à la décar­bo­na­tion du trans­port en ville.

Pour ce faire, vous misez sur l’innovation et avez même breveté une technologie : pouvez-vous nous en dire ? 

En effet ! Nous sommes convain­cus que l’innovation est abso­lu­ment néces­saire pour mener à bien la tran­si­tion éco­lo­gique à condi­tion qu’elle contri­bue à chan­ger les com­por­te­ments et pas seule­ment à limi­ter l’impact de com­por­te­ments nocifs, ce qui revien­drait à les encou­ra­ger ! C’est un nou­veau ter­rain de jeu pour les ingé­nieurs. Jusque-là, ils devaient inno­ver et faire preuve d’ingéniosité pour lever les freins tech­niques et éco­no­miques, mais aus­si des contraintes en matière d’industrialisation et de pas­sage à l’échelle. Aujourd’hui, tous ces défis doivent être sou­mis à celui, plus grand, de leur contri­bu­tion à la tran­si­tion écologique.

C’est la phi­lo­so­phie qui guide notre R&D concen­trée sur la chaîne de trac­tion. Notre objec­tif est de tirer le meilleur par­ti de tech­no­lo­gies indi­vi­duel­le­ment matures en les assem­blant de façon radi­ca­le­ment inno­vante pour faire émer­ger une solu­tion qui soit à la fois per­for­mante, sobre et rapi­de­ment déployable. Notre bre­vet recouvre donc l’ensemble de la chaîne de trac­tion : com­mandes, moteurs, batteries.

Ce bre­vet consti­tue éga­le­ment un avan­tage concur­ren­tiel non négli­geable sur un mar­ché de la mobi­li­té extrê­me­ment dyna­mique où les tech­no­lo­gies et les objets de mobi­li­té évo­luent très rapidement.

Concrètement, aujourd’hui, vous proposez le Vike, un utilitaire simplement utile. Pouvez-vous nous le présenter ? 

Pour faci­li­ter et, in fine, accé­lé­rer le pas­sage à la mobi­li­té élec­trique des pro­fes­sion­nels uti­li­sa­teurs d’utilitaires, nous sommes par­tis des stan­dards actuels du mar­ché : por­ter 1 200 kg avec dif­fé­rentes options de car­ros­se­rie – pla­teau, benne, four­gon – et des volumes allant de 5 à 20 m3.

La spé­ci­fi­ci­té du véhi­cule réside d’abord dans sa chaîne de trac­tion qui intègre phy­si­que­ment l’écoconduite dans la concep­tion du véhi­cule. C’est en effet une spé­ci­fi­ci­té mal connue de l’électrique : là où l’écart entre un conduc­teur ver­tueux et un conduc­teur pres­sé peut atteindre 20 % en ther­mique, cela passe à 200 voire 300 % en électrique !

« C’est en effet une spécificité mal connue de l’électrique : là où l’écart entre un conducteur vertueux et un conducteur pressé peut atteindre 20 % en thermique, cela passe à 200 voire 300 % en électrique ! »

Nous avons donc fait le choix de tra­vailler par­ti­cu­liè­re­ment le lis­sage de l’accélération natu­rel­le­ment cou­pleuse de l’électrique avec une archi­tec­ture basse ten­sion 48 V, un petit moteur addi­tion­nel uni­que­ment dédié à la cir­cu­la­tion sous les 30 km/h, et même une com­mande d’accélération de type péda­lier cycliste en option ! En com­bi­nant l’optimisation liée à la moto­ri­sa­tion, la com­mande plus pro­gres­sive avec le péda­lier et l’aversion natu­relle au mou­ve­ment qui favo­rise l’anticipation, nous attei­gnons une opti­mi­sa­tion éner­gé­tique de l’ordre de 50 % sur un cycle urbain. Notre pro­to­type affiche une consom­ma­tion moyenne de 8 kWh/100 km contre 20 pour un uti­li­taire élec­trique stan­dard en zone urbaine.

