Pierre Boisson (X55)

Pierre Boisson (X55), médiateur hors pair et montagnard dans l’âme

Dossier : TrajectoiresMagazine N°800 Décembre 2024
Par Gérard PIKETTY (X55)

Décé­dé le 11 juillet 2023, Pierre Bois­son, pro­fon­dé­ment mar­qué par l’environnement simple et rude de la mon­tagne juras­sienne de son enfance, a for­te­ment rayon­né par son huma­nisme calme, ouvert, auda­cieux et résolu.

Pierre Bois­son est né le 5 mai 1935 dans la Petite Mon­tagne du Jura, au lieu-dit le mont de Dra­me­lay, petit hameau bien iso­lé de la com­mune de Dra­me­lay (90 habi­tants en 1946, 24 aujourd’hui). Son père, Émile, ins­tal­la­teur de machines agri­coles, tient à ce que ses enfants poussent leurs études le plus loin pos­sible. En 1940, Pierre est donc l’un des dix élèves de la classe unique de la commune.

Dans son temps libre, il trait les vaches de la ferme et lit Vic­tor Hugo, seul auteur qui y est acces­sible. Lorsque la classe ferme, Pierre doit alors tous les jours aller à pied à l’école com­mu­nale de Des­sia, à 3 kilo­mètres de là. Il entame ensuite le cycle secon­daire comme pen­sion­naire chez les Laza­ristes de Lyon, saute la qua­trième et se dis­tingue comme lau­réat du Concours géné­ral (mathé­ma­tiques), fait ses pré­pas au lycée du Parc et intègre l’X en sep­tembre 1955.

Coopération et médiation

Ayant opté pour le corps des Mines, il se retrouve en 1961 à Douai où il s’emploie à mieux docu­men­ter les ravages cau­sés aux mineurs par les pneu­mo­co­nioses liées à l’inhalation des pous­sières de char­bon, moins étu­diées que la sili­cose. Après la fin de la guerre d’Algérie, le gou­ver­ne­ment algé­rien met l’accent sur l’industrialisation du pays et lance la construc­tion d’une usine sidé­rur­gique à Bône, déjà pro­gram­mée en 1958 dans le plan de Constantine.

Moham­med Lias­sine (X55), un des très rares X « indi­gènes » de l’Algérie, est nom­mé, dès 1962, direc­teur de l’indus­trialisation par le pre­mier ministre de l’Industrie, Belaïd Abdes­sa­lam. Il demande à Pierre Bois­son de l’y secon­der pour la construc­tion de cette sidé­rur­gie. Pierre accepte et se jette à fond dans l’aventure qui mar­que­ra son approche des pro­blèmes et sa répu­ta­tion. Il s’y consa­cre­ra jusqu’en 1967, sou­dant autour d’eux une équipe mixte entiè­re­ment vouée à l’objectif fixé : moment de coopé­ra­tion intense et effi­cace retra­cé dans un ouvrage récent consa­cré à la « Socié­té natio­nale de sidé­rur­gie ». Pierre est aus­si sou­cieux d’améliorer l’insertion des adultes en dif­fi­cul­té et sou­tient vive­ment les péda­go­gies inno­vantes de notre cama­rade Ber­trand Schwartz, avec lequel il col­la­bore dans son asso­cia­tion « Moder­ni­ser sans exclure ».

« Soucieux d’améliorer l’insertion des adultes en difficulté. »

L’État le nom­me­ra direc­teur géné­ral des stra­té­gies indus­trielles au minis­tère de l’Industrie, puis pré­sident de la hol­ding ERAP qui déte­nait ses par­ti­ci­pa­tions dans la SNPA (Socié­té natio­nale des pétroles d’Aquitaine) et dans Era­met-SLN, laquelle contrô­lait la socié­té Le Nickel, prin­ci­pal opé­ra­teur minier et métal­lur­gique de la Nou­velle-Calé­do­nie. Là, il faut conci­lier l’inconciliable : d’un côté le poids géo­po­li­tique et domi­nant du nickel dans l’économie calé­do­nienne et les évo­lu­tions très contras­tées de son mar­ché, de l’autre la coexis­tence fra­gile des diverses com­po­santes socio­cul­tu­relles de la Nou­velle-Calé­do­nie. Média­teur habile, Pierre s’attachera à nouer des rela­tions de confiance avec le monde kanak. Elles seront pré­cieuses dans le contexte qui condui­ra aux accords de Mati­gnon de 1988.

L’amour et l’esprit de la montagne

Pierre Bois­son et sa femme, Éli­sa­beth, avaient réus­si l’exploit de blot­tir dans le gigan­tesque chaos gré­seux d’un som­met du mas­sif des Trois Pignons au Vau­doué, au sein de la forêt de Fon­tai­ne­bleau, un refuge où l’esprit de la mon­tagne souf­flait très fort.

Après l’escalade leurs amis, mor­dus de « Bleau », aimaient s’y retrou­ver. Pierre y par­lait de l’Afrique, de ses pro­blèmes, des amis afri­cains connus notam­ment lors de son pas­sage au BRGM, dont il culti­vait la rela­tion. Là resurgis­sait l’esprit simple, pra­tique, huma­niste de la Petite Mon­tagne du Jura de son enfance. Pierre était une force amou­reuse de cette nature. On pou­vait se repo­ser sur lui. 

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