La sécurité, un enjeu humain et technologique pour la SNCF !
Enjeu stratégique pour la SNCF, la sécurité est au cœur des préoccupations quotidiennes du groupe et s’appuie sur une direction dédiée à la sécurité au sein de l’entité SNCF Voyageurs. Patrick Auvrèle, à la tête de cette direction de la Sécurité de SNCF Voyageurs, nous en dit plus sur l’ensemble des pistes, humaines et technologiques, explorées afin d’optimiser la sécurité et la sûreté et s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue visant à réduire durablement les risques.
Qu’est-ce que la Direction de la Sécurité de SNCF Voyageurs et quel est son périmètre d’action ?
La direction de la Sécurité de SNCF Voyageurs est en charge des « six sécurités » au sein du groupe SNCF : la sécurité de nos voyageurs ou la sécurité ferroviaire ; la sécurité de nos personnels ; la sûreté ; la sécurité incendie ; la sécurité environnementale et la cybersécurité.
Pour assurer cette mission centrale, la direction s’appuie sur 70 personnes. Enjeu transverse au sein du groupe, les questions relatives à la sécurité mobilisent plus largement environ 1 000 personnes sur l’ensemble du territoire au sein de SNCF Voyageurs.
Pour améliorer la sécurité ferroviaire, comment capitalisez-vous sur les nouvelles technologies ?
Conscient du potentiel et de la valeur ajoutée des nouvelles technologies et digital, nous avons intégré ces deux dimensions depuis déjà plusieurs années. Nous capitalisons, en effet, sur les nouvelles technologies pour innover et mettre à la disposition de nos personnels des outils pour les aider à mieux remplir leurs diverses missions. Ainsi, à titre d’exemple, nous avons développé et mis à disposition de nos contrôleurs l’application Sécurité À Bord qui inclut tous les éléments et informations nécessaires pour garantir la sécurité à bord d’un train.
En effet, au-delà de ces missions commerciales classiques bien connues du grand public, le contrôleur est aussi le garant de la sécurité du train : fermeture des portes, vérification des montées et descentes des voyageurs… Autrefois, ces consignes de sécurité étaient compilées dans des supports papiers de plusieurs dizaines de pages. Aujourd’hui, en quelques clics sur son smartphone, le contrôleur peut très facilement et rapidement y avoir accès.
Citons un autre exemple, pour optimiser la montée et la descente des personnes en situation de handicap, nous avons développé une application dédiée STOP & GO qui permet de faire le lien entre le personnel d’escale qui opère au sol, sur les quais, et les contrôleurs dans le train. En envoyant un STOP sur le smartphone du contrôleur, le personnel d’escale va ainsi l’alerter de la montée ou de la descente d’une personne en situation de handicap. Une fois l’opération finalisée, il suffit d’envoyer un GO. Ce système permet au contrôleur, qui n’est pas forcément au même endroit que l’agent d’escale, d’avoir une visibilité à distance de ces opérations.
« Autrefois, ces consignes de sécurité étaient compilées dans des supports papiers de plusieurs dizaines de pages. Aujourd’hui, en quelques clics sur son smartphone, le contrôleur peut très facilement et rapidement y avoir accès. »
Actuellement, nous testons une nouvelle application Alerte en cas de choc pour accélérer et fiabiliser l’envoi d’un message d’urgence lors d’accidents qui peuvent survenir par exemple au niveau des passages à niveau, notamment quand un train percute un véhicule routier. Dans ce cas de figure, très souvent, les équipements de la cabine sont endommagés et il est alors très difficile, voire impossible, de transmettre les bonnes informations afin d’arrêter la circulation des autres trains. Grâce à un système de gyroscope, le téléphone du conducteur pourra identifier qu’il y a eu un choc et envoyer immédiatement l’alerte aux centres de régulation du train.
Nous développons aussi des applications et des outils à destination des conducteurs. On peut notamment citer Odicéo, une application qui digitalise l’ensemble des ordres donnés dans le cadre d’une mission de conduite et plus particulièrement dans des situations où le conducteur est confronté à des anomalies sur son trajet, comme un passage à niveau en dérangement, des travaux en cours qui nécessitent un ralentissement ou une modification de son parcours…
Concrètement, le digital et les nouvelles technologies nous permettent de sécuriser la transmission de la bonne information à la bonne personne et au bon moment, ce qui contribue à relever significativement le niveau de sécurité ferroviaire.
Quelle est votre approche en matière de gestion des risques et de prévention des accidents ferroviaires ?
La sécurité est une obsession quotidienne pour SNCF. Nous nous inscrivons dans une démarche d’amélioration continue qui se traduit par une analyse permanente des risques et des écarts de sécurité pour réhausser le niveau de sécurité. Dans ce cadre, nous développons une approche dite de « nœuds papillon » qui est très connue dans les milieux à haut risque. Elle permet de dépasser l’arbre des causes pour traiter en amont un événement redouté en se concentrant sur les « barrières » (règles, processus, ou éléments techniques) qui vont permettre d’éviter sa survenance ou atténuer les conséquences.
