Découvrir de nouveaux matériaux grâce à l’IA

Découvrir de nouveaux matériaux grâce à l’IA

Dossier : Vie des entreprises - Décarbonation et économie circulaireMagazine N°799 Novembre 2024
Par Victor SCHMIDT (X12)

Vic­tor Schmidt (X12), cofon­da­teur et CTO d’Entalpic, nous pré­sente cette jeune start-up qui capi­ta­lise sur l’IA pour créer de nou­veaux maté­riaux. Il nous en dit plus sur la genèse de l’entreprise, la forte place de la R&D et de l’innovation et nous détaille son modèle et sa stra­té­gie de déve­lop­pe­ment. Rencontre.

Quelle a été la genèse d’Entalpic ?

En 2019, je suis par­ti au Cana­da, à Mont­réal, pour effec­tuer un doc­to­rat avec Yoshua Ben­gio, un émi­nent cher­cheur en IA et prix Turing 2018. Ma thèse por­tait sur les appli­ca­tions du deep lear­ning à la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Dans ce tra­vail de recherche, j’ai consa­cré la pre­mière par­tie de mes recherches aux modèles géné­ra­tifs pour les images (GANs) et la seconde aux modèles géné­ra­tifs pour les maté­riaux. C’est dans ce cadre que j’ai ren­con­tré Alexandre Duval, cofon­da­teur et actuel CSO d’Entalpic. Ensemble, nous avons tra­vaillé sur les appli­ca­tions du deep lear­ning à la pré­dic­tion de pro­prié­tés phy­si­co-chi­miques et à la décou­verte de nou­veaux matériaux.

En octobre 2023, j’ai été contac­té par Mathieu Gal­tier, que j’avais ren­con­tré lors d’un stage en 2015, afin de réflé­chir ensemble à la créa­tion d’une start-up.

“Entalpic est une entreprise centrée sur la production de propriété intellectuelle. Sa raison d’être est de découvrir de nouvelles formulations et de nouveaux matériaux. Au cœur de notre métier, on retrouve donc la R&D.”

Très natu­rel­le­ment, nous avons fait le choix de conti­nuer les tra­vaux que je menais alors avec Alexandre, convain­cus du poten­tiel de l’IA dans le domaine de la recherche de nou­veaux maté­riaux, mais aus­si que la recherche de nou­veaux maté­riaux est un puis­sant levier pour lut­ter contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. La start-up a ain­si vu le jour en mars 2024, et, un mois plus tard, je défen­dais ma thèse !

Quel est donc le positionnement d’Entalpic ?

Ental­pic est une entre­prise cen­trée sur la pro­duc­tion de pro­prié­té intel­lec­tuelle. Sa rai­son d’être est de décou­vrir de nou­velles for­mu­la­tions et de nou­veaux maté­riaux. Au cœur de notre métier, on retrouve donc la R&D. Concrè­te­ment, nous déve­lop­pons une IA géné­ra­tive qui per­met de cher­cher dans le très vaste espace des com­po­si­tions et des confi­gu­ra­tions ato­miques, pour trou­ver de nou­veaux maté­riaux qui peuvent amé­lio­rer l’efficacité des réac­tions chi­miques indus­trielles. Ces maté­riaux, qu’on appelle des cata­ly­seurs, inter­viennent dans un très grand nombre, voire la qua­si-tota­li­té, des réac­tions chi­miques indus­trielles d’aujourd’hui.

“L’ambition d’Entalpic n’est pas de remplacer les produits finaux, mais de trouver de nouveaux catalyseurs qui vont permettre de produire ces matériaux finaux d’une manière plus durable et écologique.”

En d’autres termes, l’ambition d’Entalpic n’est pas de rem­pla­cer les pro­duits finaux (sou­vent des com­mo­di­tés), comme l’ammoniaque ou l’hydrogène, mais plu­tôt de trou­ver de nou­veaux cata­ly­seurs qui vont per­mettre de pro­duire ces maté­riaux finaux d’une manière plus durable et éco­lo­gique en consom­mant, par exemple, moins d’énergie.

