Vike, l’utilitaire écologique et abordable qui décarbone la mobilité urbaine
Nicolas Goursot et Léon de Perthuis, cofondateurs de uMotion, s’attaquent à la décarbonation des utilitaires professionnels et industriels urbains en apportant une solution mature sur le plan technologique, à un coût compétitif et avec un réel impact écologique et environnemental. Ils nous en disent plus dans cette interview.
uMotion a développé des véhicules utilitaires écologiques et abordables pour décarboner le transport de charge en zone urbaine. Qu’est-ce que ce positionnement implique ?
Nous avons fait le choix de cibler ce marché pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce segment pose un réel enjeu en matière de décarbonation et de santé publique : à titre d’exemple, la seule logistique urbaine représente 25 % des émissions de CO₂ et 50 % des particules fines en ville. Ensuite, il y a un véritable déficit de solutions électriques à ce niveau, aujourd’hui, les utilitaires électriques représentent moins de 1 % du parc en Europe et moins de 8 % des ventes, en incluant les hybrides. Et le taux d’électrification baisse encore à mesure que le véhicule utilitaire est personnalisé, carrossé et équipé. Tout cela malgré les contraintes réglementaires, les dispositifs d’incitation et le faible coût de l’électricité décarbonée, en tout cas en France.
Cela tient au fait que les constructeurs sont très dépendants de la voiture particulière et qu’ils ont axé leur transition sur ce segment où l’électrique représente aujourd’hui 20 % des ventes. Les utilitaires proposés sont donc majoritairement des électrifications de plateformes existantes qui embarquent des architectures électriques développées pour des SUV.
« L’enjeu est de mettre au point une solution dédiée qui permet d’accélérer la décarbonation du transport de charge en ville. »
Le véhicule thermique a la particularité d’être très flexible dans son utilisation, là où le véhicule électrique est plus rigide car il embarque une quantité d’énergie limitée, plus longue à renouveler. La tendance actuelle consiste donc à compenser cette rigidité par des grosses batteries et de la charge rapide pour convaincre les clients qu’ils n’auront pas à changer leurs habitudes. Cela a du sens pour une utilisation sur autoroute, beaucoup moins sur des trajets urbains réguliers. Or, la batterie représente le principal poste de coût du véhicule comme l’essentiel de son empreinte écologique et la charge rapide exige le déploiement de coûteuses infrastructures. À partir de là, l’enjeu est de mettre au point une solution dédiée qui permet d’accélérer la décarbonation du transport de charge en ville.
Le transport professionnel est caractérisé par de courtes distance et des mouvements réguliers. En France, la majorité des utilitaires parcourt moins de 80 km par jour, souvent beaucoup moins. C’est donc un cas d’usage parfait pour l’électrique, à condition de pouvoir dimensionner finement les batteries.
L’ensemble de ces constats sont le point de départ de uMotion qui propose un concept de batteries modulaires pour adapter l’autonomie les véhicules utilitaires et professionnels en fonction de leur activité journalière. Ces modules pèsent une dizaine de kilos et il est possible d’en installer jusqu’à 12 dans un véhicule. Notre solution permet ainsi d’apporter des réponses concrètes à la problématique du coût, qui reste le principal frein au passage à l’électrique pour les professionnels de l’urbain et du périurbain, et contribue, par ailleurs, à la décarbonation du transport en ville.
Pour ce faire, vous misez sur l’innovation et avez même breveté une technologie : pouvez-vous nous en dire ?
En effet ! Nous sommes convaincus que l’innovation est absolument nécessaire pour mener à bien la transition écologique à condition qu’elle contribue à changer les comportements et pas seulement à limiter l’impact de comportements nocifs, ce qui reviendrait à les encourager ! C’est un nouveau terrain de jeu pour les ingénieurs. Jusque-là, ils devaient innover et faire preuve d’ingéniosité pour lever les freins techniques et économiques, mais aussi des contraintes en matière d’industrialisation et de passage à l’échelle. Aujourd’hui, tous ces défis doivent être soumis à celui, plus grand, de leur contribution à la transition écologique.
C’est la philosophie qui guide notre R&D concentrée sur la chaîne de traction. Notre objectif est de tirer le meilleur parti de technologies individuellement matures en les assemblant de façon radicalement innovante pour faire émerger une solution qui soit à la fois performante, sobre et rapidement déployable. Notre brevet recouvre donc l’ensemble de la chaîne de traction : commandes, moteurs, batteries.
Ce brevet constitue également un avantage concurrentiel non négligeable sur un marché de la mobilité extrêmement dynamique où les technologies et les objets de mobilité évoluent très rapidement.
