L'évolution de l'enseignement à l'X : une tradition d'excellence

La dérivée est négative

Dossier : Mot du présidentMagazine N°801 Janvier 2025
Par Loïc ROCARD (X91)

Faute d’une dis­tinc­tion entre ce qui en anglais se dit teach ou learn, l’ambiguïté se niche der­rière le mot d’éducation. Manière d’éduquer ou de rece­voir un ensei­gne­ment, résul­tat d’un par­cours de for­ma­tion, et bien sûr le cas par­ti­cu­lier de l’X, c’est un dos­sier à plu­sieurs entrées que La Jaune et la Rouge ouvre ce mois-ci. Comme le sug­gère Her­vé Joly sur le conte­nu des ensei­gne­ments à l’X, il convient de voir les choses dans la longue durée et de faire le départ entre les mou­ve­ments de fond et les effets de mode. Les articles qui suivent pro­posent de se mettre à la page sur les ten­dances actuelles.

Lorsque la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne prend la parole sur ce thème, ce n’est pas gra­tuit tant les ques­tions rela­tives à la trans­mis­sion des savoirs y sus­citent de débats ani­més mais posent aus­si celle du rôle de l’École poly­tech­nique, ins­ti­tu­tion-de-réfé­rence, dont la place émi­nente est due à la qua­li­té des savoirs qu’elle trans­met mais peut-être encore davan­tage à la sélec­ti­vi­té de son recrutement.

Le fait poly­tech­ni­cien est en réa­li­té la somme de trois dimen­sions se confor­tant mutuel­le­ment, une infra­struc­ture d’apprentissage (des profs, des équipes de recherche, des lieux), des élèves sco­lai­re­ment aguer­ris, et des anciens qui s’aideront les uns les autres à tra­cer leur route sin­gu­lière. Au XXe siècle l’X a pro­gres­si­ve­ment quit­té le sta­tut d’école de for­ma­tion de nom­breux mili­taires et au début du XXIe elle n’était plus que très mino­ri­tai­re­ment une for­ma­tion aux corps tech­niques de l’État. Et pour­tant, dans cette longue muta­tion des besoins, l’X est complè­tement res­tée elle-même, on est pas­sé des offi­ciers d’active aux « offi­ciers de la guerre éco­no­mique » comme disait Ber­nard Esam­bert, au tour­nant des années 80–90, mais l’X est res­tée ce lieu d’excellence qui fait des envieux et voit naître une varié­té de car­rières sans pareille.

“Dans cette longue mutation des besoins, l’X est complètement restée elle-même.”

Entre­temps, le niveau moyen requis en sciences dans le secon­daire a bais­sé de façon régu­lière ces trente der­nières années. Les résul­tats de l’étude inter­na­tio­nale TIMSS publiés au mois de décembre montrent que la baisse se pour­sui­vait ces der­niers temps. Le bac­ca­lau­réat a per­du (de) son sens et, der­niè­re­ment, les jeunes filles ont beau­coup pro­fi­té de la pro­po­si­tion qui était faite par la réforme de 2019 pour se détour­ner des sciences « dures » en fin de lycée. Il se peut que ces cir­cons­tances aient eu pour consé­quence de faire recu­ler la diver­si­té sociale dans les pro­mo­tions des grandes écoles (les enfants-de-bonne-famille-et‑d’enseignants se débrouillent mieux que les autres pour se his­ser au-des­sus du modeste niveau deman­dé), et aus­si que cela explique que la pro­mo d’ingénieurs X2024 y ait mar­qué un recul de l’accession des filles.

On n’est plus aux temps où l’enseignement à l’X était exclu­si­ve­ment com­po­sé de sciences dures, pro­lon­geant la sco­la­ri­té des classes pré­pa­ra­toires en tirant seule­ment les concepts plus loin. Depuis lors la plu­ri­dis­ci­pli­na­ri­té est deve­nue la règle, l’École s’est vrai­ment ouverte à l’international et a élar­gi son recru­te­ment aux étu­diants de l’université. Les tran­si­tions actuelles, numé­rique – à marche for­cée, éco­lo­gique – petit à petit, géo­po­li­tique, ont conduit l’École à épou­ser en par­tie les pous­sées éco­no­miques et socié­tales de l’époque. Pour­vu que les ensei­gne­ments, quelles que soient les matières, soient de haute tenue, le trip­tyque Infrastructure/Élèves/Alumni conti­nue­ra de faire briller la flamme de l’École.

Chers lec­teurs fidèles de La Jaune et la Rouge, le conseil et l’équipe de l’AX à votre ser­vice vous sou­haitent une très belle année 2025 !

Commentaire

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Herverépondre
8 janvier 2025 à 16 h 14 min

L’im­por­tant, ce n’est pas la déri­vée, mais la déri­vée seconde…

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