Pierre Boisson (X55), médiateur hors pair et montagnard dans l’âme
Décédé le 11 juillet 2023, Pierre Boisson, profondément marqué par l’environnement simple et rude de la montagne jurassienne de son enfance, a fortement rayonné par son humanisme calme, ouvert, audacieux et résolu.
Pierre Boisson est né le 5 mai 1935 dans la Petite Montagne du Jura, au lieu-dit le mont de Dramelay, petit hameau bien isolé de la commune de Dramelay (90 habitants en 1946, 24 aujourd’hui). Son père, Émile, installateur de machines agricoles, tient à ce que ses enfants poussent leurs études le plus loin possible. En 1940, Pierre est donc l’un des dix élèves de la classe unique de la commune.
Dans son temps libre, il trait les vaches de la ferme et lit Victor Hugo, seul auteur qui y est accessible. Lorsque la classe ferme, Pierre doit alors tous les jours aller à pied à l’école communale de Dessia, à 3 kilomètres de là. Il entame ensuite le cycle secondaire comme pensionnaire chez les Lazaristes de Lyon, saute la quatrième et se distingue comme lauréat du Concours général (mathématiques), fait ses prépas au lycée du Parc et intègre l’X en septembre 1955.
Coopération et médiation
Ayant opté pour le corps des Mines, il se retrouve en 1961 à Douai où il s’emploie à mieux documenter les ravages causés aux mineurs par les pneumoconioses liées à l’inhalation des poussières de charbon, moins étudiées que la silicose. Après la fin de la guerre d’Algérie, le gouvernement algérien met l’accent sur l’industrialisation du pays et lance la construction d’une usine sidérurgique à Bône, déjà programmée en 1958 dans le plan de Constantine.
Mohammed Liassine (X55), un des très rares X « indigènes » de l’Algérie, est nommé, dès 1962, directeur de l’industrialisation par le premier ministre de l’Industrie, Belaïd Abdessalam. Il demande à Pierre Boisson de l’y seconder pour la construction de cette sidérurgie. Pierre accepte et se jette à fond dans l’aventure qui marquera son approche des problèmes et sa réputation. Il s’y consacrera jusqu’en 1967, soudant autour d’eux une équipe mixte entièrement vouée à l’objectif fixé : moment de coopération intense et efficace retracé dans un ouvrage récent consacré à la « Société nationale de sidérurgie ». Pierre est aussi soucieux d’améliorer l’insertion des adultes en difficulté et soutient vivement les pédagogies innovantes de notre camarade Bertrand Schwartz, avec lequel il collabore dans son association « Moderniser sans exclure ».
« Soucieux d’améliorer l’insertion des adultes en difficulté. »
L’État le nommera directeur général des stratégies industrielles au ministère de l’Industrie, puis président de la holding ERAP qui détenait ses participations dans la SNPA (Société nationale des pétroles d’Aquitaine) et dans Eramet-SLN, laquelle contrôlait la société Le Nickel, principal opérateur minier et métallurgique de la Nouvelle-Calédonie. Là, il faut concilier l’inconciliable : d’un côté le poids géopolitique et dominant du nickel dans l’économie calédonienne et les évolutions très contrastées de son marché, de l’autre la coexistence fragile des diverses composantes socioculturelles de la Nouvelle-Calédonie. Médiateur habile, Pierre s’attachera à nouer des relations de confiance avec le monde kanak. Elles seront précieuses dans le contexte qui conduira aux accords de Matignon de 1988.
L’amour et l’esprit de la montagne
Pierre Boisson et sa femme, Élisabeth, avaient réussi l’exploit de blottir dans le gigantesque chaos gréseux d’un sommet du massif des Trois Pignons au Vaudoué, au sein de la forêt de Fontainebleau, un refuge où l’esprit de la montagne soufflait très fort.
Après l’escalade leurs amis, mordus de « Bleau », aimaient s’y retrouver. Pierre y parlait de l’Afrique, de ses problèmes, des amis africains connus notamment lors de son passage au BRGM, dont il cultivait la relation. Là resurgissait l’esprit simple, pratique, humaniste de la Petite Montagne du Jura de son enfance. Pierre était une force amoureuse de cette nature. On pouvait se reposer sur lui.