Victor Schmidt, cofondateur et CTO d’Entalpic,  - Mathieu Galtier, CEO et Alexandre Duval, CSO
Vic­tor Schmidt, CTO – Mathieu Gal­tier, CEO et Alexandre Duval, CSO

Quels sont les enjeux et problématiques que vous appréhendez ?

Ils sont nom­breux ! L’objectif de notre démarche est de créer de nou­veaux cata­ly­seurs plus effi­caces pour réduire les besoins éner­gé­tiques néces­saires à une réac­tion chi­mique, ou bien pour bais­ser les coûts de pro­duc­tion des alter­na­tives aux hydro­car­bures ou enfin trou­ver des sub­sti­tuts aux métaux et terres rares, rédui­sant ain­si l’empreinte éco­lo­gique de ces acti­vi­tés, mais aus­si notre dépen­dance à cer­taines matières premières.

Pour développer ces catalyseurs et nouveaux matériaux, quel est le modèle que vous avez choisi ?

Ental­pic ne four­nit pas d’accès à une pla­te­forme, à un ser­vice ou à un logi­ciel. Nous appré­hen­dons la recherche de ces nou­veaux maté­riaux, au tra­vers d’une démarche par­te­na­riale et de codé­ve­lop­pe­ment avec des entre­prises qui ont une exper­tise métier dans la pro­duc­tion de maté­riaux ou de pro­duits chimiques.

Autour de quels axes s’articule votre stratégie aujourd’hui ?

Nous avons levé 8,5 mil­lions d’euros en capi­tal risque auprès de trois inves­tis­seurs : Bree­ga, Cathay Inno­va­tion et Feli­cis. À par­tir de là, notre pre­mier enjeu est d’industrialiser notre pla­te­forme, dont les pre­miers déve­lop­pe­ments s’inscrivent dans le cadre de nos par­cours aca­dé­miques et nos recherches.

En paral­lèle, il s’agit d’approfondir notre connais­sance du mar­ché indus­triel et de com­men­cer à créer un réseau d’entreprises par­te­naires afin d’être en prise directe avec leurs besoins et leurs enjeux en matière de nou­veaux maté­riaux et catalyseurs.

Au-delà, notre approche contri­bue éga­le­ment au mou­ve­ment de réin­dus­tria­li­sa­tion, ain­si qu’au ren­for­ce­ment de notre sou­ve­rai­ne­té et de notre indé­pen­dance au regard de l’enjeu de la dis­po­ni­bi­li­té des matériaux.

Sur le plus long terme, nous envi­sa­geons notam­ment la créa­tion d’un labo­ra­toire expé­ri­men­tal, AI Lab, ain­si que la ver­ti­ca­li­sa­tion ou la diver­si­fi­ca­tion de nos activités.

Quelles sont les premières applications envisagées à ce stade ?

Nous tra­vaillons notam­ment sur les bat­te­ries sta­tion­naires, l’hydrogène, le métha­nol, l’ammoniaque, les bio­car­bu­rants… À ce stade, nous sommes encore en phase explo­ra­toire et sommes ouverts à toute dis­cus­sion avec les indus­triels. En paral­lèle, nous accor­dons une atten­tion par­ti­cu­lière à la dimen­sion envi­ron­ne­men­tale et éco­lo­gique afin d’apporter notre contri­bu­tion à notre modeste échelle.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Aujourd’hui, il s’agit de construire une équipe d’une quin­zaine de per­sonnes aux com­pé­tences et exper­tises poin­tues issues des meilleures ins­ti­tu­tions dans les domaines de l’IA, de la chi­mie, des matériaux…

Ental­pic a un ADN aca­dé­mique et notre volon­té est de conser­ver des rela­tions fortes avec le monde de la recherche académique.

Et pour conclure ?

Aujourd’hui, il a une forme de « bulle de l’IA », avec des appli­ca­tions par­fois dou­teuses voire fri­voles ou même direc­te­ment nocives. A contra­rio, Ental­pic veut être le fer de lance d’une IA sérieuse, à la croi­sée des immenses enjeux scien­ti­fiques, tech­niques et socié­taux de notre ère.

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