La sécurité, un enjeu humain et technologique pour la SNCF !

La sécurité, un enjeu humain et technologique pour la SNCF !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°800 Décembre 2024
Par Patrick AUVRELE

Enjeu stra­té­gique pour la SNCF, la sécu­ri­té est au cœur des pré­oc­cu­pa­tions quo­ti­diennes du groupe et s’appuie sur une direc­tion dédiée à la sécu­ri­té au sein de l’entité SNCF Voya­geurs. Patrick Auvrèle, à la tête de cette direc­tion de la Sécu­ri­té de SNCF Voya­geurs, nous en dit plus sur l’ensemble des pistes, humaines et tech­no­lo­giques, explo­rées afin d’optimiser la sécu­ri­té et la sûre­té et s’inscrire dans une démarche d’amélioration conti­nue visant à réduire dura­ble­ment les risques.

Qu’est-ce que la Direction de la Sécurité de SNCF Voyageurs et quel est son périmètre d’action ?

La direc­tion de la Sécu­ri­té de SNCF Voya­geurs est en charge des « six sécu­ri­tés » au sein du groupe SNCF : la sécu­ri­té de nos voya­geurs ou la sécu­ri­té fer­ro­viaire ; la sécu­ri­té de nos per­son­nels ; la sûre­té ; la sécu­ri­té incen­die ; la sécu­ri­té envi­ron­ne­men­tale et la cybersécurité.

Pour assu­rer cette mis­sion cen­trale, la direc­tion s’appuie sur 70 per­sonnes. Enjeu trans­verse au sein du groupe, les ques­tions rela­tives à la sécu­ri­té mobi­lisent plus lar­ge­ment envi­ron 1 000 per­sonnes sur l’ensemble du ter­ri­toire au sein de SNCF Voyageurs.

Pour améliorer la sécurité ferroviaire, comment capitalisez-vous sur les nouvelles technologies ?

Conscient du poten­tiel et de la valeur ajou­tée des nou­velles tech­no­lo­gies et digi­tal, nous avons inté­gré ces deux dimen­sions depuis déjà plu­sieurs années. Nous capi­ta­li­sons, en effet, sur les nou­velles tech­no­lo­gies pour inno­ver et mettre à la dis­po­si­tion de nos per­son­nels des outils pour les aider à mieux rem­plir leurs diverses mis­sions. Ain­si, à titre d’exemple, nous avons déve­lop­pé et mis à dis­po­si­tion de nos contrô­leurs l’application Sécu­ri­té À Bord qui inclut tous les élé­ments et infor­ma­tions néces­saires pour garan­tir la sécu­ri­té à bord d’un train. 

En effet, au-delà de ces mis­sions com­mer­ciales clas­siques bien connues du grand public, le contrô­leur est aus­si le garant de la sécu­ri­té du train : fer­me­ture des portes, véri­fi­ca­tion des mon­tées et des­centes des voya­geurs… Autre­fois, ces consignes de sécu­ri­té étaient com­pi­lées dans des sup­ports papiers de plu­sieurs dizaines de pages. Aujourd’hui, en quelques clics sur son smart­phone, le contrô­leur peut très faci­le­ment et rapi­de­ment y avoir accès.

Citons un autre exemple, pour opti­mi­ser la mon­tée et la des­cente des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap, nous avons déve­lop­pé une appli­ca­tion dédiée STOP & GO qui per­met de faire le lien entre le per­son­nel d’escale qui opère au sol, sur les quais, et les contrô­leurs dans le train. En envoyant un STOP sur le smart­phone du contrô­leur, le per­son­nel d’escale va ain­si l’alerter de la mon­tée ou de la des­cente d’une per­sonne en situa­tion de han­di­cap. Une fois l’opération fina­li­sée, il suf­fit d’envoyer un GO. Ce sys­tème per­met au contrô­leur, qui n’est pas for­cé­ment au même endroit que l’agent d’escale, d’avoir une visi­bi­li­té à dis­tance de ces opérations.

