Mobilité lourde & décarbonation : des perspectives très encourageantes
Constructeur leader de camions, Renault Trucks, filiale du groupe Volvo, est en ordre de marche depuis plusieurs années afin d’atteindre la neutralité carbone. Christophe Martin, directeur général de Renault Trucks France, nous en dit plus dans cet entretien.
La mobilité lourde durable est un enjeu de taille pour accélérer la décarbonation de la mobilité de manière globale. Qu’en est-il ?
D’une manière générale, le transport est fortement émetteur de CO₂. Aujourd’hui, en France, 89 % des marchandises sont transportées par camion. Seuls 7 à 8 % sont transportés par voie ferroviaire et le solde restant par voie fluviale. En parallèle, le transport de marchandises par camion représente 8 à 9 % des émissions de CO2 totales. Au-delà de ses émissions, le transport routier par camion a une très forte empreinte environnementale et génère également de la pollution de l’air, notamment en ville.
Face à cet enjeu central et critique, la réglementation impose aux constructeurs de poids lourds de réduire de 15 % leurs émissions en 2025 par rapport à 2019, et de 43 % d’ici 2030. Au-delà, il s’agit aussi de contribuer à créer un secteur de la logistique et du transport plus respectueux de l’environnement. Enfin, pour accompagner les transitions et accélérer la décarbonation, les constructeurs sont face à un enjeu de taille : passer de la motorisation thermique à l’électrique.
Comment un acteur comme Renault Trucks se positionne-t-il sur ce sujet ?
Renault Trucks France est la filiale française du Renault Trucks, une marque du Groupe Volvo depuis 2001. Suite à la revente de son activité de voitures, il y a déjà plus de 20 ans, Volvo a fait le choix de se concentrer sur le camion, qui représente 70 % de l’activité de l’entreprise. Aujourd’hui, le groupe Volvo a trois marques clés : Volvo Trucks, une marque présente dans le monde entier ; Mack Trucks, une marque présente en Amérique du Nord, en Amérique Latine et en Océanie ; et, enfin, Renault Trucks, une marque européenne également présente en Afrique et au Moyen-Orient.
Le groupe Volvo emploie plus de 100 000 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 55 milliards d’euros dans le monde. Le chiffre d’affaires de Renault Trucks représente 10 % du chiffre d’affaires global du Groupe Volvo et emploie 10 000 salariés.
La filiale française de Renault Trucks réalise 40 % du chiffre d’affaires. La France est le second marché européen du poids lourd, derrière l’Allemagne. En France, Renault Trucks dispose d’un parc roulant de 160 000 camions et 70 000 utilitaires vendus, entretenus et réparés par 310 concessions. En France, Renault Trucks est leader avec près de 30 % de parts de marché sur le marché traditionnel et 70 % sur le marché électrique.
Sur le marché de la mobilité décarbonée, comment vous positionnez-vous ?
Pour nos clients, la principale préoccupation reste un coût d’exploitation compétitif (TCO), ainsi que la fiabilité du matériel. Au cours des dernières années, les clients sont devenus plus sensibles à la question de la décarbonation et la transition environnementale alors que les États, et plus largement l’Union européenne, se dotent d’une réglementation stricte visant à atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans le monde de la mobilité et du transport, cette pression réglementaire pèse essentiellement sur les constructeurs.
Dans ce contexte, notre enjeu, en notre qualité de constructeur, est de satisfaire l’ensemble des attentes de nos clients et de nous mettre en conformité, ce qui implique une évolution technologique de nos moteurs diesel afin qu’ils consomment moins d’énergie, mais aussi afin de répondre aux exigences des normes Euro 7 qui entreront en vigueur en 2030.
Toutefois, la véritable rupture technologique réside dans la transition de la motorisation thermique à l’électrique. Dans cette démarche, deux pistes technologiques s’offrent à nous. La première consiste à fabriquer des camions à batteries électriques et la seconde à fabriquer des camions qui fonctionneraient à l’hydrogène vert, avec des moteurs à combustion interne ou des piles à combustible.
“La technologie qui nous permettra de rouler 600 km par jour sans recharge arrivera en 2026.”
De plus en plus, nous nous dirigeons vers la première alternative, des camions à batteries électriques, offrant de meilleurs coûts d’exploitation et une meilleure efficacité énergétique.
Certains segments du transport de marchandises se tournent plus rapidement vers l’électrique. C’est notamment le cas de la distribution urbaine et périurbaine, la collecte des déchets, la distribution d’aliments en ville, la messagerie… des applications que l’autonomie actuelle des camions ne pénalise pas.