Concrètement, aujourd’hui, vous proposez le Vike, un utilitaire simplement utile. Pouvez-vous nous le présenter ?
Pour faciliter et, in fine, accélérer le passage à la mobilité électrique des professionnels utilisateurs d’utilitaires, nous sommes partis des standards actuels du marché : porter 1 200 kg avec différentes options de carrosserie – plateau, benne, fourgon – et des volumes allant de 5 à 20 m3.
La spécificité du véhicule réside d’abord dans sa chaîne de traction qui intègre physiquement l’écoconduite dans la conception du véhicule. C’est en effet une spécificité mal connue de l’électrique : là où l’écart entre un conducteur vertueux et un conducteur pressé peut atteindre 20 % en thermique, cela passe à 200 voire 300 % en électrique !
« C’est en effet une spécificité mal connue de l’électrique : là où l’écart entre un conducteur vertueux et un conducteur pressé peut atteindre 20 % en thermique, cela passe à 200 voire 300 % en électrique ! »
Nous avons donc fait le choix de travailler particulièrement le lissage de l’accélération naturellement coupleuse de l’électrique avec une architecture basse tension 48 V, un petit moteur additionnel uniquement dédié à la circulation sous les 30 km/h, et même une commande d’accélération de type pédalier cycliste en option ! En combinant l’optimisation liée à la motorisation, la commande plus progressive avec le pédalier et l’aversion naturelle au mouvement qui favorise l’anticipation, nous atteignons une optimisation énergétique de l’ordre de 50 % sur un cycle urbain. Notre prototype affiche une consommation moyenne de 8 kWh/100 km contre 20 pour un utilitaire électrique standard en zone urbaine.
Cette sobriété permet d’embarquer moins de batterie pour le même usage et autorise surtout la modularité. Plus petite, elle charge plus vite, même sur prise secteur. Modulaire, sa taille s’adapte finement aux cas d’usages. Amovible, elle peut également être chargée sur rack et surtout être facilement remplacée en cas de choc ou d’usure ce qui permet d’allonger sensiblement la durée de vie du véhicule qui dépend du châssis et non plus de la batterie. Au-delà, il est possible de conserver les batteries usagées dans le rack pour faire du stockage stationnaire, particulièrement utile en cas de production photovoltaïque sur site.
Alors que la logistique urbaine doit accélérer sa décarbonation, quels sont, selon vous, les freins qu’il faut encore lever ? Comment souhaitez-vous contribuer à relever ces défis ?
En matière de décarbonation de la logistique urbaine, il y a principalement deux pistes. Tout d’abord limiter le nombre de véhicules en circulation et mutualiser les flux. Beaucoup d’acteurs travaillent sur ce sujet complexe qui nécessite de faire collaborer des concurrents. Ensuite il a y a la question des moyens de transport et de leur articulation. On parle beaucoup de la cyclo-logistique, extrêmement efficace en hypercentre mais elle exige de combiner un trajet en véhicule, souvent diesel, jusqu’en périphérie avant qu’un vélo prenne le relais. Cette approche demande des investissements significatifs pour gérer le report de charge : du foncier intermédiaire, une nouvelle organisation, des chauffeurs supplémentaires à vélo… Tous les acteurs de logistique ne sont pas en mesure d’assumer ce coût. Enfin, il faut que la ville s’adapte, avec des infrastructures cyclables et des points de charge accessibles aux utilitaires électriques.
Avec le Vike nous nous plaçons dans ce continuum de solutions de mobilité pour optimiser concrètement un des maillons de cette chaîne de valeur en répondant avec justesse aux principales attentes des professionnels en termes de coûts, de fonctionnalité et de performance.
Aujourd’hui, où en êtes-vous ? Quelles sont les prochaines étapes ?
Nous avons réalisé un démonstrateur technologique qui tourne sur circuit chez notre partenaire Bosch, dans la région de Reims. Ce démonstrateur nous permet de réaliser des campagnes d’essai, d’accueillir des clients potentiels et d’avancer sur la commercialisation du Vike. Pour accélérer notre développement, nous entrons dans une nouvelle phase de levée de fonds pour fournir à nos clients une petite série de Vike à expérimenter en conditions réelles dès 2025. Il s’agit ensuite de nous engager dans un cycle de commercialisation et d’industrialisation pour monter en cadence progressivement d’ici 2030 avec un objectif de 5 000 unités par an. Pour mener de front l’ensemble de ces chantiers, nous recrutons des talents et de jeunes ingénieurs qui souhaitent contribuer à relever de manière concrète nos défis qui sont à la croisée de la décarbonation, de la transition environnementale et des enjeux industriels plus classiques.