« La disruption est ancrée dans l’ADN de notre cabinet »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°800 Décembre 2024Par Nicolas MOUROT

Nico­las Mou­rot, direc­teur exé­cu­tif de LX Avo­cats, revient sur la place aujourd’hui incon­tour­nable des nou­velles tech­no­lo­gies et de l’innovation dans la pra­tique du droit et nous explique com­ment son cabi­net intègre ces dimen­sions. 

Au-delà des évolutions réglementaires constantes, le monde du droit est aussi disrupté par l’émergence des nouvelles technologies et notamment l’IA. Qu’observez-vous à votre niveau ?

Ini­tia­le­ment hési­tantes, les pro­fes­sions du droit ont pro­gres­si­ve­ment pris conscience de l’importance d’embrasser les évo­lu­tions plu­tôt que de les bro­car­der, en par­ti­cu­lier s’agissant de l’IA. Aujourd’hui, un consen­sus se dégage clai­re­ment : l’IA doit être « appri­voi­sée » par le monde juri­dique, au sens où les pro­fes­sion­nels, qu’ils soient avo­cats, juristes d’entreprise, notaires ou encore com­mis­saires de jus­tice (ex-huis­siers) doivent apprendre à l’utiliser et à la cana­li­ser pour la rendre fiable et sécurisée.

Le taux « d’hallucination » de ces tech­no­lo­gies reste éle­vé lorsqu’elles sont uti­li­sées sur des pro­blé­ma­tiques poin­tues. En effet, les modèles de lan­gage basés sur l’apprentissage pro­fond (de type Chat GPT) peuvent « ingé­rer » des don­nées fausses, ou encore extra­po­ler en croi­sant des don­nées incom­plètes. Cette « limite » de l’IA prouve que la tech­no­lo­gie ne pour­ra pas rem­pla­cer les pro­fes­sion­nels du droit, mais plu­tôt décu­pler leurs capa­ci­tés pour en faire des « juristes aug­men­tés ». Les édi­teurs juri­diques l’ont d’ailleurs bien com­pris et s’attellent tous à déve­lop­per leur propre solu­tion d’IA en « cus­to­mi­sant » les modèles existants.

Créé en 2012, LX Avocats s’est très tôt emparé de ces sujets technologiques. Pourquoi ?

La dis­rup­tion est ancrée dans l’ADN de notre cabi­net. En effet, en 2012, Lexa­voué (deve­nu aujourd’hui LX) est né d’un bou­le­ver­se­ment : celui de la dis­pa­ri­tion de la pro­fes­sion d’avoué. Cet évé­ne­ment fon­da­teur, qui a abou­ti à la créa­tion de notre cabi­net par d’anciens avoués deve­nus avo­cats, a for­gé en son sein un état d’esprit très volon­ta­riste et posi­tif, sou­cieux de trans­for­mer chaque menace en oppor­tu­ni­té de développement.

Nous nous sommes donc rapi­de­ment sai­sis du sujet et plu­sieurs ini­tia­tives ont été menées en ce sens : par­ti­ci­pa­tion aux pro­grammes de cocréa­tion pro­po­sés par cer­tains édi­teurs à leurs clients, créa­tion d’un lab inno­va­tion interne char­gé de déve­lop­per des solu­tions sur mesure visant à faci­li­ter le quo­ti­dien de nos clients et de nos équipes (appli­ca­tion per­met­tant d’identifier la juri­dic­tion com­pé­tente pour un litige don­né, solu­tions de sui­vi des dos­siers à des­ti­na­tion des clients fai­sant face à des conten­tieux mul­tiples / sériels, outils péda­go­giques à des­ti­na­tion des élèves avo­cats, etc.). Le tout avec une ligne de conduite claire : veiller à ce que l’intelligence humaine et l’expertise juri­dique res­tent au cœur du processus.

Concrètement, comment cela impacte-t-il votre pratique au quotidien ?

La tech­no­lo­gie aug­mente notre impact, en nous per­met­tant d’analyser et de croi­ser rapi­de­ment un volume de don­nées, notam­ment juris­pru­den­tielles, qu’il serait impos­sible de trai­ter manuel­le­ment. Il s’agit bien enten­du d’un gain de temps qui per­met aux avo­cats de se concen­trer sur des actions à haute valeur ajou­tée, mais pas seule­ment ; la tech­no­lo­gie per­met d’accéder à un niveau de maî­trise des don­nées juri­diques qui donne à notre approche intel­lec­tuelle une nou­velle dimen­sion : nous sommes en mesure d’affiner comme jamais aupa­ra­vant nos stra­té­gies conten­tieuses et procédurales.

