Une banque à l’avant-garde de la finance durable

Une banque à l’avant-garde de la finance durable

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Laurent BASSI

Banque pion­nière en matière de finan­ce­ment durable, ING pour­suit son déve­lop­pe­ment en don­nant aux entre­prises les moyens de finan­cer leur tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale. Laurent Bas­si, direc­teur des finan­ce­ments durables chez ING France, nous en dit plus.

Comment votre banque s’adapte-t-elle aux évolutions récentes du marché financier, notamment en matière de finance durable ?

ING est une banque très enga­gée, et même pion­nière sur le sujet de la dura­bi­li­té. Nous avons publié notre pre­mier rap­port sur la dura­bi­li­té il y a déjà 30 ans. Ce posi­tion­ne­ment s’explique par le fait que la Hol­lande est un pays pré­cur­seur en matière de tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale et de lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, alors qu’une grande par­tie du ter­ri­toire est sous le niveau de la mer. Il s’agit donc d’une ques­tion exis­ten­tielle pour le pays !

Nous fai­sons par­tie de la Net Zero Ban­king Alliance et moni­to­rons notre impact avec pour objec­tif d’atteindre la neu­tra­li­té carbone.

En notre qua­li­té de banque, notre impact est direc­te­ment lié aux finan­ce­ments que nous met­tons à la dis­po­si­tion de nos clients et aus­si en tant qu’intermédiaire sur les mar­chés de capi­taux. Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, notre enga­ge­ment se maté­ria­lise à dif­fé­rents niveaux. Au-delà du tra­vail de repor­ting, nous nous sommes dotés d’une approche dédiée, Ter­ra, qui vise à s’assurer que nos acti­vi­tés sont bien en ligne avec nos enga­ge­ments cli­ma­tiques. Dans le cadre de Ter­ra, nous avons iden­ti­fié les sec­teurs qui néces­sitent une vigi­lance accrue en termes d’investissement et qui incluent notam­ment l’oil & gas, l’énergie de manière géné­rale, l’immobilier, le ciment, l’acier… Cette liste est régu­liè­re­ment mise à jour. Nous y avons, d’ailleurs, ajou­té deux nou­veaux sec­teurs cette année : les pro­duits lai­tiers et l’aluminium.

“Forts de notre esprit pionnier, nous avons été la première banque à lancer les financements bancaires indexés sur des objectifs de développement durable (Sustainability-Linked Loans) en France.”

Cet enga­ge­ment en faveur du déve­lop­pe­ment durable et de la neu­tra­li­té car­bone nous pousse à être tou­jours plus inno­vants et à sti­mu­ler le dia­logue avec nos clients.

Forts de notre esprit pion­nier, nous avons été la pre­mière banque à lan­cer les finan­ce­ments ban­caires indexés sur des objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable (Sus­tai­na­bi­li­ty-Lin­ked Loans) en France. Nous avons notam­ment accom­pa­gné EDF, Geci­na et Céré­lia sur les pre­miers prêts Sus­tai­na­bi­li­ty-Lin­ked dans leurs seg­ments res­pec­tifs, à savoir Cor­po­rate, Real Estate et Leve­ra­ged Buy Out. Plus récem­ment, en début d’année, nous avons fran­chi un nou­veau cap en réa­li­sant la pre­mière tran­sac­tion dans le sec­teur des trans­ports béné­fi­ciant du for­mat de Green Pure Player, ali­gné sur la taxo­no­mie euro­péenne, pour Eurostar.

Quels sont les principaux obstacles économiques et conjoncturels que vous rencontrez dans la mise en œuvre de financements durables ? Comment les surmontez-vous ?

