« La disruption est ancrée dans l’ADN de notre cabinet »
Nicolas Mourot, directeur exécutif de LX Avocats, revient sur la place aujourd’hui incontournable des nouvelles technologies et de l’innovation dans la pratique du droit et nous explique comment son cabinet intègre ces dimensions.
Au-delà des évolutions réglementaires constantes, le monde du droit est aussi disrupté par l’émergence des nouvelles technologies et notamment l’IA. Qu’observez-vous à votre niveau ?
Initialement hésitantes, les professions du droit ont progressivement pris conscience de l’importance d’embrasser les évolutions plutôt que de les brocarder, en particulier s’agissant de l’IA. Aujourd’hui, un consensus se dégage clairement : l’IA doit être « apprivoisée » par le monde juridique, au sens où les professionnels, qu’ils soient avocats, juristes d’entreprise, notaires ou encore commissaires de justice (ex-huissiers) doivent apprendre à l’utiliser et à la canaliser pour la rendre fiable et sécurisée.
Le taux « d’hallucination » de ces technologies reste élevé lorsqu’elles sont utilisées sur des problématiques pointues. En effet, les modèles de langage basés sur l’apprentissage profond (de type Chat GPT) peuvent « ingérer » des données fausses, ou encore extrapoler en croisant des données incomplètes. Cette « limite » de l’IA prouve que la technologie ne pourra pas remplacer les professionnels du droit, mais plutôt décupler leurs capacités pour en faire des « juristes augmentés ». Les éditeurs juridiques l’ont d’ailleurs bien compris et s’attellent tous à développer leur propre solution d’IA en « customisant » les modèles existants.
Créé en 2012, LX Avocats s’est très tôt emparé de ces sujets technologiques. Pourquoi ?
La disruption est ancrée dans l’ADN de notre cabinet. En effet, en 2012, Lexavoué (devenu aujourd’hui LX) est né d’un bouleversement : celui de la disparition de la profession d’avoué. Cet événement fondateur, qui a abouti à la création de notre cabinet par d’anciens avoués devenus avocats, a forgé en son sein un état d’esprit très volontariste et positif, soucieux de transformer chaque menace en opportunité de développement.
Nous nous sommes donc rapidement saisis du sujet et plusieurs initiatives ont été menées en ce sens : participation aux programmes de cocréation proposés par certains éditeurs à leurs clients, création d’un lab innovation interne chargé de développer des solutions sur mesure visant à faciliter le quotidien de nos clients et de nos équipes (application permettant d’identifier la juridiction compétente pour un litige donné, solutions de suivi des dossiers à destination des clients faisant face à des contentieux multiples / sériels, outils pédagogiques à destination des élèves avocats, etc.). Le tout avec une ligne de conduite claire : veiller à ce que l’intelligence humaine et l’expertise juridique restent au cœur du processus.
Concrètement, comment cela impacte-t-il votre pratique au quotidien ?
La technologie augmente notre impact, en nous permettant d’analyser et de croiser rapidement un volume de données, notamment jurisprudentielles, qu’il serait impossible de traiter manuellement. Il s’agit bien entendu d’un gain de temps qui permet aux avocats de se concentrer sur des actions à haute valeur ajoutée, mais pas seulement ; la technologie permet d’accéder à un niveau de maîtrise des données juridiques qui donne à notre approche intellectuelle une nouvelle dimension : nous sommes en mesure d’affiner comme jamais auparavant nos stratégies contentieuses et procédurales.
En quoi votre approche centrée sur l’innovation est-elle pertinente pour accompagner les dirigeants et chefs d’entreprise ?
L’innovation juridique pilotée par les professionnels du droit est une chance pour les entreprises et leurs dirigeants, car elle va mécaniquement booster la valeur ajoutée des prestations juridiques qui leur sont fournies. Les outils d’analyse dopés à l’intelligence artificielle permettent par exemple aux avocats d’anticiper les risques juridiques encourus par leurs clients, d’évaluer les scénarios possibles et ainsi de proposer des stratégies préventives adaptées. La mise en place de plateformes collaboratives fluidifie également les échanges entre les dirigeants d’entreprises et leurs conseils juridiques, en particulier pour le suivi des contentieux multiples ou sériels. Il ne s’agit ici que de deux exemples parmi tant d’autres. En résumé, une approche centrée sur l’innovation, telle que LX avocats la pratique, permet une personnalisation accrue de la prestation de service juridique.
Mais au-delà de l’apport tangible des innovations, il y a à mon sens un effet de bord positif et vertueux à ne pas sous-estimer : la révolution technologique s’accompagne dans le monde du droit d’une révolution culturelle. En effet, en bousculant des pratiques parfois « ancestrales » et en favorisant l’émergence de nouveaux acteurs bousculant leur paysage concurrentiel, l’innovation a forcé les professions juridiques, et les cabinets d’avocats au premier chef, à changer de paradigme. Ces derniers deviennent progressivement des entreprises comme les autres, et sont confrontés aux mêmes enjeux que leurs clients. Aussi, cette convergence culturelle fluidifie fortement les interactions entre fonctions business et fonctions juridiques.
Votre cabinet est classé en tête du classement français des cabinets d’avocats (Palmarès du droit 2024) dans la catégorie « Transformation du droit, logiciels, legaltech et AI ». Quels sont selon vous les atouts qui vous ont permis d’obtenir cette distinction ?
Cette distinction vient à mon sens récompenser l’approche transversale adoptée par LX Avocats. L’innovation s’inscrit en effet dans une stratégie plus globale, mue par un seul objectif : toujours mieux répondre aux enjeux rencontrés par nos clients.
Prenons un exemple : LX Avocats s’est associé à implid (acteur majeur du chiffre, du droit et du conseil aux entreprises) dans le cadre une joint-venture autour de l’activité de commissaires de justice (ex-huissiers de justice), qui nous permet désormais de proposer à nos clients un service sans couture, de l’assignation à l’exécution de la décision. Cette interprofessionnalité juridique unique en son genre est une autre forme d’innovation : en conjuguant les expertises complémentaires de deux professions, elle participe à la transformation positive du droit au service du justiciable.
En résumé, la technologie n’est qu’une des nombreuses dimensions, nécessaire mais pas suffisante, de l’innovation juridique : elle doit être considérée avant tout comme un outil au service d’un projet plus global de transformation de la pratique du droit, afin de toujours mieux l’aligner aux attentes de nos clients.