« L’IA générative constitue une nouvelle branche de l’informatique » Pierre de La Grand’Rive (X16), cofondateur de Delos Intelligence
En 2023, Pierre de La Grand’Rive (X16) a cofondé Delos Intelligence, qui est une agence de services et de conseil informatique spécialisée dans l’IA générative. Face aux difficultés posées par cette technologie, telles que les fuites des données ou les hallucinations des machines, Delos Intelligence aide ses clients, au moyen de LLMs sur mesure, à évaluer les risques encourus, puis à construire des solutions sécurisées, robustes et fiables. Les gains de temps de travail sont dans certains domaines énormes.
Quelle est l’activité de Delos Intelligence ?
Delos Intelligence est une jeune entreprise, spécialisée en IA générative. Nous développons des modèles d’orchestration, une nouvelle génération de technologies d’IA générative, destinés à mettre en action les LLMs (grands modèles de langage) en les spécialisant sur des tâches particulières. Ces technologies avant-gardistes, encore peu étudiées, ont pour objet de sortir du cadre du LLM omnipotent. Nous mettons ces modèles à disposition dans la plateforme Cosmos, un espace de travail centralisé, fondé sur l’IA générative, qui permet de réinventer complètement la manière dont nous travaillons et d’assister le collaborateur du tertiaire dans toutes les tâches de son quotidien : réflexion, rédaction, recherche internet, réunion, traitement documentaire.
Quel est le parcours des fondateurs ?
L’entreprise a été montée par moi-même, Pierre de La Grand’Rive (directeur exécutif, X16), et mon frère, Thibaut de La Grand’Rive (directeur commercial, IÉSEG), deux frères aux profils complémentaires. À l’X, j’avais fait le master « algorithmique avancée », avant un passage en algorithmique quantique chez EDF, puis de revirer complètement pour trois années sur le terrain dans le secteur du BTP. Thibaut de son côté travaillait auparavant comme acheteur international chez Stellantis.
Comment vous est venue l’idée ?
Cela faisait un moment que nous cherchions à développer une activité propre, sans savoir encore précisément dans quel domaine. Nous avons mené quelques expérimentations au cours de l’année 2022, qui sont restées infructueuses, mais qui nous ont mis dans une vraie dynamique d’entrepreneuriat. La sortie de GPT‑3.5 nous a véritablement sidérés, nous incitant immédiatement à approfondir le sujet. Nous avons donc lancé un projet de journal autonome, en parallèle avec notre travail. Après quelques mois d’expérimentation, nous étions pleinement convaincus et avons décidé de fonder l’entreprise en juillet 2023.
Qui sont les concurrents ?
L’IA générative est un secteur très concurrentiel. Nos concurrents sont principalement les mastodontes américains, comme Microsoft, qui tentent d’intégrer de l’IA générative dans leurs solutions traditionnelles (ce qui jusqu’à maintenant n’est pas très concluant), ou de jeunes acteurs, qui développent de nouvelles plateformes. À notre avis, le principal défaut de la plupart des acteurs du secteur réside dans leur choix unanime d’une approche centrée sur l’expérience du chatbot, une stratégie en laquelle nous croyons peu. Nous nous sommes démarqués en proposant un espace de travail offrant des interactions avec l’IA très différentes et bien plus intuitives, car conçues autour des usages et de l’interaction homme-IA. Notre deuxième point fort réside dans notre rapidité d’exécution : nous sommes engagés dans des processus de développement permanent et nous introduisons de nouveaux services sur la plateforme environ tous les mois.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
La première étape clé a évidemment été la signature de notre premier gros contrat, avec Allianz France, après quelques mois de prospection, qui nous a permis de décoller, de monter l’équipe et de nous constituer une première référence internationale. La deuxième a été la mise sur le marché de notre plateforme Cosmos, en septembre 2024, qui a connu très vite un grand succès et a confirmé notre transition vers un modèle de SaaS (service fondé sur le cloud).
Qu’est-ce qui distingue l’IA générative des trois dernières décennies d’IA ?
Si Delos s’est spécialisée immédiatement en IA générative, c’est parce que nous avons rapidement compris que cette nouvelle génération d’IA était fondamentalement différente des technologies précédentes, en particulier des techniques traditionnelles de data et de machine learning. Selon nous, voici deux différences essentielles : l’absence d’entraînement (contrairement aux technologies de machine learning, il n’est pas nécessaire de procéder à un entraînement, seulement à un paramétrage ; cela simplifie et accélère considérablement le développement des systèmes) ; la polyvalence (nous travaillons avec des systèmes non spécialisés, capables aussi bien de rédiger du texte, de coder, que d’extraire des données textuelles d’un document ; cela change complètement l’approche du fonctionnement en silo qui prévalait jusqu’à présent).
Le potentiel offert par ce type de technologie est-il si énorme qu’on le dit, et pourquoi ?
Le potentiel est véritablement immense. Plusieurs métiers seront profondément transformés dans un futur proche, notamment les centres d’appels et le soutien client. Par exemple, dans un cas d’usage développé pour Allianz, nous avons réussi à réduire le temps de rédaction d’un document complexe de trois heures à seulement trois minutes, soit une division par cent. Pour un cabinet de conseil, l’une de nos technologies de vérification de conformité a permis de diminuer le temps de travail d’un consultant de cinq jours à moins d’une demi-journée. Même si ce sont des tâches précises, voilà les premiers signes des changements considérables qui sont à venir.
“Des changements considérables sont à venir.”
Et quelles en sont les limites ?
D’une part, il y a le problème de fiabilité et d’hallucinations, largement médiatisé, qui nécessite la mise en place de systèmes de contrôle et de technologies robustes pour les contrer. Ce problème est principalement d’ordre technique et les améliorations à venir permettront rapidement de corriger ce genre de défauts. D’autre part, il y a le changement organisationnel au sein des entreprises, qui doivent adopter un état d’esprit ouvert à ces transformations et les intégrer pleinement, sans exagérer ce qu’il est possible de faire à l’heure actuelle. Nous sommes encore bien loin de la disparition du travail humain qu’annonçait Elon Musk il y a un an.
Après le buzz généré par ChatGPT il y a deux ans, on a pourtant l’impression que l’enthousiasme diminue ?
Je ne suis vraiment pas inquiet : nous sommes actuellement dans la deuxième phase du cycle de Gartner. De nombreux acteurs se sont précipités après la sortie de ChatGPT, investissant massivement en marketing sans réellement réfléchir aux cas d’usage concrets. Pendant un an et demi, les réseaux ont été inondés de vidéos de démonstration, alimentées par une véritable euphorie. Cependant, une phase de désillusion a suivi, les résultats n’étant pas à la hauteur des promesses. Aujourd’hui, les utilisateurs sont devenus plus exigeants et recherchent des retours sur investissement tangibles. C’est précisément dans cette phase que nous souhaitons nous imposer et faire connaître notre solution, qui a été conçue dès le départ avec une logique de solidité.
Les X sont-ils particulièrement préparés pour devenir les leaders dans ce domaine ?
Je suis convaincu que l’IA générative constitue une nouvelle branche de l’informatique, particulièrement adaptée aux X. Comparée aux technologies précédentes, elle est extrêmement complexe et nécessite des technologies robustes, qui ne peuvent être développées que par des personnes ayant une formation scientifique et mathématique aussi rigoureuse que celle dispensée par les grandes écoles d’ingénieurs françaises. Nous nous dirigeons vers une compétition intellectuelle de plus en plus intense, où la puissance cérébrale jouera un rôle croissant. Les X sont parfaitement préparés pour relever ce défi !