La finance durable per­met de mettre en évi­dence les stra­té­gies ESG des entre­prises aus­si bien de leurs inves­tis­se­ments et réa­li­sa­tions que de leurs ambi­tions et des objec­tifs qui y sont liés. Cela per­met aux entre­prises qui s’engagent de se mobi­li­ser autour d’enjeux et thèmes spé­ci­fiques avec des indi­ca­teurs et des objec­tifs et/ou des inves­tis­se­ments pré­cis. Cette approche volon­taire et trans­pa­rente de l’engagement des entre­prises se heurte par­fois à de mul­tiples défis comme l’accès à des don­nées pré­cises, quan­ti­fiables, mesu­rables et audi­tables mais aus­si à défi­nir des tra­jec­toires et des objec­tifs futurs qui s’y rat­tachent dans le cadre d’instruments finan­ciers Sus­tai­na­bi­li­ty-Lin­ked en par­ti­cu­lier. À cela s’ajoutent les évo­lu­tions de péri­mètres et d’activités, inhé­rentes à la vie des entre­prises. Même s’il existe de nom­breuses manières de répondre à ces sujets dans les docu­men­ta­tions finan­cières, le timing peut être un obs­tacle et des clauses de ren­dez-vous, par exemple, per­mettent d’y remédier.

Le contexte pas­sé et révo­lu de taux bas et proche de zéro, per­met­tait de « valo­ri­ser » les méca­nismes d’ajustement des marges (à la hausse ou la baisse et au maxi­mum de 10 % de la marge des banques) des prêts Sus­tai­na­bi­li­ty-Lin­ked de manière sub­stan­tielle. La remon­tée des taux a dilué de manière signi­fi­ca­tive la valeur de ces ajus­te­ments. De plus, cela s’est accom­pa­gné d’une plus grande vigi­lance et d’une for­ma­li­sa­tion des règles et stan­dar­di­sa­tion de struc­tu­ra­tion des prêts. Là où les pra­tiques de mar­ché pré­va­laient, de nou­velles normes de mar­chés (LMA) sont appa­rues, appor­tant une stan­dar­di­sa­tion et des contraintes addi­tion­nelles pour les emprunteurs.

« Les objectifs fixés se doivent d’être ambitieux et difficiles à atteindre, ce qui permet notamment d’éviter de potentielles accusations de greenwashing contre-productives. »

On note aus­si une forme de « choc des cultures ». Dans la finance dite tra­di­tion­nelle, les finan­ciers se fixent des objec­tifs qu’il convient d’atteindre, mais aus­si sou­vent de dépas­ser. En matière de finance durable, l’approche est dif­fé­rente. Les objec­tifs fixés se doivent d’être ambi­tieux et dif­fi­ciles à atteindre, ce qui per­met notam­ment d’éviter de poten­tielles accu­sa­tions de green­wa­shing contre-pro­duc­tives. La pro­blé­ma­tique de l’ambition est déli­cate à appré­hen­der alors que nous ne dis­po­sons pas tou­jours de véri­tables points de com­pa­rai­son et/ou d’entreprises réel­le­ment com­pa­rables (pré­sences géo­gra­phiques, de mix d’activités, de cycles d’investissements, de matu­ri­té, etc.).

Les entre­prises ont aus­si un enjeu de com­mu­ni­ca­tion. Elles font face à un envi­ron­ne­ment où il y a une cer­taine sus­pi­cion ambiante, alors qu’en France, mais aus­si dans d’autres pays, il est aujourd’hui pos­sible d’attaquer une entre­prise, voire l’État, pour inac­tion cli­ma­tique ou non-engagement.

Il est essen­tiel que l’engagement des entre­prises soit réel et sin­cère. Cet enga­ge­ment doit être accom­pa­gné d’une stra­té­gie avec des objec­tifs clairs, pré­cis et quan­ti­fiés. Ils doivent éga­le­ment s’inscrire dans la durée. Dès lors, ados­ser les objec­tifs à des finan­ce­ments est plus aisé mais per­met aus­si de cris­tal­li­ser l’engagement, une forme de « Walk the talk » où s’engager à faire ce que l’on dit et pas seule­ment dire que ce l’on (a) fait. À la valeur finan­cière et éco­no­mique directe (ajus­te­ment de marge et gree­nium) qui est aujourd’hui diluée, se sub­sti­tue une valeur de trans­pa­rence et de ges­tion des risques finan­ciers et extra-finan­ciers (double maté­ria­li­té) pour les banques et les investisseurs.