« Autrefois, ces consignes de sécurité étaient compilées dans des supports papiers de plusieurs dizaines de pages. Aujourd’hui, en quelques clics sur son smartphone, le contrôleur peut très facilement et rapidement y avoir accès. »

Actuel­le­ment, nous tes­tons une nou­velle appli­ca­tion Alerte en cas de choc pour accé­lé­rer et fia­bi­li­ser l’envoi d’un mes­sage d’urgence lors d’accidents qui peuvent sur­ve­nir par exemple au niveau des pas­sages à niveau, notam­ment quand un train per­cute un véhi­cule rou­tier. Dans ce cas de figure, très sou­vent, les équi­pe­ments de la cabine sont endom­ma­gés et il est alors très dif­fi­cile, voire impos­sible, de trans­mettre les bonnes infor­ma­tions afin d’arrêter la cir­cu­la­tion des autres trains. Grâce à un sys­tème de gyro­scope, le télé­phone du conduc­teur pour­ra iden­ti­fier qu’il y a eu un choc et envoyer immé­dia­te­ment l’alerte aux centres de régu­la­tion du train.

Nous déve­lop­pons aus­si des appli­ca­tions et des outils à des­ti­na­tion des conduc­teurs. On peut notam­ment citer Odi­céo, une appli­ca­tion qui digi­ta­lise l’ensemble des ordres don­nés dans le cadre d’une mis­sion de conduite et plus par­ti­cu­liè­re­ment dans des situa­tions où le conduc­teur est confron­té à des ano­ma­lies sur son tra­jet, comme un pas­sage à niveau en déran­ge­ment, des tra­vaux en cours qui néces­sitent un ralen­tis­se­ment ou une modi­fi­ca­tion de son parcours…

Concrè­te­ment, le digi­tal et les nou­velles tech­no­lo­gies nous per­mettent de sécu­ri­ser la trans­mis­sion de la bonne infor­ma­tion à la bonne per­sonne et au bon moment, ce qui contri­bue à rele­ver signi­fi­ca­ti­ve­ment le niveau de sécu­ri­té ferroviaire.

Quelle est votre approche en matière de gestion des risques et de prévention des accidents ferroviaires ?

La sécu­ri­té est une obses­sion quo­ti­dienne pour SNCF. Nous nous ins­cri­vons dans une démarche d’amélioration conti­nue qui se tra­duit par une ana­lyse per­ma­nente des risques et des écarts de sécu­ri­té pour réhaus­ser le niveau de sécu­ri­té. Dans ce cadre, nous déve­lop­pons une approche dite de « nœuds papillon » qui est très connue dans les milieux à haut risque. Elle per­met de dépas­ser l’arbre des causes pour trai­ter en amont un évé­ne­ment redou­té en se concen­trant sur les « bar­rières » (règles, pro­ces­sus, ou élé­ments tech­niques) qui vont per­mettre d’éviter sa sur­ve­nance ou atté­nuer les conséquences.

Nous menons un impor­tant tra­vail d’analyse et de valo­ri­sa­tion des retours d’expérience de tous les évé­ne­ments. Dans une approche dite « juste et équi­table » qui ne vise pas à sanc­tion­ner les acteurs en cas d’erreur, nous cher­chons à iden­ti­fier les causes pro­fondes d’un évé­ne­ment, afin de les trai­ter pour s’assurer que cela ne se repro­duise plus.

Quelles pistes explorez-vous pour optimiser la sécurité des passagers et des infrastructures ferroviaires ? 

Nous nous concen­trons essen­tiel­le­ment sur deux leviers. Le pre­mier est bien évi­dem­ment l’humain, car la sécu­ri­té est assu­rée par nos agents de sécu­ri­té fer­ro­viaire à bord des trains ou dans les gares avec le sou­tien des équipes de la police, de la gen­dar­me­rie ou encore de l’Armée, notam­ment dans le cadre du Plan Vigipirate.

Le second levier est d’ordre tech­no­lo­gique et revêt dif­fé­rentes formes. Nous uti­li­sons notam­ment la vidéo-sur­veillance et plus par­ti­cu­liè­re­ment les vidéos dites intel­li­gentes qui nous per­mettent de détec­ter des mou­ve­ments anor­maux, des pré­sences humaines dans des trains qui devraient être vides de pas­sa­gers, ou encore de faire la dif­fé­rence entre un obs­tacle phy­sique (rocher, véhi­cule, objet…) ou humain… Ces vidéos nous per­mettent, par ailleurs, de réduire signi­fi­ca­ti­ve­ment les retards de nos trains.

La sécurité et la sûreté nécessitent aussi un travail constant en matière de formation et de sensibilisation. Qu’en est-il ?