Cette sobrié­té per­met d’embarquer moins de bat­te­rie pour le même usage et auto­rise sur­tout la modu­la­ri­té. Plus petite, elle charge plus vite, même sur prise sec­teur. Modu­laire, sa taille s’adapte fine­ment aux cas d’usages. Amo­vible, elle peut éga­le­ment être char­gée sur rack et sur­tout être faci­le­ment rem­pla­cée en cas de choc ou d’usure ce qui per­met d’allonger sen­si­ble­ment la durée de vie du véhi­cule qui dépend du châs­sis et non plus de la bat­te­rie. Au-delà, il est pos­sible de conser­ver les bat­te­ries usa­gées dans le rack pour faire du sto­ckage sta­tion­naire, par­ti­cu­liè­re­ment utile en cas de pro­duc­tion pho­to­vol­taïque sur site.

Alors que la logistique urbaine doit accélérer sa décarbonation, quels sont, selon vous, les freins qu’il faut encore lever ? Comment souhaitez-vous contribuer à relever ces défis ? 

En matière de décar­bo­na­tion de la logis­tique urbaine, il y a prin­ci­pa­le­ment deux pistes. Tout d’abord limi­ter le nombre de véhi­cules en cir­cu­la­tion et mutua­li­ser les flux. Beau­coup d’acteurs tra­vaillent sur ce sujet com­plexe qui néces­site de faire col­la­bo­rer des concur­rents. Ensuite il a y a la ques­tion des moyens de trans­port et de leur arti­cu­la­tion. On parle beau­coup de la cyclo-logis­tique, extrê­me­ment effi­cace en hyper­centre mais elle exige de com­bi­ner un tra­jet en véhi­cule, sou­vent die­sel, jusqu’en péri­phé­rie avant qu’un vélo prenne le relais. Cette approche demande des inves­tis­se­ments signi­fi­ca­tifs pour gérer le report de charge : du fon­cier inter­mé­diaire, une nou­velle orga­ni­sa­tion, des chauf­feurs sup­plé­men­taires à vélo… Tous les acteurs de logis­tique ne sont pas en mesure d’assumer ce coût. Enfin, il faut que la ville s’adapte, avec des infra­struc­tures cyclables et des points de charge acces­sibles aux uti­li­taires électriques.

Avec le Vike nous nous pla­çons dans ce conti­nuum de solu­tions de mobi­li­té pour opti­mi­ser concrè­te­ment un des maillons de cette chaîne de valeur en répon­dant avec jus­tesse aux prin­ci­pales attentes des pro­fes­sion­nels en termes de coûts, de fonc­tion­na­li­té et de performance.

Aujourd’hui, où en êtes-vous ? Quelles sont les prochaines étapes ?

Nous avons réa­li­sé un démons­tra­teur tech­no­lo­gique qui tourne sur cir­cuit chez notre par­te­naire Bosch, dans la région de Reims. Ce démons­tra­teur nous per­met de réa­li­ser des cam­pagnes d’essai, d’accueillir des clients poten­tiels et d’avancer sur la com­mer­cia­li­sa­tion du Vike. Pour accé­lé­rer notre déve­lop­pe­ment, nous entrons dans une nou­velle phase de levée de fonds pour four­nir à nos clients une petite série de Vike à expé­ri­men­ter en condi­tions réelles dès 2025. Il s’agit ensuite de nous enga­ger dans un cycle de com­mer­cia­li­sa­tion et d’industrialisation pour mon­ter en cadence pro­gres­si­ve­ment d’ici 2030 avec un objec­tif de 5 000 uni­tés par an. Pour mener de front l’ensemble de ces chan­tiers, nous recru­tons des talents et de jeunes ingé­nieurs qui sou­haitent contri­buer à rele­ver de manière concrète nos défis qui sont à la croi­sée de la décar­bo­na­tion, de la tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale et des enjeux indus­triels plus classiques.

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