À ce jour, nous proposons une gamme électrique complète, du vélo-cargo assemblé dans notre usine à Vénissieux de 650 kilos à des tracteurs routiers de 44 tonnes. Nos camions de distribution D et D WIDE sont, quant à eux, assemblés en Normandie et nos plus gros camions destinés au secteur de la construction ou du transport longue distance sont fabriqués à Bourg-en-Bresse. Aujourd’hui, l’autonomie de nos camions est de l’ordre de 300 km. La technologie qui nous permettra de rouler 600 km par jour sans recharge arrivera en 2026.
Dans cette démarche, quels sont les freins et enjeux qui persistent ? Comment y faites-vous face ?
Le taux d’adoption de l’électromobilité dépend de plusieurs composantes. Tout d’abord, il s’agit de mettre à disposition des clients des solutions à parité opérationnelle des camions Diesel qu’ils utilisent à ce jour. Cela passe notamment par une autonomie permettant d’assurer la continuité de l’activité (tournée, transport longue distance…). Il faut, en parallèle, viser à leur offrir une parité économique en garantissant des coûts d’exploitation acceptables. Actuellement, le camion électrique est encore 2 à 3 fois plus cher que son pendant thermique.
Enfin, il faut que les clients puissent avoir accès à des infrastructures de recharge, privées et publiques, ainsi qu’à une électricité verte. En France, nous avons la chance d’avoir un réseau de distribution électrique performant et de qualité ainsi qu’une électricité relativement décarbonée par rapport à nos voisins européens. Quant à l’infrastructure, elle se met progressivement en place.
Face à cet état des lieux, nous sommes relativement optimistes et pensons que dans 3 à 5 ans, la majorité des conditions seront réunies pour amorcer un réel élan, alors que nous nous sommes engagés à réduire de 43 % nos émissions de CO2 en 2030.
Aujourd’hui, comment vous projetez-vous ? Comment Renault Trucks image-t-il cette mobilité lourde de demain ?
Dès aujourd’hui, nous anticipons une baisse de la vente de camions à énergie fossile, alors que le groupe Volvo a pris l’engagement de ne plus vendre de camions à l’énergie fossile dès 2040 pour avoir un parc roulant complètement décarboné en 2050. Les retours et le niveau de satisfaction de nos clients, et notamment des conducteurs, nous confortent dans notre démarche.
“Le groupe Volvo a pris l’engagement de ne plus vendre de camions à l’énergie fossile dès 2040 pour avoir un parc roulant complètement décarboné en 2050.”
Les camions électriques n’émettent pas de pollution et ne font pas de bruit, ce qui contribue à améliorer la qualité de vie en ville. Ce sont aussi des véhicules intelligents qui fournissent des données précieuses pour optimiser les coûts d’exploitation, de disposer de la maintenance prédictive permettant de réduire les arrêts au stand…
Nous nous dirigeons vers une nouvelle ère de la mobilité lourde avec des camions mieux pensés et utilisés qui contribuent à un transport et une logistique décarbonés.
Et pour construire la mobilité lourde de demain, recrutez-vous ?
Nous avons un réel enjeu de recrutement sur un marché du travail qui est caractérisé par des tensions et des pénuries de compétences sur plusieurs métiers. Au-delà, nous avons aussi un enjeu d’attractivité. Notre secteur est méconnu, voire stéréotypé. Pourtant, c’est une industrie en pleine transformation et au cœur des enjeux de l’électromobilité et de la décarbonation. En outre, nous travaillons sur la circularité de nos camions et la recyclabilité des matériaux, notamment les batteries, et réfléchissons aussi à comment allonger la durée de vie de nos camions.
Concrètement, nous recrutons des ingénieurs sur toute la chaîne de valeur, notamment pour nos bureaux d’études et nos usines. Nous recherchons aussi des ingénieurs qui ont une fibre commerciale pour les fonctions aval au contact direct des clients et de nos diverses parties prenantes. Aujourd’hui, de plus en plus, nos ingénieurs interviennent sur la mise en place de solutions complexes qui intègrent les infrastructures de recharge, les négociations des contrats pour l’électricité, la redéfinition des routes de transport, l’optimisation du remplissage des véhicules, le financement, ou encore les assurances. La vente traditionnelle et transactionnelle laisse peu à peu la place à une approche partenariale de maître d’œuvre de solutions ! Chez Renault Trucks, les opportunités sont nombreuses, en France comme à l’étranger, les métiers divers et les carrières multiples.