Nous avons une acti­vi­té de for­ma­tion très inten­sive. Cela passe, d’abord, par des habi­li­ta­tions et des auto­ri­sa­tions pour des tâches opé­ra­tion­nelles et d’encadrement. En com­plé­ment, nous avons déve­lop­pé des for­ma­tions et des sen­si­bi­li­sa­tions com­plé­men­taires sur la dimen­sion Fac­teurs Orga­ni­sa­tion­nels et Humains. Tout le mana­ge­ment a sui­vi ces for­ma­tions pour déve­lop­per une capa­ci­té à ana­ly­ser et à faire de la pré­ven­tion sur ces fac­teurs qui peuvent impac­ter la sécu­ri­té. Nous avons aus­si tra­vaillé sur une approche de « libé­ra­tion de la parole » avec la mise en place d’une charte dédiée pour inci­ter nos opé­ra­teurs à remon­ter au mana­ge­ment tout évé­ne­ment, quelle que soit sa gra­vi­té, afin qu’il puisse être ana­ly­sé et évi­ter, ain­si, que cela se repro­duise. Enfin, nous pro­po­sons aus­si des for­ma­tions axées sur le mana­ge­ment, le savoir-être, le savoir-voir et le com­por­te­ment pour déve­lop­per les meilleures approches mana­gé­riales de la sécurité.

Un contrôleur dans l’exercice de son métier portant une caméra piéton. © Yann Audic
Un contrô­leur dans l’exercice de son métier por­tant une camé­ra pié­ton. © Yann Audic

Pour promouvoir une meilleure culture de la sécurité, vous privilégiez aussi une certaine ouverture sur votre écosystème avec de nombreux partenariats. Quelques mots sur cette dimension. 

Nous obser­vons avec grand inté­rêt les sys­tèmes à haut risque qui nous entourent afin de capi­ta­li­ser sur les bonnes pra­tiques et les retours d’expérience d’autres sec­teurs. Au-delà du monde fer­ro­viaire, nous réa­li­sons ain­si des bench­marks et des études com­pa­ra­tives auprès de nom­breuses entre­prises comme Air France, Tota­lE­ner­gies, Arké­ma… Nous avons aus­si des par­te­na­riats avec des ins­ti­tuts et des fon­da­tions spé­cia­li­sés dans la sécu­ri­té indus­trielle, comme l’ICSI et la FONCSI… Ces experts de la sécu­ri­té nous apportent un regard exté­rieur, des recom­man­da­tions et des pré­co­ni­sa­tions, voire des alertes sur notre mana­ge­ment afin d’améliorer notre ges­tion des risques et de la sécurité.

Enfin, vous êtes aussi très mobilisés pour protéger vos personnels face aux agressions, aux incivilités et aux risques aversifs de leur métier qui connaissent malheureusement une forte hausse depuis quelques années…

C’est, en effet, une pré­oc­cu­pa­tion très forte, les agres­sions et les inci­vi­li­tés repré­sentent un quart de nos acci­dents du tra­vail. Pour nous en pré­mu­nir, nous explo­rons plu­sieurs leviers. Avec l’accord du minis­tère de l’Intérieur, nous menons une phase expé­ri­men­tale visant à équi­per notre per­son­nel en contact avec la clien­tèle de camé­ra pié­ton qui per­met d’enregistrer en audio et en vidéo un échange ten­du avec un client. Après l’avoir pré­ve­nu du déclen­che­ment de l’enregistrement, la pré­sence de cette camé­ra per­met d’apaiser les rela­tions dans plus de 94 % des cas, ce qui contri­bue à réduire signi­fi­ca­ti­ve­ment les agres­sions et les acci­dents du tra­vail. Fin 2023, plus de 2 000 camé­ras avaient été déployées en ce sens.

En paral­lèle, nous for­mons nos agents en rela­tion avec la clien­tèle, et plus par­ti­cu­liè­re­ment nos contrô­leurs, pour amé­lio­rer la qua­li­té des échanges, les aider à déve­lop­per les bonnes pos­tures phy­siques et le bon com­por­te­ment pour garan­tir des inter­ac­tions res­pec­tueuses et cour­toises, mais aus­si pour pou­voir pré­ve­nir les agressions.

Au-delà de cette approche pré­ven­tive, nous avons aus­si des actions pour accom­pa­gner nos per­son­nels qui ont été vic­times d’agressions ou d’incivilités. Nous dis­po­sons de cel­lules psy­cho­lo­giques et sol­li­ci­tons l’aide de la méde­cine du tra­vail afin d’accompagner nos per­son­nels qui ont subi des agres­sions ver­bales ou physiques.

Enfin, nous menons des cam­pagnes d’information à des­ti­na­tion de nos voya­geurs sur ces sujets d’incivilités et d’agressions pour sen­si­bi­li­ser l’opinion publique et les invi­ter à respec­ter nos personnels. 

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