Pour protéger la Terre, le sol comme boussole

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°800 Décembre 2024
Par Jean-François NOGRETTE

Il y a de cela à peine quelques géné­ra­tions, nos socié­tés humaines s’inscrivaient dans une orga­ni­sa­tion cir­cu­laire, où la matière se régé­né­rait sans cesse. Preuve en était : les déchets des villes eux-mêmes étaient col­lec­tés par des agri­cul­teurs qui en fai­saient l’engrais de leurs champs.

Les socié­tés modernes qui ont émer­gé au tour­nant des XIXe et XXe siècles ont enga­gé une « grande rup­ture méta­bo­lique », pour reprendre le mot de l’historien Gré­go­ry Que­net, ins­ti­tuant une nou­velle forme de linéa­ri­té et se cou­pant de leurs fon­da­men­taux naturels. 

À l’heure d’inventer de nou­velles cir­cu­la­ri­tés, de l’énergie comme de la matière, nos socié­tés doivent, pour assu­rer leur sur­vie, se recon­nec­ter à leurs sols et en faire leur bous­sole. L’étymologie même, dans le double sens qu’elle donne dès l’origine au mot « terre », rap­pelle que la pla­nète n’est rien sans la matière dont elle est faite. Y por­ter direc­te­ment atten­tion peut com­por­ter une grande part de la solu­tion recher­chée pour rele­ver les défis écologiques.

Il n’y a qu’à y son­ger : les stocks de car­bone situés dans les 30 pre­miers cen­ti­mètres de sol sont esti­més à 1 000 mil­liards de tonnes. Comme le sou­ligne l’initiative « 4 pour 1 000 » por­tée par l’ONU, au regard de l’excédent annuel d’émissions de 4 mil­liards de tonnes, un taux de crois­sance annuel du stock de car­bone dans les sols de 0,4 % par an per­met­trait de stop­per l’augmentation de la concen­tra­tion de CO₂ dans l’atmosphère liée aux acti­vi­tés humaines.

“Décarboner les activités humaines est le premier intérêt de la conversion des déchets alimentaires et des autres déchets verts en engrais organiques.”

Décar­bo­ner les acti­vi­tés humaines est ain­si le pre­mier inté­rêt de la conver­sion des déchets ali­men­taires et des autres déchets verts en engrais orga­niques. Plu­tôt que d’émettre des gaz à effet de serre comme les engrais chi­miques dont la pro­duc­tion néces­site beau­coup d’énergie, la recons­ti­tu­tion de ce cycle ori­gi­nel per­met au contraire de réin­tro­duire le car­bone que les déchets orga­niques contiennent dans les sols – un objec­tif auquel contri­bue Veo­lia en étant, avec un mil­lion de tonnes par an, le pre­mier pro­duc­teur de com­posts en France.

Mais ce n’est pas tout. Prendre soin du sol, c’est aus­si mesu­rer com­bien tous les enjeux éco­lo­giques et humains sont liés. Alors que 60 % des sols mon­diaux sont dégra­dés et qu’un seul gramme de terre peut conte­nir envi­ron 10 mil­liards de micro-orga­nismes, réin­tro­duire du car­bone dans le sol, en plus de décar­bo­ner l’atmosphère, per­met aus­si de régé­né­rer les sols, entre­te­nir leur bio­di­ver­si­té, assu­rer leur fer­ti­li­té et contri­buer à répondre aux besoins d’alimentation humaine.

Prendre soin du sol, c’est aus­si mesu­rer la diver­si­té des actions néces­saires à enga­ger pour un ave­nir durable. La seule réin­tro­duc­tion du car­bone ne suf­fit pas à assu­rer la qua­li­té des sols, qui peuvent avoir besoin d’être pro­té­gés, humi­di­fiés, par­fois dépol­lués après avoir subi des dom­mages. Avec les sols, on le com­prend : il n’y a pas de solu­tion miracle, mais une néces­si­té, pour toute acti­vi­té humaine, de prendre en compte la tota­li­té de ses impacts et d’y répondre dans leur globalité.

Alors que la for­ma­tion d’un cen­ti­mètre de sol de qua­li­té peut prendre jusqu’à plu­sieurs mil­liers d’années, les sols, enfin, nous
rap­pellent une réa­li­té fon­da­men­tale : le patri­moine natu­rel dont nous dis­po­sons aujourd’hui est un legs qui nous vient de loin. Nous en avons la res­pon­sa­bi­li­té. Soyons à la hau­teur, et ayons à cœur de le choyer.
 

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