Swap2Zero : quand la mobilité maritime net zéro est à portée de main
La compagnie de croisière PONANT a toujours été à l’avant-garde dans le secteur maritime. Forte de sa vision différenciante et plus responsable du tourisme et de sa volonté de contribuer activement à la décarbonation de la mobilité à son échelle, la compagnie franchit aujourd’hui un nouveau cap avec le projet Swap2Zero, qui ambitionne de construire le premier bateau qui n’émet pas de carbone. Le point avec Patrick Augier, Directeur de l’Exploitation et Secrétaire Général de PONANT.
Pouvez-vous nous présenter PONANT et son évolution au cours des années ?
PONANT est une société qui a maintenant 36 ans. À la genèse de la compagnie, nous avions une équipe de marins précurseurs qui a lancé un nouveau concept, des croisières plus durables à bord du voilier, Le Ponant.
Depuis 1988, la compagnie s’est développée dans le domaine de la croisière en restant fidèle à une vision encore fortement différenciante aujourd’hui : des croisières sur des bateaux pensés pour accueillir un nombre limité de passagers afin d’avoir un impact le plus faible possible sur l’environnement et pouvoir aller dans des zones inaccessibles avec des bateaux « classiques ». Aujourd’hui, PONANT est une entreprise française qui emploie plus de 670 personnes à terre et 3 800 marins au sens large sur l’ensemble de ses navires. Notre clientèle est avant tout française et européenne. À bord, nous avons notamment banni le plastique à usage unique et avons mis en place le traitement des déchets. Et, nous respectons les normes environnementales les plus strictes.
Très naturellement, ce positionnement nous a permis d’être avant-gardiste en matière de décarbonation. Avec notre navire Le Commandant Charcot, nous avons ainsi été précurseurs dans l’utilisation du gaz naturel liquéfié pour la propulsion.
Aujourd’hui, nous allons encore plus loin en transformant notre flotte actuelle composée de 14 de navires et en lançant notre projet Swap2Zero, qui doit nous permettre de construire le premier navire décarboné à l’horizon 2030.
Quelle est votre trajectoire RSE et de décarbonation ? Quels sont les principaux objectifs et jalons que vous vous êtes fixés ?
Notre objectif est de réduire de 30 % nos émissions d’ici 2030. Dans cette démarche, nous avons, d’abord, réalisé un important travail de refonte et de révision de nos parcours, mais avons aussi lancé une transformation technique de notre flotte pour améliorer son efficacité énergétique. Depuis 2018, nous utilisons ainsi des fiouls légers. D’ici 2030, l’ensemble de notre flotte utilisera des biofioul ready ce qui nous permettra de tenir cet objectif de réduction de nos émissions.
Au-delà de 2030, pour maintenir, voire accélérer notre trajectoire de décarbonation et atteindre le net zéro à l’horizon 2050, nous devons franchir un cap en introduisant un nouveau type de navire décarboné.
En parallèle, il s’agit aussi de limiter toutes les autres émissions, comme les oxydes d’azote, les oxydes de soufre… Aujourd’hui, l’ensemble de nos navires sont bien évidemment équipés de pots catalytiques. Ils peuvent également être alimentés en shore power. Nous poursuivons l’adaptation de nos navires pour répondre aux objectifs fixés à une échelle européenne et par l’organisation maritime internationale.
Actuellement, vous êtes donc mobilisés sur votre projet de nouveau navire : Swap2Zero. De quoi s’agit-il ?
Ce projet très ambitieux vise à construire un navire décarboné qui permettra d’accélérer notre transition vers le net zéro. Ce navire a vocation à passer 60 % de son temps en mer et 40 % à quai. Un modèle de navigation particulièrement adapté aux « slow cruises », des croisières dites à faible vitesse avec des parcours adaptés.
Dans cette démarche, l’enjeu est de réussir à combiner un ensemble d’énergie renouvelable et décarbonée, d’une part, et de l’innovation, d’autre part, pour, in fine, ne plus émettre de CO₂. Cette innovation a vocation à rejaillir sur l’ensemble du secteur maritime. L’idée est, en effet, d’apporter des solutions réplicables sur d’autres navires.
« Il s’agit de faire coexister différents convertisseurs d’énergie à bord d’un même bateau. »
Sur un plan plus technique, nous sommes ainsi confrontés à un saut technologique très important, car il s’agit de faire coexister différents convertisseurs d’énergie à bord d’un même bateau. Nous étudions en ce sens plusieurs pistes :
- un système vélique et une carène permettant de fournir en moyenne 50 % de l’énergie de propulsion par la force du vent ;
- plus de 1000 m² de surface de panneaux photovoltaïques avec des dispositifs de nouvelle génération, solaires, organiques et écoconçus, intégrés dans les structures et les voiles ;
- une pile à combustible basse température fonctionnant à l’hydrogène liquide dédiée à la propulsion, avec recyclage de l’eau et de la chaleur produite ;
- une pile à combustible haute température pour les besoins de la charge hôtelière du navire, la chaleur dégagée sera alors récupérée pour la production d’eau chaude ;
- une technologie de captation de carbone à bord, couplée à la pile haute température ;
- un système innovant de gestion de l’énergie développé spécifiquement pour contrôler et répartir les puissances.
Dans le cadre de cette démarche inédite d’éco-conception, nous prévoyons également d’utiliser des matériaux recyclés et envisageons d’installer des systèmes de valorisation des déchets à bord. En parallèle, nous travaillons avec des industriels pour développer de nouveaux outils dédiés à la maintenance, ainsi qu’avec les ports pour pouvoir être ravitaillés et pouvoir également débarquer notre CO₂.
Quelques mots sur vos partenaires.
Autour de Swap2Zero, c’est tout un écosystème qui doit se structurer et s’organiser afin de réussir le déploiement de cette innovation et assurer derrière sa réplicabilité.
Ainsi, parmi nos partenaires, on compte BARILLEC Marine pour la pile à haute puissance ; LMG Marin France sur la partie implantation de l’hydrogène à bord du navire ; HELION Hydrogen Power, une filiale d’Alstom, autour du développement de la pile basse température ; SOLAR CLOTH pour le développement de panneaux solaires sans silicium capables de s’adapter à différentes surfaces ; le Bureau VERITAS qui nous accompagne sur la définition des normes ; ainsi que d’autres partenaires sur le ravitaillement en hydrogène et la récupération du gaz carbonique capté à bord afin de le mettre à disposition de différentes industries… Enfin, nous sommes encore en phase de négociation sur la partie construction afin de trouver le chantier européen qui construira ce navire.
Et pour conclure ?
Swap2Zero est un projet à la pointe de l’innovation qui ouvre de nouveaux horizons en termes de décarbonation du transport maritime, mais aussi de développement de nouveaux systèmes énergétiques au service de la mobilité net zéro de demain. Le projet est lauréat de l’Innovation Fund de la Commission européenne en 2024.
Cela demande une vision, des partenaires et du soutien afin de pouvoir déterminer les choix qui permettront d’atteindre, in fine, un certain équilibre économique nécessaire.
En France, PONANT a réussi à mobiliser et à créer cet écosystème d’innovation grâce à des partenaires qui apportent leurs compétences et leurs expertises au service de la réussite de ce projet inédit qui va nous permettre d’être pionnier en matière de mobilité décarbonée, de développer des technologies à forte valeur ajoutée et de créer un nouveau modèle économique et des emplois.