Nous menons un important travail d’analyse et de valorisation des retours d’expérience de tous les événements. Dans une approche dite « juste et équitable » qui ne vise pas à sanctionner les acteurs en cas d’erreur, nous cherchons à identifier les causes profondes d’un événement, afin de les traiter pour s’assurer que cela ne se reproduise plus.
Quelles pistes explorez-vous pour optimiser la sécurité des passagers et des infrastructures ferroviaires ?
Nous nous concentrons essentiellement sur deux leviers. Le premier est bien évidemment l’humain, car la sécurité est assurée par nos agents de sécurité ferroviaire à bord des trains ou dans les gares avec le soutien des équipes de la police, de la gendarmerie ou encore de l’Armée, notamment dans le cadre du Plan Vigipirate.
Le second levier est d’ordre technologique et revêt différentes formes. Nous utilisons notamment la vidéo-surveillance et plus particulièrement les vidéos dites intelligentes qui nous permettent de détecter des mouvements anormaux, des présences humaines dans des trains qui devraient être vides de passagers, ou encore de faire la différence entre un obstacle physique (rocher, véhicule, objet…) ou humain… Ces vidéos nous permettent, par ailleurs, de réduire significativement les retards de nos trains.
La sécurité et la sûreté nécessitent aussi un travail constant en matière de formation et de sensibilisation. Qu’en est-il ?
Nous avons une activité de formation très intensive. Cela passe, d’abord, par des habilitations et des autorisations pour des tâches opérationnelles et d’encadrement. En complément, nous avons développé des formations et des sensibilisations complémentaires sur la dimension Facteurs Organisationnels et Humains. Tout le management a suivi ces formations pour développer une capacité à analyser et à faire de la prévention sur ces facteurs qui peuvent impacter la sécurité. Nous avons aussi travaillé sur une approche de « libération de la parole » avec la mise en place d’une charte dédiée pour inciter nos opérateurs à remonter au management tout événement, quelle que soit sa gravité, afin qu’il puisse être analysé et éviter, ainsi, que cela se reproduise. Enfin, nous proposons aussi des formations axées sur le management, le savoir-être, le savoir-voir et le comportement pour développer les meilleures approches managériales de la sécurité.
Pour promouvoir une meilleure culture de la sécurité, vous privilégiez aussi une certaine ouverture sur votre écosystème avec de nombreux partenariats. Quelques mots sur cette dimension.
Nous observons avec grand intérêt les systèmes à haut risque qui nous entourent afin de capitaliser sur les bonnes pratiques et les retours d’expérience d’autres secteurs. Au-delà du monde ferroviaire, nous réalisons ainsi des benchmarks et des études comparatives auprès de nombreuses entreprises comme Air France, TotalEnergies, Arkéma… Nous avons aussi des partenariats avec des instituts et des fondations spécialisés dans la sécurité industrielle, comme l’ICSI et la FONCSI… Ces experts de la sécurité nous apportent un regard extérieur, des recommandations et des préconisations, voire des alertes sur notre management afin d’améliorer notre gestion des risques et de la sécurité.
Enfin, vous êtes aussi très mobilisés pour protéger vos personnels face aux agressions, aux incivilités et aux risques aversifs de leur métier qui connaissent malheureusement une forte hausse depuis quelques années…
C’est, en effet, une préoccupation très forte, les agressions et les incivilités représentent un quart de nos accidents du travail. Pour nous en prémunir, nous explorons plusieurs leviers. Avec l’accord du ministère de l’Intérieur, nous menons une phase expérimentale visant à équiper notre personnel en contact avec la clientèle de caméra piéton qui permet d’enregistrer en audio et en vidéo un échange tendu avec un client. Après l’avoir prévenu du déclenchement de l’enregistrement, la présence de cette caméra permet d’apaiser les relations dans plus de 94 % des cas, ce qui contribue à réduire significativement les agressions et les accidents du travail. Fin 2023, plus de 2 000 caméras avaient été déployées en ce sens.
En parallèle, nous formons nos agents en relation avec la clientèle, et plus particulièrement nos contrôleurs, pour améliorer la qualité des échanges, les aider à développer les bonnes postures physiques et le bon comportement pour garantir des interactions respectueuses et courtoises, mais aussi pour pouvoir prévenir les agressions.
Au-delà de cette approche préventive, nous avons aussi des actions pour accompagner nos personnels qui ont été victimes d’agressions ou d’incivilités. Nous disposons de cellules psychologiques et sollicitons l’aide de la médecine du travail afin d’accompagner nos personnels qui ont subi des agressions verbales ou physiques.
Enfin, nous menons des campagnes d’information à destination de nos voyageurs sur ces sujets d’incivilités et d’agressions pour sensibiliser l’opinion publique et les inviter à respecter nos personnels.