En quoi votre approche centrée sur l’innovation est-elle pertinente pour accompagner les dirigeants et chefs d’entreprise ?

L’innovation juri­dique pilo­tée par les pro­fes­sion­nels du droit est une chance pour les entre­prises et leurs diri­geants, car elle va méca­ni­que­ment boos­ter la valeur ajou­tée des pres­ta­tions juri­diques qui leur sont four­nies. Les outils d’analyse dopés à l’intelligence arti­fi­cielle per­mettent par exemple aux avo­cats d’anticiper les risques juri­diques encou­rus par leurs clients, d’évaluer les scé­na­rios pos­sibles et ain­si de pro­po­ser des stra­té­gies pré­ven­tives adap­tées. La mise en place de pla­te­formes col­la­bo­ra­tives flui­di­fie éga­le­ment les échanges entre les diri­geants d’entreprises et leurs conseils juri­diques, en par­ti­cu­lier pour le sui­vi des conten­tieux mul­tiples ou sériels. Il ne s’agit ici que de deux exemples par­mi tant d’autres. En résu­mé, une approche cen­trée sur l’innovation, telle que LX avo­cats la pra­tique, per­met une per­son­na­li­sa­tion accrue de la pres­ta­tion de ser­vice juridique.

Mais au-delà de l’apport tan­gible des inno­va­tions, il y a à mon sens un effet de bord posi­tif et ver­tueux à ne pas sous-esti­mer : la révo­lu­tion tech­no­lo­gique s’accompagne dans le monde du droit d’une révo­lu­tion cultu­relle. En effet, en bous­cu­lant des pra­tiques par­fois « ances­trales » et en favo­ri­sant l’émergence de nou­veaux acteurs bous­cu­lant leur pay­sage concur­ren­tiel, l’innovation a for­cé les pro­fes­sions juri­diques, et les cabi­nets d’avocats au pre­mier chef, à chan­ger de para­digme. Ces der­niers deviennent pro­gres­si­ve­ment des entre­prises comme les autres, et sont confron­tés aux mêmes enjeux que leurs clients. Aus­si, cette conver­gence cultu­relle flui­di­fie for­te­ment les inter­ac­tions entre fonc­tions busi­ness et fonc­tions juridiques.

Votre cabinet est classé en tête du classement français des cabinets d’avocats (Palmarès du droit 2024) dans la catégorie « Transformation du droit, logiciels, legaltech et AI ». Quels sont selon vous les atouts qui vous ont permis d’obtenir cette distinction ?

Cette dis­tinc­tion vient à mon sens récom­pen­ser l’approche trans­ver­sale adop­tée par LX Avo­cats. L’innovation s’inscrit en effet dans une stra­té­gie plus glo­bale, mue par un seul objec­tif : tou­jours mieux répondre aux enjeux ren­con­trés par nos clients.

Pre­nons un exemple : LX Avo­cats s’est asso­cié à implid (acteur majeur du chiffre, du droit et du conseil aux entre­prises) dans le cadre une joint-ven­ture autour de l’activité de com­mis­saires de jus­tice (ex-huis­siers de jus­tice), qui nous per­met désor­mais de pro­po­ser à nos clients un ser­vice sans cou­ture, de l’assignation à l’exécution de la déci­sion. Cette inter­pro­fes­sion­na­li­té juri­dique unique en son genre est une autre forme d’innovation : en conju­guant les exper­tises com­plé­men­taires de deux pro­fes­sions, elle par­ti­cipe à la trans­for­ma­tion posi­tive du droit au ser­vice du justiciable.

En résu­mé, la tech­no­lo­gie n’est qu’une des nom­breuses dimen­sions, néces­saire mais pas suf­fi­sante, de l’innovation juri­dique : elle doit être consi­dé­rée avant tout comme un outil au ser­vice d’un pro­jet plus glo­bal de trans­for­ma­tion de la pra­tique du droit, afin de tou­jours mieux l’aligner aux attentes de nos clients. 

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