Pouvez-vous partager des exemples concrets de projets financés par ING qui illustrent votre approche de la finance durable ?

Nous avons accom­pa­gné EDF, Orange, La Poste, Saint-Gobain, SNCF et plus récem­ment Euros­tar. En finan­ce­ment d’actifs, nous avons conseillé Akiem, Ver­kor, ACC et de très nom­breux inves­tis­seurs immo­bi­liers (plus de 90 % de nos finan­ce­ments dans l’immobilier sont verts). Dans le domaine des finan­ce­ments dits Sus­tai­na­bi­li­ty-Lin­ked, nous avons accom­pa­gné ELO (Auchan), Trans­dev dans le domaine du trans­port et de la mobilité.

Dans le domaine social, nous avons accom­pa­gné de nom­breux acteurs, dont La Banque Pos­tale BPCE, CDC Habi­tat, ACOSS, ou encore Coun­cil of Europe Deve­lop­ment Bank…

Depuis 2017, qui marque véri­ta­ble­ment le début de la struc­tu­ra­tion de la finance durable et sa démo­cra­ti­sa­tion, ING a réa­li­sé, par­ti­ci­pé et/ou struc­tu­ré plus de 150 tran­sac­tions en France.

Selon vous, quels peuvent être les impacts de la CSRD et de la taxonomie sur le développement de la finance durable ?

Ces évo­lu­tions régle­men­taires imposent de nou­velles obli­ga­tions sur le volet extra-finan­cier avec notam­ment la double maté­ria­li­té et des normes de repor­ting uni­formes et stan­dar­di­sées qui doivent per­mettre la com­pa­ra­bi­li­té des per­for­mances. La véri­fi­ca­tion par des tiers ren­force éga­le­ment la fia­bi­li­té des don­nées. L’accès à l’information et à la com­pa­ra­bi­li­té sont essen­tiels pour pro­po­ser des struc­tures avec des objec­tifs maté­riels et ambi­tieux et se pré­mu­nir contre le greenwashing.

Les ana­lyses et réflexions préa­lables aux obli­ga­tions de CSRD placent les enjeux envi­ron­ne­men­taux, sociaux et de gou­ver­nance au plus haut niveau de déci­sion et de gou­ver­nance des entre­prises. En cela, ados­ser la stra­té­gie et les objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable aux ins­tru­ments de finan­ce­ment devrait être faci­li­té. La taxo­no­mie per­met de stan­dar­di­ser ce qui est émi­nem­ment vert, cepen­dant elle ne couvre pas tous les sec­teurs ni toutes les acti­vi­tés à ce stade. Les impacts de la taxo­no­mie sont ame­nés à évo­luer avec son exten­sion à d’autres sec­teurs et acti­vi­tés mais aus­si avec l’avènement des EU Green Bonds (2025) qui y sont adossés.

Sur un plan plus personnel, qu’appréciez-vous dans le secteur ? Quelles carrières peut-il offrir à des ingénieurs ?

C’est un envi­ron­ne­ment abso­lu­ment pas­sion­nant, nous sommes véri­ta­ble­ment au cœur des enjeux envi­ron­ne­men­taux aux côtés de toutes les entre­prises, quels que soient leur taille ou leur sec­teur d’activité avec une approche holis­tique des besoins de finan­ce­ments. Nous sommes ame­nés à échan­ger avec toutes les com­po­santes d’une entre­prise, du mana­ge­ment aux opé­ra­tion­nels et pas seule­ment les fonc­tions Finances et dura­bi­li­té (ESG/RSE).

Plus que jamais, les ingé­nieurs ont tota­le­ment leur place dans cet uni­vers finan­cier qui est en pre­mière ligne pour pro­mou­voir et assu­rer la réus­site de la tran­si­tion éco­no­mique et éco­lo­gique. Les besoins et les oppor­tu­ni­tés sont nom­breux dans les domaines de la data, des finan­ce­ments et des inves­tis­se­ments afin d’accompagner les entre­prises et la socié­té dans leurs besoins liés au chan­ge­ment cli­ma­tique aus­si bien de miti­ga­tion que d’adaptation.

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